(Montréal) On retrouve dans le cerveau de gens souffrant d’une dépendance des anomalies structurelles qui sont semblables, et parfois même supérieures, à celles vues dans le cerveau de gens atteints de certains troubles psychiatriques, révèle une étude réalisée par des chercheurs du CHU Sainte-Justine.

En comparant des patients dépendants à l’alcool et au cannabis à des sujets non dépendants de même âge et de même sexe, la professeure Patricia Conrod et l’étudiant à la maîtrise Xavier Navarri ont observé une réduction des volumes cérébraux dans des régions caractéristiques des patients atteints de troubles comme la schizophrénie, le trouble bipolaire, le trouble dépressif majeur et le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité.

Ces résultats concordent avec des études menées antérieurement sur les anomalies structurelles liées à la consommation d’alcool et de cannabis chez l’adulte.

« Nous avons remarqué plusieurs effets dans le cerveau dans les régions […] qui sont impliquées dans des fonctions qui sont très fondamentales au fonctionnement du cerveau, à la régulation du stress, à la régulation des émotions, à la capacité de répondre à la récompense, mais aussi dans les régions du cerveau impliquées dans la planification, le fonctionnement exécutif, le contrôle cognitif et la capacité à réguler le comportement en réponse aux émotions », a dit la professeure Conrod, du département de psychiatrie et d'addictologie de l'Université de Montréal.

L’étude ne permet toutefois pas de déterminer si la consommation d’alcool ou de cannabis est responsable de ces anomalies structurelles, ou bien si la présence de ces anomalies rend plus vulnérable à la dépendance.

« Cette étude n’est pas capable de différencier entre [l’œuf et la poule], a dit Mme Conrod. C’est clair que nous avons besoin d’autres études […] pour pouvoir distinguer entre les problèmes neurocognitifs qui sont reliés à la consommation d’une façon causale, ou bien qui peuvent être affectés par la consommation. […] C’est probablement une combinaison des deux effets. »

Épaisseur corticale

L’étude compare les données de 435 participants présentant des troubles liés à la consommation d’alcool à un groupe témoin de 363 personnes, et 200 participants déclarant une forte consommation de cannabis ou un trouble de consommation de cannabis à un groupe témoin de 247 personnes non consommatrices.

Une méta-analyse a été effectuée pour observer les anomalies cérébrales communes chez les patients dépendants à l’alcool et au cannabis.

Les auteurs préviennent que les conclusions des études qui comparent les grands consommateurs de cannabis aux non-consommateurs démontrent une forte hétérogénéité, laissant suggérer d’importantes variations individuelles entre le mauvais usage du cannabis et la structure du cerveau.

« C’est peut-être relié au fait qu’en ce moment c’est difficile de déterminer une dépendance au cannabis, parce que les consommateurs sont plutôt des consommateurs réguliers ; le profil est un peu différent d’avec l’alcool », a dit la professeure Conrod.

Les chercheurs ont constaté une réduction de l’épaisseur corticale chez les sujets dépendants à l’alcool et au cannabis, ainsi que chez ceux atteints d’un trouble dépressif majeur. La réduction chez les patients alcooliques a également été observée chez les patients atteints de schizophrénie ou de trouble bipolaire.

La réduction des volumes cérébraux dans certaines régions était comparable pour les troubles de consommation de cannabis, l’alcoolisme et d’autres troubles psychiatriques.

Les résultats de cette étude, ajoute Mme Conrod, démontrent bien que les gens qui sont aux prises avec un problème de dépendance ont besoin d’une aide qui ira plus loin que la seule fin de leur consommation.

« Il y a certainement un besoin chez les gens qui souffrent d’une dépendance ou d’un abus de l’alcool pour des services de réhabilitation neurocognitive, et non seulement un service qui les aide à arrêter de consommer, a-t-elle dit.

« Il y a certainement quelques interventions neuropsychologiques qui peuvent aider les gens à récupérer leur fonctionnement ou à tout le moins à récupérer un peu plus rapidement et facilement. Ces types de services ne sont pas encore offerts d’une façon systématique et égale. »

L’étude a été publiée en ligne par le journal médical Human Brain Mapping.

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