Définir la mort… Pas toujours évident. De nouvelles lignes directrices diffusées le 31 mai permettront d’uniformiser la définition de la mort à travers le pays.

Ce qu’il faut savoir

  • Les dernières directives pour encadrer la mort datent de 2006.
  • Au Canada, seules trois provinces ont déjà une définition légale de la mort basée sur le cerveau : le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador.
  • Un an, trois mois et dix jours : c’est la durée pendant laquelle le corps de la défunte Taquisha McKitty a été maintenu sous respirateur artificiel.

Jusqu’ici, il y avait deux consignes pour déclarer un décès : la mort cérébrale et la mort cardiaque. Dans les nouvelles directives, la définition retient uniquement la mort du cerveau. L’arrêt complet et permanent des fonctions cérébrales se caractérise par l’absence de conscience et de réflexes du tronc cérébral, incluant la capacité de respirer de façon autonome.

Ces nouvelles directives sont approuvées par une vingtaine d’organisations à travers le pays, dont l’Association médicale canadienne, la Société canadienne de soins intensifs et la Société canadienne du sang.

En entrevue avec La Presse, le DSam Shemie, de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), qui a dirigé ces travaux, explique que le cerveau est le centre de la vie. C’est lui qui envoie les signaux aux poumons de respirer et au cœur de battre. « Quand quelqu’un fait un arrêt cardiaque, ça coupe le flux sanguin qui alimente le cerveau en oxygène et celui-ci meurt. Alors, la mort cardiaque est en réalité une mort cérébrale. »

On peut entretenir artificiellement la respiration et le battement du cœur avec des machines, mais on ne peut jamais réanimer le cerveau. Quand il meurt, c’est permanent.

Le DSam Shemie, de l’IR-CUSM

Les nouvelles directives devraient aider les familles à mieux comprendre la mort d’un proche. Mais aussi à clarifier certaines questions éthiques et juridiques qui ont déjà été soulevées au Canada, comme dans le cas McKitty.

En 2017, l’Ontarienne Taquisha McKitty a subi un arrêt cardiaque à la suite d’une surdose. Les médecins l’ont déclarée morte après six jours sous assistance respiratoire : son cerveau avait cessé de fonctionner.

Pourtant, sa poitrine se soulevait et s’abaissait toujours, au rythme du respirateur artificiel. Son corps était chaud, mais inerte, maintenu uniquement par les appareils médicaux. Cérébralement, elle était morte… ce que sa famille a refusé de croire.

Ses parents avaient l’impression que le diagnostic de décès était précipité et étaient donc méfiants envers le personnel de l’hôpital. « Taquisha était inscrite au don d’organes », a écrit le père de Taquisha McKitty dans un journal de réflexions personnelles. « Ce qui nous a donné une raison de plus de croire que les médecins se hâtaient à la déclarer morte. »

La mort en Ontario n’étant pas clairement définie à l’époque, la famille McKitty a réussi à obtenir une injonction pour empêcher les médecins de la débrancher. L’affaire s’est étirée jusqu’en Cour d’appel.

En décembre 2018, le cœur de Taquisha McKitty a finalement cessé de battre ; elle est en quelque sorte morte une seconde fois.

Pendant plus d’un an, son corps a été artificiellement entretenu, même s’il n’y avait aucun espoir de réanimation. Car la mort cérébrale n’est pas un coma.

Aider les proches à comprendre la mort

Les nouvelles directives indiquent au personnel soignant de laisser le temps qu’il faut aux proches pour encaisser la nouvelle et de leur offrir des explications dans un langage simple. La famille McKitty a même été consultée pour établir les nouvelles mesures. « On voulait savoir ce qui aurait aidé ces parents à mieux comprendre le décès de leur fille », explique le DShemie.

C’est parfois très difficile pour les familles de comprendre la mort de leur proche sous le choc des émotions. Surtout lorsque la personne semble respirer et avoir un battement cardiaque à cause des appareils.

Le DSam Shemie, de l’IR-CUSM

Le médecin du CUSM tient à rappeler que le personnel de la santé fait toujours son maximum pour sauver une vie. Mais lorsque la réanimation est sans succès, il faut établir un diagnostic de décès. « On ne veut jamais déclarer la mort d’une personne alors que ce n’est pas réellement le cas. C’est pourquoi on a besoin de lignes directrices claires », explique-t-il.

« Si la famille veut, elle peut assister à l’examen complet pour déterminer la mort, ajoute le DShemie. Le fait de voir les étapes du diagnostic peut l’aider à accepter. »

Ces protocoles sont aussi nécessaires pour encadrer la pratique légale et éthique du don d’organes d’une personne décédée. Au Canada, une règle stipule qu’il faut être absolument certain du décès d’un donneur avant de procéder à l’opération.

Le DShemie pense que ces nouvelles lignes directrices sont importantes pour renforcer la confiance du public envers le système de santé. Ce qui, dans le cas de l’affaire McKitty, avait fortement contribué aux réticences de la famille. « On veut prévenir ce genre de situation terrible », estime-t-il.