Agropur a été sans conteste l'une des entreprises québécoises qui se sont le plus illustrées au cours de la dernière année. La coopérative laitière a poursuivi sa stratégie d'expansion amorcée en 2013 en réalisant quatre acquisitions importantes qui lui ont permis de cimenter sa position d'acteur national au Canada et de se hisser au rang d'acteur de premier plan dans la transformation de fromage aux États-Unis.

Robert Coallier, gestionnaire de carrière, est celui qui orchestre depuis bientôt trois ans le renforcement du positionnement stratégique d'Agropur qui était souhaité par les 3450 producteurs laitiers qui sont propriétaires de la coopérative.

Après avoir été nommé président et chef de la direction de l'entreprise en février 2012, Robert Coallier a mis neuf mois à réévaluer toutes les facettes de l'opération d'Agropur avant d'enclencher une première acquisition aux États-Unis le 4 janvier 2013.

Histoire de fusions et d'acquisitions

Au cours des deux dernières années, le groupe laitier a réalisé plus d'une dizaine d'acquisitions dont quatre importantes en 2014, dans les Maritimes, dans l'Ouest canadien (avec quatre usines de transformation du lait) et une transaction majeure aux États-Unis.

Ces quatre acquisitions vont faire passer les revenus annuels d'Agropur de 3,8 à 5,8 milliards de dollars l'an prochain.

«L'histoire d'Agropur est faite de fusions et d'acquisitions. En 76 ans, on en a fait plus de 140. Quand je suis arrivé en poste, je ne voulais surtout pas freiner ce succès qu'on soulignait pour le 75e anniversaire», m'explique Robert Coallier.

Son plan de match était simple. Il fallait d'abord que la coop laitière atteigne le statut d'acteur national, ce qu'elle est devenue avec un réseau d'usines canadiennes qui s'étend de Terre-Neuve jusqu'à Victoria en Colombie-Britannique.

Avec le groupe québécois Saputo et l'entreprise française Lactantia, Agropur a consolidé sa position au sein du top 3 des grands transformateurs laitiers qui réalisent ensemble 90% de toute la production au pays.

«Nos clients, les grandes chaînes d'alimentation, sont devenus des groupes qui ont développé des activités à l'échelle nationale, il fallait qu'on soit en mesure de les accompagner dans tous leurs marchés», expose le PDG d'Agropur.

Parallèlement à la réalisation de ce déploiement canadien, l'entreprise préparait la deuxième phase de son plan stratégique qui vise à occuper une place beaucoup plus importante le marché américain.

Ce qu'elle a fait de façon spectaculaire en réalisant en juillet l'acquisition du groupe Davisco, qui exploite trois usines de transformation et une usine d'ingrédients aux États-Unis, et qui va permettre à Agropur de doubler la taille de ses activités américaines.

Davisco réalise des revenus annuels de 1 milliard et transforme 1,7 milliard de litres de lait. Grâce aux acquisitions réalisées en 2014, Agropur a haussé son volume de lait transformé de 3,4 milliards de litres par année à 5,3 milliards.

Volonté et financement

«La priorité des producteurs laitiers qui sont propriétaires d'Agropur est de pérenniser leurs activités et l'entreprise. Ils ont une vision à long terme et leur volonté de durer implique que l'on devienne un joueur important.

«Or, la taille du marché canadien limitait notre volonté de grandir, c'est pourquoi on a décidé de développer le marché américain qui est encore très morcelé», souligne Robert Coallier.

Le PDG d'Agropur observe que c'est la même vision à long terme qui a permis de réaliser, en 2012, le lancement de la marque de yogourt Iogö. Lorsque Yoplait a décidé de retirer sa licence de fabrication, Agropur avait le choix de vendre ses usines de yogourts ou de partir à la conquête du marché

«On est des transformateurs laitiers et il s'agit d'un marché porteur pour nous. En deux ans, on a réussi à aller chercher 12% de parts de marché. On est très content», précise-t-il.

Les projets ont donc été nombreux depuis trois ans et la coopérative est en train de construire un nouveau siège social et son centre de recherche à Saint-Hubert qui regroupera toutes les fonctions administratives qui étaient dispersées à Longueuil, Granby et Saint-Laurent.

Cette forte activité a cependant un coût. À elle seule, l'acquisition des quatre usines de transformation laitière de Sobeys, dans l'Ouest canadien, a coûté 356 millions.

Le prix de l'acquisition beaucoup plus importante de Davisco, aux États-Unis, n'a pas été dévoilé à la demande de famille Davis, mais il s'agit de la plus importante transaction financière jamais réalisée par Agropur.

«On n'avait aucune dette. On a donc profité d'un excellent levier financier. Aujourd'hui, on fait affaire avec un syndicat de 14 institutions bancaires dirigé par Desjardins Marchés des capitaux», précise Robert Coallier, qui n'exclut pas l'éventualité d'une émission de titres subordonnés.

La Caisse une bonne école

Avant de se joindre à Agropur, Robert Coallier avait été notamment vice-président directeur chez Molson, responsable des activités brésiliennes du groupe et chef de la direction financière chez Dollarama jusqu'au moment où le groupe de détaillants est devenu une société inscrite en Bourse.

«En 2010, quand j'ai quitté Dollarama, je pensais prendre les choses un peu plus relax. J'étais sur quelques conseils d'administration, dont celui d'Agropur, lorsqu'il a fallu nommer un nouveau PDG. On m'a sollicité et j'ai embarqué», explique le PDG.

Robert Coallier estime toutefois que ce sont ses années passées à la Caisse de dépôt et placement, de 1988 à 1996, qui ont été les plus formatrices.

«J'ai beaucoup appris à la Caisse lorsque Jean Campeau en était le président. Je m'occupais des participations privées et ça m'a permis de rencontrer sur des conseils d'administration beaucoup des entrepreneurs qui bâtissaient Québec inc. C'était impressionnant pour un jeune homme, mais surtout très instructif», se rappelle-t-il.

Robert Coallier a aussi travaillé chez C-Mac avec Dennis Wood à l'époque où l'entrepreneur participait activement à la consolidation du secteur des fabricants de composantes électroniques en développant un réseau de plus de 50 usines dans neuf pays.

Avec une telle feuille de route, on comprend donc que Robert Coallier a déjà vu passer beaucoup d'action dans sa vie et qu'Agropur n'est pas sur le point de ralentir la cadence.

Le PDG a déjà d'ailleurs confié qu'il voyait Agropur au sein du top 10 mondial des entreprises de transformation laitière. «Il s'agit plus d'une référence que d'une cible», préfère-t-il préciser aujourd'hui.