Une nouvelle façon de régler les conflits d'affaires fait lentement son chemin au Québec.

De plus en plus, des entreprises choisissent de faire appel à la médiation ou à l'arbitrage pour régler leurs différends au lieu de s'adresser aux tribunaux. Et tout le monde y gagne!

On désigne généralement ce mode de prévention et de règlement des conflits sous le vocable de «justice participative». Comme son nom l'indique, elle met les parties au centre de la résolution du problème en les faisant participer au choix du meilleur mode pour régler leur litige.

Car les entreprises ont tout intérêt à s'entendre en dehors des tribunaux. Elles économisent ainsi temps et argent.

En optant pour la médiation, elles ont le loisir de choisir un tiers qui pourra les amener vers une solution. Et, surtout, le processus est confidentiel.

Il s'agit d'un avantage considérable dans un dossier où personne n'a intérêt à étaler des informations privilégiées sur la place publique.

Par ailleurs, la médiation permet de préserver une relation d'affaires qui aurait pu être malmenée ou rompue dans le cadre d'un processus judiciaire. Car souvent, les partenaires pourraient être appelés à travailler de nouveau ensemble à l'avenir. De plus, il est possible pour les parties de faire preuve de créativité dans le choix des solutions.

«Au tribunal, les juges doivent décider strictement selon les paramètres du droit. En médiation, on peut aller chercher d'autres façons de régler les problèmes, en intégrant d'autres éléments», explique Me Serge Pisapia, avocat médiateur, arbitre agréé et président de l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec.

Principe fondamental

Le principe fondamental au coeur du processus est de veiller à l'intérêt des deux parties.

«La médiation permet d'aller en profondeur et de voir les besoins et les intérêts sous-jacents à un litige, au lieu de seulement essayer de régler un différend sur la base des positions respectives de chacun, ajoute-t-il. Cela permet de désengorger les tribunaux et de favoriser un meilleur accès à la justice, souligne l'avocat. Appeler le système de justice étatique à trancher des différends entre des sociétés privées commerciales, ce n'est pas la meilleure utilisation que l'on puisse en faire. Si les parties convenaient plutôt de régler leur conflit en dehors des tribunaux, tout le monde y gagnerait.»

Arbitrage et médiation

Dans le cas de l'arbitrage, l'arbitre nommé rendra une décision finale et sans appel.

Les règles qui régissent l'arbitrage sont donc beaucoup plus rigides qu'en médiation, et sont basées sur le droit. Ce sont les règles et les critères de preuve qui guident l'arbitre. Ce mode est fréquemment utilisé pour régler les conflits de travail, mais aussi certains conflits commerciaux.

En revanche, le médiateur n'a pas une telle autorité décisionnelle. Il peut faire appel à une multitude de normes pour aider les parties à négocier une entente satisfaisante.

«Il aide à la négociation en définissant les enjeux, les problèmes et les obstacles à la communication pour faire avancer le processus et éviter aux parties de s'enliser dans une impasse. C'est un processus plus dynamique», explique Me Pisapia.

Changement de culture

La médiation suppose un changement total de paradigme pour les avocats, qui sont entraînés au débat contradictoire avec un adversaire.

«L'avocat n'est pas le maître d'oeuvre, ce sont les parties qui contrôlent les communications et sont libres de s'exprimer. Il est là pour assister et conseiller, son rôle est plus effacé», dit Me Pisapia.

«Certains avocats se sentent menacés, dit-il. Ils ont l'impression que leur prospérité est menacée par ces processus et ne s'empressent pas de les suggérer à leurs clients. Mais plus les entreprises seront au courant de ce qu'est la médiation, plus la demande sera forte. Ils devront s'adapter.»

D'autre part, au sein de certaines entreprises, la médiation est encore perçue comme un signe de faiblesse, un vieux réflexe qui a la vie dure. Les avocats ont un rôle à jouer pour mieux les informer à cet égard.

En octobre dernier, une table ronde sur la justice participative a eu lieu au Barreau de Montréal.

Quoi qu'il en soit, tous les différends ne peuvent pas être réglés par la justice participative.

«Il faut que les deux parties soient de bonne foi et que les rapports de force soient adéquats, dit Me Pisapia. Dans les cas où c'est David contre Goliath, il serait illusoire de penser que l'on pourrait négocier un règlement satisfaisant.»