Catherine Chamberland cumulait trois emplois, tous liés au soutien aux naissances. Mais la COVID-19 a surtout fait naître des tracas. Sur les trois emplois, la crise lui en a fait perdre deux.

« Mon congé parental se termine dans deux semaines et mon unique revenu est insuffisant pour subvenir aux besoins de ma famille », a écrit la jeune mère d’une bambine de 7 mois (Ella) et d’un garçon de 4 ans (Loïc).

Sa signature portait deux titres intrigants : accompagnante périnatale et aide natale.

Elle aurait pu ajouter : conseillère en nourrissons. Son troisième employeur est une boutique pour bébés.

Malheureusement, avec la crise, ce triplet d’emplois l’a desservie plutôt qu’aidée.

Selon mes recherches, je ne suis admissible à aucune aide financière et j’ai trois personnes à ma charge.

Catherine Chamberland

Le berceau du problème

Tout part de sa profession d’aide natale en maison de naissance.

« C’est l’assistante de la sage-femme, décrit-elle au téléphone. Je suis engagée directement par le CIUSSS. »

Elle doit réserver 15 heures par semaine à son emploi, mais elle ne sera payée que pour les heures effectivement travaillées. « Je vais être appelée seulement lorsqu’il y a des naissances, et les naissances arrivent tout le temps toutes en même temps, dit-elle. C’est ça, la vie. »

Durant les semaines sans appels, le prélèvement de l’assurance collective obligatoire peut même entraîner des revenus négatifs !

Ces inconvénients n’empêchent pas sa voix de vibrer d’enthousiasme.

« C’est le plus beau métier du monde ! Tu vis avec les femmes et les familles le plus beau moment de leur vie ! »

Pour joindre l’utile à la passion, Catherine Chamberland est également accompagnante périnatale.

« Est-ce que vous savez c’est quoi, des relevailles ? »

Oui, c’est le soutien qu’on procure neuf mois après les semailles.

À titre de travailleuse autonome, elle est associée à une agence qui offre de l’aide aux mères qui viennent d’accoucher.

Elle y consacre quelques heures par semaine, selon la demande — ce qui est encore insuffisant pour boucler le mois.

Afin de donner un socle à ses revenus, elle travaille une vingtaine d’heures par semaine dans une boutique pour bébés.

Travaillait, pour être plus précis. Après un an de congé de maternité, elle devait retourner au magasin au début d’avril. Elle avait même reçu son horaire. Le 24 mars, un courriel lui a annoncé que la boutique fermait.

Ses projets autonomes ont eux aussi avorté. « J’avais un horaire, des clientes, mais il a fallu que j’arrête d’offrir ce service-là parce que ce sont des soins qui sont à domicile avec des nouveau-nés. Ça mettait tout le monde à risque », exprime la sage femme — sans trait d’union.

Ne reste que sa tâche d’aide natale, essentielle, mais qui lui procure des revenus aussi incertains qu’insuffisants.

Elle doit recommencer à travailler lundi. Si les parturientes sont au rendez-vous.

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

« C’est très anxiogène. Je ne dors plus », dit Catherine Chamberland.

Je vois difficilement comment arriver à payer mon prochain mois de loyer. J’ai déjà beaucoup de dettes d’études. Si ça continue encore pour deux ou trois mois, je vais entrer dans un mur.

Catherine Chamberland

Pour compliquer les choses, « ce travail m’empêche d’avoir accès à toutes les autres subventions », déplore-t-elle.

Elle a vérifié.

La Prestation canadienne d’urgence (PCU) ? « J’ai un revenu qui entre encore, même si celui-ci n’est pas garanti. »

L’assurance-emploi ? « Quand tu reviens d’un congé de maternité, tu n’as pas accès au chômage, parce que tu n’as pas travaillé au cours des 52  dernières semaines. »

Le Programme incitatif pour la rétention des travailleurs essentiels ? « Il faut gagner moins de 28 600 $. Mais mes revenus annuels sont supérieurs à ça. »

Elle ne trouve pas d’issue.

« C’est très anxiogène. Je ne dors plus. J’ai appelé la propriétaire de la maison de naissance en pleurant, pour expliquer que je veux retourner travailler, mais que si ça reste comme ça, financièrement, je ne peux pas. »

Puis elle entrouvre une porte…

« Idéalement, il faudrait que la PCU soit offerte aux gens qui travaillent moins de 10 heures par semaine. »

Voilà qui ferait renaître un peu d’espoir.