Jusqu’au début des années 2000, Hubert Reeves faisait régulièrement des visites au département d’astrophysique de l’Université de Montréal. L’astrophysicien Robert Lamontagne se souvient avec plaisir de ses discussions avec « Hubert ».

« Il avait eu dans les années 1960 et 1970 des contributions scientifiques remarquables à l’astrophysique, explique M. Lamontagne. Ensuite, il avait entamé une carrière de vulgarisateur et inspiré beaucoup de jeunes à devenir astronomes. Une bourse à son nom aide encore à ce jour des jeunes à faire des études supérieures en astronomie. »

Il y a 40 ans, le monde anglophone avait des astronomes vulgarisateurs, comme Carl Sagan. « Mais en français, il n’y avait personne, dit M. Lamontagne. Il a occupé cette niche et est devenu une grande vedette. Il s’intéressait à la musique et à la littérature. Ça lui donnait un style assez particulier, il parlait du cosmos avec poésie. »

Son appui a facilité les grands projets du domaine au Québec, par exemple l’Observatoire du parc du Mont-Mégantic, selon M. Lamontagne. « Il n’était pas directement impliqué dans les projets, mais il écrivait des lettres d’appui. Son nom avait une importance. »

PHOTO FOURNIE PAR BERNARD MALENFANT

Hubert Reeves lors d’un festival d’astronomie à l’Observatoire du parc du Mont-Mégantic en 1985

L’astronaute David Saint-Jacques a tenu à témoigner, par courriel : « J’ai eu le privilège de rencontrer quelques fois Hubert, qui a été un héros de jeunesse. C’était un géant intellectuel, un esprit à fois scientifique et poétique, humble, généreux et passionné. Il est entré dans ma vie à l’adolescence quand mes parents m’ont offert Poussières d’étoiles. Comme tellement d’autres lecteurs, Hubert m’a ouvert l’esprit à la beauté de l’univers, et je lui en serai toujours reconnaissant. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’AGENCE SPATIALE CANADIENNE

L’astronaute David Saint-Jacques dans la Station spatiale internationale en 2019

Comment ses livres plus environnementalistes, comme Mal de Terre, ont-ils été perçus par ses collègues astronomes ? « Quand on s’intéresse à l’univers, il est normal de s’intéresser à l’avenir de notre planète, à sa santé, dit M. Lamontagne. Il n’était pas le seul parmi nous à avoir ces préoccupations. »

Le président sortant de la Société française d’astronomie, Éric Lagadec, de l’Observatoire de la Côte d’Azur, a pour sa part déclaré qu’Hubert Reeves « a rendu cette petite planète perdue dans l’univers plus agréable » et a salué « un guide, un exemple, une personne exceptionnelle ».

Astronomie amateur

« On perd la figure la plus importante de l’astronomie amateur des 50 dernières années », estime Jasmin Robert, directeur de la Fédération des astronomes amateurs du Québec (FAAQ).

C’est vraiment l’équivalent de Carl Sagan pour nous. Beaucoup de nos membres des années 1980 et 1990 sont devenus astronomes amateurs à cause de lui.

Jasmin Robert, directeur de la Fédération des astronomes amateurs du Québec (FAAQ)

M. Robert estime « frappant » que M. Reeves soit mort à la veille d’une éclipse partielle visible au Québec (samedi midi). « C’est l’un des phénomènes astronomiques les plus connus, c’est une belle coïncidence. »

René Doyon, directeur de l’Observatoire du parc du Mont-Mégantic depuis 2007, a connu Hubert Reeves quand il était étudiant. « Il revenait un mois faire des conférences et des colloques à l’Université de Montréal. C’était toujours très couru. »

M. Reeves a toujours appuyé l’observatoire de M. Doyon. « À un moment, en 2014, nous avions des difficultés financières et il nous a appuyés dans les médias. Ça a été déterminant. C’est notre père moral à tous. »

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Le télescope fabriqué à 14 ans par Hubert Reeves

M. Reeves a par ailleurs fait don de son premier télescope, qu’il avait fabriqué lui-même à 14 ans avec des matériaux trouvés dans le garage familial, à l’Astrolab, le pavillon d’interprétation de l’Observatoire du parc du Mont-Mégantic.

Bernard Malenfant, président-fondateur de l’Astrolab, a beaucoup fréquenté Hubert Reeves avec les années. « Il nous avait donné 20 000 $ lors de la campagne de financement de l’Astrolab et avait accepté d’être parrain de la campagne de financement. » M. Malenfant l’a connu en 1982, quand les enfants Reeves avaient passé un été à travailler à l’observatoire où M. Malenfant était technicien, puis davantage en 1985, lors d’un festival d’astronomie populaire qu’il organisait à l’observatoire.

Hommages

Sur les réseaux sociaux, des personnalités ont tenu à rendre hommage à Hubert Reeves.

Le Québec perd aujourd’hui un vulgarisateur hors pair, un astrophysicien de renom. Hubert Reeves a su trouver les mots pour nous faire comprendre l’humanité et l’infini. Il repart aujourd’hui comme il est venu, en poussière d’étoiles.

François Legault, premier ministre du Québec

La députée libérale Madwa Nika-Cadet, de son côté, a salué « un homme d’une humanité aussi vaste que les confins de l’Univers », alors que le député péquiste Joël Arseneau a évoqué « un phare pour l’humanité », « une étoile au firmament des grands de ce monde, un sage et un grand Québécois ».

« Le Québec perd aujourd’hui un astrophysicien qui a énormément fait progresser les connaissances scientifiques de l’humanité », a quant à lui affirmé Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois.