Parmi tous les pays qui n’ont pas les moyens d’investir massivement pour aider leur population à traverser la crise de la COVID-19, il y a Cuba. Le pays occupe une place particulière dans le cœur des Québécois, qui apprécient son hospitalité, mais qui l’oublient une fois les vacances finies.

Les temps sont durs à Cuba. Le tourisme, principal moteur de l’économie cubaine, est à l’arrêt complet et pourrait le demeurer longtemps. Mais bien avant la fermeture des frontières à cause de la pandémie, la population commençait à être lentement asphyxiée par les sanctions américaines.

L’administration américaine actuelle s’emploie depuis son élection à refermer la porte ouverte par le président Barack Obama vers la normalisation des relations entre les États-Unis et Cuba. Et comme si fermer la porte n’était pas suffisant, le gouvernement Trump a entrepris d’étouffer l’île en éliminant toutes les sources d’oxygène qui lui parvenaient encore.

L’interdiction faite en juin 2019 aux navires de croisière américains de visiter l’île a fait mal à Cuba. Mais le coup le plus dur a été les sanctions américaines contre le Venezuela, qui ont empêché le pétrole vénézuélien de parvenir à Cuba en sanctionnant les navires qui le transportaient.

Certaines des sanctions américaines ont des répercussions sur les entreprises d’autres pays, comme le Canada. Exemple : Washington a réduit de 25 % à 10 % la part de contenu américain que peut intégrer un produit fait au Canada pour pouvoir être exporté à Cuba sans entrave.

Le pire coup porté par les Américains à l’endroit de Cuba est probablement la décision de mai 2019 d’autoriser tout citoyen ou entreprise des États-Unis à s’adresser aux tribunaux pour obtenir une compensation pour des biens expropriés lors de la révolution de 1959, il y a 60 ans. Cette possibilité de poursuite est une menace qui fera fuir les banques et les investisseurs étrangers qui s’intéressaient de plus en plus à Cuba, notamment dans les secteurs touristique et pharmaceutique.

Une autre décision récente de l’administration américaine a limité à 1000 $ US par trimestre la somme que les Cubains qui résident aux États-Unis peuvent envoyer à leur famille dans l’île.

Cet acharnement des Américains est difficile à justifier, si l’on songe que l’économie de Cuba représente à peine 0,08 % de l’économie mondiale et que son régime n’est une menace pour personne, surtout pas pour les États-Unis.

L’autre crise

L’accumulation des sanctions américaines était en voie de faire reculer Cuba de 30 ans, alors que l’éclatement de l’Union soviétique a laissé le pays complètement démuni.

En ces temps de crise sanitaire mondiale, ces sanctions sont encore plus injustes. Il a fallu que la haute-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, sonne l’alarme. Les sanctions comme celles qui frappent Cuba doivent être assouplies ou suspendues de toute urgence, pour des raisons humanitaires, a-t-elle plaidé le 24 mars.

La communauté internationale devrait faire écho à cet appel de l’ancienne présidente du Chili, d’autant que de plus en plus de pays font appel à l’expertise médicale de Cuba pour combattre la COVID-19.

Le régime cubain a une longue tradition d’aide médicale internationale. On l’accuse de faire travailler ses médecins dans des conditions d’esclavage pour amasser des devises étrangères qui lui font cruellement défaut. Il reste que les médecins cubains ont rendu service partout dans le monde, pour combattre l’Ebola en Afrique ou le choléra en Haïti.

L’Italie, le pays le plus touché d’Europe par la pandémie, a reçu l’aide des médecins cubains. La France y aura recours pour soigner la population de ses départements outre-mer. Au Canada même, les communautés autochtones du Manitoba ont aussi réclamé leurs services, une proposition que la vice-première ministre Chrystia Freeland a déclinée.

Le peuple cubain risque d’être bien seul pour traverser la crise. Comme toujours, peut-on ajouter. Mais il a au moins ses médecins, et peut-être une bouée de sauvetage, avec l’Interferon Alpha-2b recombinant. Ce médicament mis au point en collaboration avec la Chine a été utilisé avec succès dans le traitement de plusieurs maladies comme la dengue et le VIH/sida.

L’Interferon Alpha-2b recombinant est actuellement à l’essai pour traiter le coronavirus. Ironiquement, un pays qui manque de tout pourrait faire partie de la solution à cette autre crise. À suivre.

Cuba en chiffres

Population : 11,4 millions
PIB : 97 milliards US
PIB par habitant : 8821 $ US
Principales exportations : nickel, sucre, cigares, rhum
Principales importations : céréales, viande, pétrole
Nombre de cas de COVID-19 : 1369
Nombre de morts : 54 (au 26 avril 2020)