Les concentrations de produits pharmaceutiques dans le fleuve Saint-Laurent dépassent parfois des seuils où des effets toxiques sur la faune et la flore sont observables, selon une nouvelle étude montréalaise. Les rivières qui se jettent dans le fleuve ont le même problème.

« D’autres études ont montré qu’il y a des produits pharmaceutiques dans les cours d’eau, y compris au Québec, mais nous avons des données sur cinq ans qui prouvent que c’est une situation chronique, pas un problème ponctuel », explique Sébastien Sauvé, chimiste à l’Université de Montréal, qui est l’auteur principal de l’étude publiée dans la revue Science of the Total Environment.

La seule norme canadienne visant un produit pharmaceutique est cependant respectée. Il s’agit de la carbamazépine, un anticonvulsivant. « Mais pour beaucoup d’autres produits pharmaceutiques, il y a des études de toxicité dans la littérature scientifique, dit M. Sauvé. Nous avons calculé un quotient de risque à partir de ces études. » Des concentrations élevées de caféine ont aussi été enregistrées.

Une proportion importante des échantillons des cours d’eau dépasse ce quotient de risque pour l’ibuprofène (28 % des échantillons) et l’anti-inflammatoire diclofénac (59 % des échantillons).

PHOTO FOURNIE PAR MARC-ANTOINE VAUDREUIL

Le navire utilisé lors de la campagne d’échantillonnage

L’unité d’ozonation prévue pour l’usine de traitement des eaux usées de Montréal en 2028 devrait éliminer les molécules pharmaceutiques. Mais dans certaines conditions, une unité d’ozonation peut créer des sous-produits de ces molécules pharmaceutiques, qui sont encore plus toxiques, selon M. Sauvé. « S’il y a beaucoup de débit, par exemple lors de fortes pluies, il se peut que le traitement dans l’unité d’ozonation ne dure pas assez longtemps pour éliminer ces sous-produits. » Il faudrait alors interrompre l’ozonation un certain temps, ou alors créer des bassins de rétention en amont de l’usine.

Organismes en contact

Des échantillonnages ont été faits en aval et en amont de l’endroit où se déversent les effluents de l’usine de traitement des eaux usées de Montréal. En amont, les concentrations de produits pharmaceutiques augmentent lentement à cause des effluents des usines de traitement des eaux des villes de banlieue. Puis, elles ont un pic face à l’endroit où l’effluent montréalais est relâché, vers l’est de l’île.

« On voit l’endroit où l’effluent de l’usine de traitement remonte à la surface », explique Marc-Antoine Vaudreuil, étudiant au doctorat et coauteur de l’étude. « C’est visible et ça sent. » Les effluents sont visibles à la surface sur plusieurs kilomètres et les produits pharmaceutiques sont mesurables sur 70 km, jusqu’au lac Saint-Pierre.

Un pic plus loin est perceptible à Québec et des concentrations de molécules pharmaceutiques sont mesurables jusqu’à l’endroit où l’influence de l’eau salée se fait sentir. « Avec le sel, la matière organique précipite très rapidement », dit M. Sauvé.

La prochaine étape est de mesurer les effets de ces produits pharmaceutiques sur les organismes du fleuve. Il n’y a pas beaucoup d’accumulation de ces molécules dans les sédiments, à cause du débit important du fleuve. Mais les organismes sont quand même en contact avec ces produits pharmaceutiques dans l’eau, fait valoir M. Sauvé.

En savoir plus
  • 7200 nanogrammes par litre
    Concentration maximale de caféine observée dans le fleuve Saint-Laurent près de Montréal
    SOURCE : SCIENCE OF THE TOTAL ENVIRONMENT