Au-delà des mesures d'urgence, l'Europe travaille à une réforme du fonctionnement de la zone euro face aux crises qui pourrait passer à terme par un changement de traité, alors qu'elle avait juré de ne plus y revenir après les déboires du texte de Lisbonne.

«Réviser les traités européens ne doit pas être un tabou», a déclaré la semaine dernière la chancelière allemande Angela Merkel, en visite à Bruxelles.

Abondant dans son sens, le président français Nicolas Sarkozy a fait savoir dimanche que Paris et Berlin proposeraient des «modifications importantes» des textes européens.

Il s'est également dit favorable à une plus grande «intégration de la zone euro», sans préciser le contenu de sa pensée.

Cette unité pourrait toutefois masquer des disparités, avertissent des diplomates.

Car, dans l'esprit de la chancelière allemande, une modification des traités devrait servir à durcir la discipline budgétaire et à s'assurer que tous les États pratiquent la rigueur et ne laissent pas filer les déficits publics.

Or, rien ne permet d'affirmer que la France est sur la même ligne, indique une source européenne.

En outre, d'autres États pourraient faire une lecture bien différente et y voir l'occasion de créer de nouveaux mécanismes de solidarité -- comme les euro-obligations où les émissions de dette seraient mutualisées au sein de la zone euro --, ce que Berlin refuse catégoriquement.

Autre difficulté: une révision des traités est un chantier long et à haut risque. L'Europe s'y est déjà cassé les dents en étant obligée d'abandonner en 2005 son projet de Constitution, après notamment le référendum en France. Quant au traité de Lisbonne, qui a pris la suite, l'UE a eu toutes les peines à le faire adopter et ratifier en 2009.

«Un changement des traités est une option de long terme qui n'aidera pas à résoudre les problèmes urgents de la zone euro. Quand on voit qu'on a mis dix ans à aboutir au traité de Lisbonne, cela ne peut être une priorité», estime un diplomate européen. Ce projet ne pourrait être que le «deuxième étage de la fusée» pour la zone euro, renchérit un second diplomate.

A plus court terme, l'idée serait pour la zone euro d'arriver avant le G20 qui se tient début novembre à Cannes avec les propositions de gouvernance économique promises par le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy.

Selon des sources diplomatiques, ces propositions devraient inclure la promotion de M. Van Rompuy au poste de «Monsieur Euro», pour présider à la fois les sommets des 27 et ceux des dirigeants de l'union monétaire, selon le souhait exprimé par le sommet Sarkozy-Merkel en août.

Dans l'entourage de M. Van Rompuy, on évoque aussi la possibilité d'une «double casquette», qui le verrait présider les réunions de la zone euro au niveau des ministres des Finances (Eurogroupe) lorsque l'actuel titulaire du poste, le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, dont le bilan est contesté, sera arrivé au terme de son mandat en juin 2012. L'idée est également avancée de donner ce portefeuille à un ancien ministre des Finances, qui exercerait la fonction à plein temps.

Afin de renforcer le fonctionnement de la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) souhaite un «ministre des Finances» européen à terme, tandis que Berlin et La Haye soutiennent la création d'un poste de commissaire européen spécialement chargé de faire respecter le Pacte de stabilité.

Dernière idée à l'étude: renforcer l'intégration des 17 pays de la zone euro en dotant l'Eurogroupe, leur instance jusqu'ici informelle, de droits de vote pour prendre des décisions le concernant.

Une proposition qui risque de faire grincer les dents dans les 10 pays ne faisant pas partie de l'union monétaire.