Les recherches sur la COVID longue pourraient bénéficier aux autres syndromes de fatigue qui suivent des infections. Ces troubles difficiles à diagnostiquer et à traiter touchent deux fois plus de femmes que d’hommes. Un symbole du sexisme de la médecine ?

« Quand on a commencé à parler de COVID longue, à la fin de 2020, des patientes m’ont fait remarquer combien c’était proche de leurs symptômes », explique Madeleine Durand, épidémiologiste de l’Université de Montréal qui a étudié une cohorte québécoise de patients ayant la COVID longue. « Il s’agit de patientes qui avaient depuis des années de la fatigue chronique, du brouillard mental, une résistance anormalement faible à l’effort. Souvent, des médecins leur avaient dit que c’était dans leur tête. Ce sont des symptômes qu’on appelle ‟non spécifiques”. Il n’y a pas de tests pour établir un diagnostic. »

Ces problèmes sont souvent regroupés sous le terme « syndrome post-infection aiguë ». « L’idée est qu’il y a des choses qui ont changé avec l’infection, et qu’il reste des séquelles qu’on ne parvient pas à mesurer actuellement, dit la Dre Durand. Comme beaucoup de gens ont eu la COVID-19, il y a beaucoup de cas de COVID longue. On parle de 15 % des cas de COVID-19. Alors il y a beaucoup de financement pour la COVID longue. »

On pense qu’il sera possible d’appliquer ce qu’on apprendra sur la détection et le traitement de la COVID longue aux autres syndromes post-infection aiguë.

Madeleine Durand, épidémiologiste de l’Université de Montréal

Sexisme

Selon la Dre Durand, le fait que ces syndromes touchent davantage les femmes, comme la COVID longue, a contribué à leur « trivialisation » par la médecine. « Historiquement, les médecins n’ont pas toujours bien répondu aux problèmes qui touchaient spécifiquement les femmes. »

Une patiente de la Dre Durand, Marie-Christine Michaud, s’est reconnue en lisant les premières descriptions de la COVID longue. Sa carrière de comptable CPA dans une banque a déraillé il y a une dizaine d’années, quand elle avait la mi-trentaine, à cause de ce qui ressemble à un syndrome post-infection aiguë. « Ça a vraiment compromis ma vie professionnelle et sociale », dit Mme Michaud.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Marie-Christine Michaud

Des fois, j’ai de la peine à me lever le matin. Avant de rencontrer la Dre Durand, les médecins ne me croyaient pas. Ils me proposaient par exemple un reconditionnement physique, alors que j’ai un malaise post-effort chronique.

Marie-Christine Michaud, patiente de la Dre  Madeleine Durand

Au début, beaucoup estimaient aussi que la COVID longue était psychosomatique, selon Douglas Fraser, épidémiologiste à l’Université Western à London, en Ontario, qui a découvert une molécule associée à la COVID longue. « Mais avec le nombre de cas qu’on a vus, c’est maintenant écarté, explique le DFraser. Le problème pour trouver un biomarqueur, une molécule associée à la COVID longue qui pourrait être utilisée pour le diagnostic, c’est qu’il y a beaucoup de variations. En Afrique, par exemple, dans les pays où beaucoup de gens ont le VIH, la COVID longue a une présentation différente. »

Même si les outils diagnostiques et les traitements qui pourront être découverts pour la COVID longue ne sont pas applicables aux autres syndromes post-infection aiguë, ces recherches ont le grand mérite de donner du crédit à ceux qui en souffrent. « Une des choses difficiles pour les patientes, c’est de ne pas avoir de diagnostic, de ne pas être reconnues », dit la Dre Durand.

Trois mécanismes

Trois mécanismes pourraient être en cause pour la COVID longue et potentiellement d’autres syndromes post-infection aiguë, selon Ian Lipkin, épidémiologiste à l’Université Columbia à New York, qui a publié plusieurs analyses sur la question : des dommages vasculaires à différents organes, des problèmes de métabolisme et des réactions auto-immunes. « On sait que la COVID-19 affecte les très petits vaisseaux sanguins, dit le DLipkin. Selon les organes affectés, les effets peuvent être différents. On sait aussi que le SRAS-CoV-2 [le coronavirus responsable de la COVID-19] affecte les mitochondries [les usines énergétiques des cellules]. Donc on peut penser que ça va altérer le métabolisme du corps, la fatigue, la résistance à l’effort, le brouillard mental. Enfin, il peut y avoir des activations anormales, chroniques, du système immunitaire, qui empêchent le corps de fonctionner normalement. »

Les syndromes post-infection aiguë qui pourraient être semblables à la COVID longue incluent des troubles controversés. Le célèbre généticien Eric Topol, de l’Institut Scripps en Californie, a récemment publié dans Science un commentaire accompagnant la description d’un biomarqueur de la COVID longue dans lequel il évoquait un lien entre le virus d’Epstein-Barr, responsable de la mononucléose, et la sclérose en plaques. L’étude qui a établi ce lien en 2022 est fortement contestée même si elle a été publiée dans la revue Science, estime Alexandre Prat, neurologue de l’Université de Montréal.

La maladie de Lyme est aussi souvent mentionnée dans les articles scientifiques sur la similitude entre la COVID longue et les syndromes post-infectieux. « En effet, les symptômes sont similaires, dit la Dre Durand. De plus, tout comme pour les autres syndromes de fatigue post-virale, il n’existe pas encore de test diagnostique reconnu ni de traitement appuyé par les évidences. C’est important que les gens qui en sont atteints aient accès à la recherche, comme pour tous ceux qui souffrent de syndromes post-infectieux. Sans recherche adéquate, les gens sont à risque de souffrir d’effets secondaires de traitements qui ne sont même pas efficaces. »

Et la COVID longue, dans tout ça ? Le DFraser, de Western, participe à « une vaste étude multicontinentale » pour trouver d’autres biomarqueurs de la COVID longue. La Dre Durand a reproduit avec des patients québécois les résultats du biomarqueur du DFraser. Et en novembre dernier, la société pharmaceutique ontarienne Revive Therapeutics a annoncé qu’elle travaillait sur un test de dépistage de la COVID longue à partir des résultats de l’Université Western.

En savoir plus
  • 67 %
    Proportion des cas de COVID longue qui sont des femmes
    Source : CHUM
    3700 milliards US
    Coût pour la société américaine de la COVID longue dans la prochaine décennie
    Source : Université Harvard
  • 12 %
    Proportion des Canadiens qui ont la COVID longue après la COVID-19
    SOURCE : agence de la santé publique du Canada