Google est bel et bien sexiste, selon une nouvelle analyse américaine de plus d’un million d’images. Wikipédia ne fait pas mieux au niveau des stéréotypes professionnels… ni l’encyclopédie cinématographique IMDB.

L’effet Harry Potter

Depuis quelques années, plusieurs études ont avancé que l’internet perpétue les clichés sexistes. Mais Douglas Guilbeault, un sociologue ontarien qui travaille à l’Université de Californie à Berkeley, pense avoir démontré définitivement le problème. À partir d’un million d’images de recherches Google et Wikipédia, il montre le 13 février dans Nature que le portrait de 3500 métiers et professions est basé sur les stéréotypes. « C’est particulièrement inquiétant parce que les images restent gravées dans la mémoire, dit-il en entrevue. Par exemple, vous pouvez avoir imaginé Harry Potter de plusieurs manières en lisant son livre, mais après avoir vu les films vous avez en tête Daniel Radcliffe. »

Les vedettes

La présentation des vedettes aussi est sexiste, selon l’étude de Nature. « Sur IMDB (NDLR internet Movie Database) et Wikipédia, plus de 70 % des personnes qu’on identifie comme célébrités sont des hommes, dit M. Guilbeault. En politique, ça peut se comprendre, mais dans le cinéma et la télévision c’est quand même surprenant, vu le nombre d’actrices. Ça montre que les stéréotypes valorisant les caractéristiques masculines influencent le vedettariat. » Ce sexisme du vedettariat pourrait expliquer que les acteurs sont payés plus que les actrices, même s’il y a plus d’actrices que d’acteurs, selon le chercheur.

La réalité

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE CALIFORNIE À BERKELEY

Douglas Guilbeault, auteur de l’étude

M. Guilbeault a aussi comparé les images de Google et de Wikipédia aux données du recensement américain. Les images s’avèrent plus genrées que la réalité. Par exemple, en cherchant un métier ou une profession plus masculine, les résultats montrent encore plus d’images d’hommes que dans la réalité. L’écart entre les recherches d’image et les statistiques de recensement est d’environ 10 %. Mais dans certains cas, Google reflète bien la réalité, ou est légèrement moins genrée. « Il faut avoir une réflexion sur la possibilité que les moteurs de recherche jouent un rôle dans l’amélioration de la parité et de l’inclusion, plutôt que de simplement refléter les stéréotypes », dit M. Guilbeault.

La neutralité du langage

Les chercheurs ont aussi analysé la proportion d’hommes et de femmes dans les descriptions de métiers et professions. Ici, Google et Wikipédia ne sont pas sexistes – encore moins que les données du recensement. Est-ce à cause des campagnes de promotion du langage épicène ? « Non, parce qu’il y a encore peu d’impact de ces campagnes sur le contenu internet. C’est à cause de la neutralité du langage. Des fois, on ne sait pas si on parle d’un homme ou d’une femme. Beaucoup de termes n’ont pas de version différente selon le genre. »

D’un pays à l’autre

Les recherches en texte pourraient par contre être plus sexistes avec des langues plus genrées, par exemple les langues latines. Electrician par exemple est invariable en anglais, mais en français on peut dire électricienne. « Il y a deux ans, il y a eu une étude qui a montré que les recherches sur Google étaient plus genrées dans les pays plus sexistes », dit M. Guilbeault. Cette étude a été publiée dans PNAS et était basée sur les pointages d’égalité des sexes du Forum économique mondial.