C'est la première chose qu'on aperçoit à l'entrée du salon Asian Aerospace. Une maquette grandeur nature du ARJ21, dans laquelle les visiteurs s'empressent de monter. Le premier jet régional fabriqué en Chine porte dans sa soute à bagages les espoirs de tout un pays.

Ce n'est pas le premier avion civil conçu en Chine. Il y a une trentaine d'années, les Chinois ont dessiné un jet de 150 sièges fortement inspiré du Boeing 707.

Mais le Y-10 est mort en 1983, trois ans après son premier vol, victime de sa technologie obsolète, de ses insuccès commerciaux et de son association à l'un des leaders de la Révolution culturelle. Seulement deux Y-10 auront été construits!

Cette fois ce sera différent, promet Pékin. Les meilleurs fabricants du conglomérat AVIC I se sont unis pour produire l'ARJ21, qui permettra à l'industrie civile chinoise de prendre son envol.

L'objectif est de produire d'ici à 2020 des avions de plus en plus grands, jusqu'à ce gros-porteur qui pourra rivaliser avec les appareils d'Airbus et de Boeing. Le premier ministre Wen Jiabao l'a priorisé dans le 11e plan quinquennal (2006-2010), au même titre que la conquête de l'espace.

«Ce sera l'occasion d'innover et d'accomplir le rêve de la Chine d'avoir ses propres avions dans le ciel», clame avec fanfare la vidéo d'AVIC I présentée au salon Asian Aerospace à Hong-Kong en septembre.

La partie n'est pas jouée, reconnaît toutefois Hu Wenming, premier vice-président d'AVIC I. «Nous sommes bien conscients que le marché international n'a pas une bonne image des industries aérospatiales chinoises, dit-il. Les gens doutent de nos capacités.»

Ainsi, si Bombardier a reporté en 2006 sa décision de lancer une famille d'avions commerciaux, en raison du peu d'intérêt que suscitait la CSeries chez les transporteurs, AVIC I fait fi des considérations commerciales et fonce tête baissée.

«Nous n'avons pas attendu une grosse commande pour lancer notre projet. Le marché reconnaîtra la qualité de nos avions une fois qu'ils seront mis en service. Lorsque les transporteurs utiliseront nos appareils, ils les adopteront.»

AVIC I espère vendre 500 ARJ21 d'ici 20 ans. Ces avions propulsés par un moteur GE se déclineront en deux modèles: le ARJ21 700 de 78 à 85 passagers et le ARJ21 900 de 98 à 105 sièges.

Pour l'instant, toutefois, AVIC compte 71 commandes de transporteurs chinois, uniquement du modèle le plus petit, et seulement la moitié de celles-ci sont considérées comme des ventes fermes.

Des prévisionnistes comme le Teal Group ne font même pas de projections de ventes de l'ARJ21 tellement ils doutent du succès de ces avions.

En effet, aussi grand que soit le marché chinois, il ne suffira pas à lui seul à rentabiliser l'aventure, même si la main-d'oeuvre chinoise est peu coûteuse. Le succès de l'ARJ21 se mesurera à ses ventes à l'international. Et c'est là que cela se complique.

AVIC I devra d'abord faire certifier ses appareils à l'international. Ce n'est pas une mince affaire. Bombardier aidera toutefois AVIC I à obtenir la certification de son ARJ21 900 dans le cadre de leur partenariat stratégique.

Ensuite, les avionneurs chinois devront établir un réseau de centres de service à la clientèle avec pièces de rechange. C'est le nerf de la guerre, puisque les attentes des transporteurs en matière de service sont très élevées. Or, ce n'est pas une science innée dans ce pays avec près de 60 ans d'histoire communiste.

Voilà pourquoi l'arrivée d'AVIC I ne fait pas trembler outre mesure ses concurrents comme Embraer.

«Pour exporter des avions, il faut se construire une belle image à l'étranger et mettre en place des infrastructures, ce qui nécessite de grands investissements. Je ne dis pas qu'ils échoueront - les Chinois ont déjà de grands succès dans d'autres industries - mais cela prend du temps», note Horacio Aragones Forjaz, premier vice-président, communications.

N'empêche, personne ne peut sous-estimer la détermination des Chinois.