Chers automobilistes, vous croyez que les taxes sur l’essence vous coûtent trop cher ? Détrompez-vous ! Nous sommes les cancres de l’écofiscalité qui devrait pourtant être mise de l’avant pour lutter contre le réchauffement climatique.

Voilà un des mythes que vient briser la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke avec la publication de son bilan annuel de la fiscalité.

On y découvre que le Québec et l’Ontario sont les régions du monde où les taxes sur l’essence pèsent le moins lourd quand on fait le plein. En Ontario, les taxes représentent 33 % de la valeur réelle de l’essence qu’on met dans notre réservoir. Au Québec, c’est 42 %. Or, dans la majorité des pays de l’OCDE, les taxes sur l’essence dépassent la valeur du produit de base. 

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le Québec et l’Ontario sont les régions du monde où les taxes sur l’essence pèsent le moins lourd quand on fait le plein, selon le bilan annuel de la fiscalité de l’Université de Sherbrooke.

Au Royaume-Uni, qui est le champion mondial, les taxes représentent même 153 % du prix. De quoi freiner les conducteurs qui roulent en gros carrosse… sauf peut-être James Bond.

« Si on veut lutter contre la pollution, l’espace fiscal est là. Si on veut que les gens réalisent que les voitures qui consomment beaucoup nuisent à l’environnement, ça prend un signal de prix », dit le professeur de fiscalité Luc Godbout.

Mais comment faire avaler la pilule aux contribuables ? En faisant comme la Colombie-Britannique qui a haussé la taxe sur le carburant pour lutter contre les gaz à effet de serre, mais qui a réduit du même montant les impôts sur les particuliers afin de stimuler le travail et l’économie. D’une pierre deux coups !

Allez, il faut juste un peu de courage politique.

Moins d’impôts, plus de pression

D’une élection à l’autre, d’un budget à l’autre, les gouvernements nous ont servi une foule d’allégements fiscaux depuis 10 ans : élimination de la taxe santé, réduction des barèmes d’imposition, alouette.

Mais contre toute attente, le poids de la fiscalité a constamment augmenté depuis 2008.

On le mesure grâce au concept de « pression fiscale » qui correspond à l’ensemble des prélèvements (taxes, impôts, etc.) de tous les gouvernements (fédéral, provinces, municipalités) par rapport à la taille de l’économie (PIB).

Au Québec, la pression a grimpé de 36,2 % à 38,6 % depuis 10 ans, ce qui en fait la province la plus imposée au Canada, et de loin.

Est-ce à dire que les annonces de baisses d’impôt n’ont été qu’un mirage ? Non. En fait, lorsque l’économie roule à plein régime, les profits des entreprises et les salaires des travailleurs augmentent davantage que le PIB.

Comme les gens gagnent davantage, ils paient davantage d’impôt. Imaginez que votre salaire passe de 50 000 $ à 100 000 $, votre facture fiscale bondira, même si le gouvernement a accordé des baisses d’impôt.

Le mythe du zéro impôt

Plus du tiers (36 %) des contribuables ne paient aucun impôt au Québec, un chiffre qui suscite parfois la frustration. Mais il faut mettre les choses en perspective.

Dans cette catégorie, on compte les étudiants qui gagnent seulement des poussières, les personnes qui restent au foyer et sont à la charge de leur conjoint, ainsi que les bénéficiaires de l’État.

Ensuite, vous serez peut-être surpris d’apprendre que la proportion des déclarants non imposables est plus élevée à l’extérieur du Québec (37 %). Ce sont l’Alberta (39 %), la Colombie-Britannique (40 %) et la Saskatchewan (42 %) qui arrivent en tête.

L’Alberta est pourtant la province avec les revenus les plus élevés, mais le seuil sous lequel les contribuables sont exempts d’impôt est aussi plus haut (18 915 $ en 2018 contre 15 012 $ au Québec).

Le 1 % a le dos large

Ici comme ailleurs, les riches ont le dos large. « C’est un phénomène où on a tendance à importer les problèmes des voisins », nuance M. Godbout.

Au Québec, le fameux 1 % des contribuables qui a les revenus les plus élevés (à partir de 220 000 $) accapare 10 % des revenus gagnés par l’ensemble des contribuables. C’est deux fois moins qu’aux États-Unis (21 %) où les iniquités sont nettement plus marquées.

Au Québec, la part des revenus captée par le 1 % des plus riches est restée assez stable depuis 2000, alors que la part des impôts payée par ce groupe a augmenté de 17 à 19 %.

En tenant compte de l’impact de la fiscalité, le Québec est la troisième province où les inégalités sont les moins grandes. À l’échelle mondiale, notre province se compare à des pays comme le Danemark, la Norvège et la Suède, où les inégalités sont bien en dessous de la moyenne de l’OCDE.

Le vrai coupable : l’impôt foncier

De tous les modes d’imposition, ce sont les impôts fonciers qui ont connu la plus forte croissance au Québec depuis 2000. Cette tendance n’est certainement pas étrangère à la vague de fusions et de défusions. L’explosion du marché immobilier a aussi permis de masquer la hausse des dépenses des municipalités.

Le Canada (et le Québec à plus forte raison) est le troisième pays de l’OCDE où cette forme d’imposition est la plus utilisée, juste derrière le Royaume-Uni et la France.

Les gouvernements apprécient l’impôt foncier qui fournit des revenus stables et peu sujets à l’évitement fiscal. Pour l’économie, l’impôt foncier est moins nocif que l’impôt sur le revenu, qui décourage le travail. Par contre, il ne tient pas compte de la capacité de payer des propriétaires qui peuvent être forcés de vendre une maison qu’ils n’ont plus les moyens d’habiter.