L’une bouge, l’autre pas. La Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé hier de réduire de 25 points de base son taux directeur pour la troisième fois en trois réunions de son Comité de politique monétaire. Chez nous, la Banque du Canada a plutôt préféré hier garder inchangé son taux directeur pour un 12e mois consécutif. Faut-il s’étonner de cette bidirectionnalité des politiques monétaires canadienne et américaine ? La réponse courte est pas vraiment.

La Réserve fédérale a donc ramené son taux cible dans une fourchette de 1,50 % à 1,75 %.

On le sait, le président de la Fed, Jerome Powell, doit composer avec Donald Trump, un président malcommode qui se plaint publiquement depuis des mois que les taux d’intérêt sont trop élevés aux États-Unis et qu’ils sont un frein à l’expansion de l’économie américaine et à la réalisation du plein potentiel des entreprises.

Même si la Réserve fédérale a toujours profité d’une totale indépendance pour articuler la politique monétaire américaine sans interférences politiques, il faut croire qu’à force de hurler son mécontentement sur toutes les tribunes, le président Trump a réussi à faire passer son message.

Le président de la Fed est devenu soudainement plus malléable puisqu’en l’espace de trois mois, le taux directeur américain est passé d’une fourchette de 2,25 %-2,50 % à une de 1,50 %-1,75 %.

La vraie motivation de Donald Trump de voir les taux d’intérêt baisser aux États-Unis n’est pas de réinjecter davantage d’argent dans le système pour faire tourner plus vite encore une économie déjà performante.

Ce que Trump souhaite avant tout, c’est de déprécier le dollar américain par rapport aux autres devises.

Alors que le taux directeur de la Banque centrale européenne a été ramené à 0 % et que la devise chinoise est toujours sous-évaluée par rapport au dollar américain, Donald Trump veut à tout prix que les produits fabriqués aux États-Unis soient exportés partout dans le monde et que les importations de biens fabriqués en Europe ou en Chine soient limitées à leur strict minimum.

Cela dit, plusieurs auraient souhaité que le Canada suive le mouvement de relâchement des taux d’intérêt que l’on observe partout dans le monde, notamment en Europe et aux États-Unis.

Ce qui n’a pas été le cas hier.

Maintenir le cap

On s’en doutait, la Banque du Canada a annoncé qu’elle maintenait à 1,75 % son taux directeur, le taux qui est en vigueur depuis un an maintenant et qui a été atteint à la suite de cinq hausses de 25 points de base à partir de juillet 2017.

Cette décision n’a surpris personne ; elle s’inscrit dans la politique monétaire de l’institution qui cherche à favoriser l’activité économique tout en évitant de générer une expansion immodérée de l’inflation.

Même si elle prévoit que la croissance économique canadienne sera plus faible qu’anticipé au cours de la seconde moitié de l’année – 1,3 % plutôt que le 1,5 % anticipé en juillet dernier –, la banque centrale estime que l’activité économique est encore bonne au Canada, notamment en ce qui touche l’emploi, les salaires et les dépenses à la consommation.

Comme les plus récentes statistiques viennent de nous l’apprendre, l’activité économique continue notamment d’étonner au Québec qui a enregistré un taux de croissance de 3,4 % en juillet et a aligné un 10e mois consécutif de hausse de son produit intérieur brut réel.

Une autre raison qui pousse notre banque centrale à retarder la baisse de son taux directeur, c’est sa crainte – maintes fois évoquée – de relancer l’endettement des ménages canadiens, que favorisent des conditions de crédit trop avantageuses.

La Banque du Canada observe toutefois que l’économie canadienne n’est pas à l’abri des conséquences des tensions commerciales internationales, et plus particulièrement celles entre les États-Unis et la Chine.

Déjà, les exportations canadiennes et les investissements des entreprises souffrent de ces tensions commerciales, au point que ces deux secteurs d’activité devraient se contracter d’ici la fin de 2019 et forcer la Banque du Canada à réévaluer rapidement sa politique monétaire et réduire son taux directeur.

Mine de rien, c’est aussi la première fois en trois ans que le Canada a un taux directeur supérieur à celui des États-Unis et, historiquement, cette situation a toujours entraîné un raffermissement du dollar canadien par rapport à la devise américaine.

Ça n’a pas été le cas hier alors que le huard a légèrement reculé sur les marchés en raison des commentaires prospectifs plus négatifs de la Banque du Canada, mais on peut s’attendre à ce que le dollar canadien affiche au cours des prochaines semaines un meilleur tonus.