Des problèmes oculaires causés par le diabète pourraient enfin être guérissables, grâce à des chercheurs montréalais. Ils viennent de prouver que leur traitement contre la rétinopathie diabétique fonctionne chez l’humain.

« Après 40 ans, un diabétique sur trois a ce problème », explique Sergio Crespo-Garcia, un biochimiste de l’Université de Montréal (UdeM) qui est l’auteur principal de l’étude publiée début février dans Nature Medicine. « Un bon contrôle du diabète diminue le risque, mais ça demeure problématique. Et sur le plan épidémiologique, les personnes noires et latinos sont plus affectées. »

Environ 8 % de la population québécoise est atteinte du diabète, selon des données de 2019 de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Le médicament découvert par les chercheurs du centre de recherche de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (CRHMR) et la firme californienne Unity Biotechnology cible les cellules « sénescentes », qui subissent un vieillissement accéléré, dans les vaisseaux sanguins de l’œil. « Ces cellules sénescentes sont présentes en plus grand nombre chez les patients diabétiques. Elles s’accumulent dans l’œil et provoquent des problèmes de vision », dit Mike Sapieha, aussi de l’Université de Montréal et du CRHMR, qui travaille sur ces cellules sénescentes de l’œil depuis plus de dix ans et est coauteur de l’étude.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Le chercheur Mike Sapieha

Les essais cliniques pour le médicament, appelé foselutoclax, ciblent pour le moment l’un des aspects les plus fréquents de la rétinopathie diabétique, appelé œdème maculaire diabétique. La maladie rend la vision floue, souvent au point de ne plus pouvoir lire ou conduire une voiture, et peut devenir une cécité permanente.

Pour le moment les médicaments disponibles diminuent les symptômes de la rétinopathie diabétique. « Il faut des injections oculaires aux six semaines, c’est un traitement assez demandant », dit M. Sapieha. Ces traitements peuvent engendrer des infections dans des cas rares et après un certain temps ne fonctionnent plus.

L’étude clinique de phase 1 sur le foselutoclax, qui est détaillée dans Nature Medicine, montre qu’il n’est pas toxique pour l’humain. Le foselutoclax doit aussi être injecté dans l’œil. Mais les patients traités n’ont pas eu besoin d’autre injection pendant la période de suivi de six mois.

Si une injection règle le problème de l’accumulation des cellules sénescentes dans l’œil pour plusieurs années, c’est une avancée importante.

Sergio Crespo-Garcia, biochimiste de l’Université de Montréal

La rétine semble se regénérer après l’élimination des cellules sénescentes, dit M. Sapieha. Le foselutoclax pourrait donc avoir un impact sur la rétinopathie dans son ensemble.

Cinq ans

Une étude de phase 2 dans plusieurs hôpitaux, qui évaluera l’efficacité du foselutoclax, a été faite. Ses résultats devraient être connus d’ici l’été, mais l’efficacité semble durer au moins un an, dit M. Sapieha. « On a des patients qui ne pouvaient plus conduire une voiture qui ont recommencé », dit M. Sapieha. Selon lui, si tout va bien un médicament pourrait être sur le marché d’ici cinq ans.

Est-ce que le foselutoclax pourrait un jour être disponible sous forme de pilule à avaler ? « Oui, tout à fait, dit M. Sapieha. C’est une famille de médicaments qui ont déjà été explorés en oncologie. Donc il se pourrait que les effets secondaires pour le reste du corps soient limités. Mais pour le moment on vise une injection oculaire. Un médicament oral, ça serait une deuxième étape. »

En savoir plus
  • 30 %
    Proportion des cas de diabète qui ne sont pas diagnostiqués au Canada
    Source : diabète Canada
  • 13 %
    Prévalence du diabète chez les hommes de 50 à 64 ans au Québec en 2019
    Source : inspq
    9 %
    Prévalence du diabète chez les femmes de 50 à 64 ans au Québec en 2019
    Source : inspq