On parle beaucoup depuis quelques semaines déjà des torts que les largesses du programme de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) causent à de nombreuses entreprises qui peinent à réembaucher leurs ex-employés. Pourquoi retourner travailler quand le gouvernement assure le versement d’une somme équivalente ou même supérieure à ce que l’on gagnait en un mois quand on peut rester sagement à la maison et profiter de l’été ?

Cette réalité est vécue par quantité d’entreprises qui emploient des travailleurs au salaire minimum et sont forcées d’opérer avec des effectifs réduits parce que la rémunération qu’elles offrent n’arrive pas à concurrencer les 2000 $ mensuels garantis par la PCU.

Si ce programme d’aide financière d’urgence du gouvernement fédéral – mis sur pied en catastrophe au tout début de la pandémie – a été d’une utilité essentielle pour les millions de travailleurs qui ont été mis au chômage lorsque l’activité économique a été mise sur pause en mars et avril derniers, son prolongement jusqu’en octobre entraîne aujourd’hui son lot de tracas.

En perdant leur emploi, ces travailleurs ont aussi perdu le lien qui les unissait à leur ancien employeur, ils n’ont donc aucune obligation de rentrer au boulot même si la situation le permet aujourd’hui et l’exigerait, même, dans certains cas.

À cet égard, la subvention fédérale à l’emploi s’est avérée un outil beaucoup plus efficace parce qu’en subventionnant jusqu’à 75 % du salaire d’un travailleur, le programme obligeait l’employeur à maintenir le lien d’emploi avec son personnel.

S’il semble aujourd’hui bien difficile à des millions de travailleurs d’abandonner les avantages de la PCU et de retourner au travail, il y en a, au contraire, qui souhaitent sortir de la PCU parce qu’ils veulent travailler, mais qui en sont tout simplement incapables.

C’est le cas d’Alexandre Boyer, qui tente laborieusement depuis trois mois de se faire retirer par le gouvernement fédéral du programme de la Prestation canadienne d’urgence afin de pouvoir profiter du programme de travail partagé de l’assurance-emploi (AE) auquel participe son nouvel employeur.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Alexandre Boyer travaillait au Cirque du Soleil, au service des communications, d’où il a été licencié – comme plus de 4678 employés du Cirque – le 20 mars dernier. Il s’inscrit alors au programme d’assurance-emploi et reçoit plutôt un chèque de la PCU le 8 avril.

L’histoire est simple. Alexandre Boyer travaillait au Cirque du Soleil, au service des communications, d’où il a été licencié – comme plus de 4678 employés du Cirque – le 20 mars dernier. Il s’inscrit alors au programme d’assurance-emploi et reçoit plutôt un chèque de la PCU le 8 avril.

Entre-temps, Alexandre Boyer s’est trouvé un nouvel emploi dans le secteur des communications pour une entreprise qui éprouve elle aussi des difficultés financières et qui décide de recourir au programme de travail partagé. Son employeur paie trois jours de salaire par semaine alors que les deux jours restants sont payés par l’AE. Tous les employés de son entreprise sont inscrits à ce programme et reçoivent leurs prestations régulièrement.

Depuis trois mois, il n’a reçu aucune prestation fédérale d’assurance-emploi parce que le système le considère toujours comme admissible à la PCU. Après des semaines de discussions et d’échanges de courriels avec l’AE et Services Canada, on lui a finalement dit qu’il devrait attendre jusqu’au mois d’octobre – lorsque le programme de PCU prendra fin – avant d’espérer recevoir ses prestations d’assurance-emploi.

« À l’assurance-emploi, on me dit qu’ils sont incapables de me retirer du programme de la PCU. Même manuellement, ils n’y arrivent pas. Je suis dans le système parce que j’ai reçu un chèque le 8 avril et je resterai inscrit à la PCU jusqu’à la fin du programme », déplore évidemment Alexandre Boyer.

Il est quand même incroyable qu’une personne qui a réussi à se trouver un emploi au plus fort de la crise – le 30 mars dernier – alors que l’activité économique était complètement paralysée soit pénalisée pour sa persévérance et sa résilience.

Alors qu’il aurait très bien pu profiter lui aussi des largesses du programme de la PCU durant des mois, puisqu’il y avait pleinement droit, Alexandre Boyer a plutôt décidé de se replacer les pieds rapidement et continuer d’exercer son métier.

« Je savais que mon contrat avec le Cirque du Soleil allait bientôt prendre fin. J’avais déjà fait des démarches pour trouver un nouvel emploi, mais la pandémie a accéléré les choses. Mon nouvel employeur a décidé de s’inscrire au programme de travail partagé de l’assurance-emploi et tout fonctionne bien pour tout le monde.

« Moi, ça fait trois mois que j’ai un salaire partiel de trois jours par semaine et on me dit d’attendre encore deux mois avant d’espérer peut-être avoir droit à mes prestations de travail partagé. À l’heure où le gouvernement donne de l’argent à tout le monde, ce qui est correct, j’aimerais juste qu’on trouve une solution à mon problème », soupire Alexandre Boyer.

Au ministère de l’Emploi et du Développement social à Ottawa, on a pris note de mes questions, mais on ne m’a jamais répondu. Pas facile pour personne de quitter la PCU.