L'ex-courtier de la banque Société Générale Jérôme Kerviel, symbole des dérives qui ont mis à terre le système bancaire mondial, a refusé samedi de rentrer en France pour y purger une peine de prison et en a appelé au président François Hollande.

Jérôme Kerviel, auquel la justice française a donné jusqu'à dimanche pour se rendre à la police, a décidé au dernier moment de rester en Italie où il a achevé un périple de deux mois à pied de Rome à Vintimille, à la frontière française où il se trouvait samedi. L'ancien courtier, qui continue à accuser son ancienne banque d'avoir couvert ses agissements avant de se retourner contre lui, a demandé au président français de garantir «l'immunité» aux personnes pouvant témoigner en sa faveur, dans la perspective du procès civil encore à venir.

«J'attends côté italien la réponse de François Hollande sur l'immunité que je demande pour ces personnes qui veulent parler», a-t-il dit aux journalistes, ajoutant, à propos de la police française: «s'ils veulent venir me chercher, qu'ils viennent me chercher».

L'Élysée n'a pas répondu précisément à cette demande, se contentant d'indiquer que si Kerviel sollicitait la grâce présidentielle - ce qu'il n'a pas fait - «sa demande sera examinée selon la procédure habituelle, c'est-à-dire après une instruction et un avis de la chancellerie».

L'ancien courtier aujourd'hui âgé de 37 ans est le seul condamné dans le scandale révélé en 2008 et qui a coûté 4,9 milliards d'euros à la Société Générale. Sa condamnation à cinq ans de prison dont trois ferme a été validée il y a deux mois par la Cour de cassation et la justice lui a donné jusqu'à dimanche 13 h GMT (9 h heure du Québec) pour qu'il se rende à la police de Menton (sud-est).

Parti à pied le 5 mars de Rome, après une rencontre très médiatisée avec le pape François à la faveur d'une audience générale, Jérôme Kerviel avait laissé entendre qu'il répondrait à cette convocation. Ses partisans s'étaient mobilisés pour donner le maximum de retentissement à son retour sur le sol français.

Au fil des mois, Kerviel s'est métamorphosé en repenti et en pourfendeur d'un système financier «amoral», tout en se présentant comme un bouc émissaire commode permettant d'évacuer les responsabilités de la direction de la Société Générale.

«Au cours de ce périple en Italie, j'ai rencontré des gens qui ont souffert de la crise provoquée en grande partie par les banques», a-t-il confié.

Soutien d'un évêque 

Dans une tribune au journal régional Nice Matin samedi, il a rappelé à François Hollande ses paroles de campagne en 2012, lorsque le candidat socialiste à la présidentielle fustigeait son «ennemi», «la finance». «Comprend-il, lui qui peut tout, que je ne suis rien dans cette affaire, sinon la victime de son ennemi?», a-t-il écrit.

Le courtier aux allures de jeune premier avait dissimulé (en introduisant de fausses données dans un système automatisé) ses prises de risques sur des produits financiers dérivés, entraînant une perte abyssale de 4,9 milliards d'euros (7,3 milliards de dollars) pour la Société Générale.

Alors qu'il était aussi condamné à rembourser cette somme, la Cour de cassation a fait un coup de théâtre en mars dernier en cassant cette obligation - tout en confirmant la condamnation à de la prison.

Jérôme Kerviel, qui a toujours affirmé que son objectif était de faire gagner de l'argent à sa banque, réclame une expertise indépendante des pertes enregistrées par son ancienne banque, ce qui lui a toujours été refusé par la justice.

Son comité de soutien, très actif sur l'internet, compte dans ses rangs l'évêque de Gap et d'Embrun (sud-est), Mgr Jean-Michel di Falco, et d'autres religieux au nom de la condamnation par le pape de «la dictature de l'économie sans visage».

Jérôme Kerviel jouit aussi du soutien du ténor de la gauche radicale française, Jean-Luc Mélenchon, qui défend «un garçon innocent».