Chaque semaine, notre journaliste répond aux questions scientifiques de lecteurs.

Est-il possible de génétiquement créer une espèce d’arbres qui ne brûleraient pas, ou presque pas, dans un incendie de forêt ?
— Jean Pellerin

Oui. Mais il s’agit d’arbres génétiquement modifiés pour être moins vulnérables aux insectes.

« Si l’arbre est plus en santé, il sera plus résistant au feu », explique Armand Séguin, biologiste au Service canadien de la forêt (SCF). « La tordeuse a défolié beaucoup de conifères au Canada. En plus, les aiguilles mortes sur le sol sont très inflammables. »

M. Séguin a fait l’un des seuls tests au Canada d’arbres transgéniques, il y a 20 ans au Canada. Il s’agissait d’épinettes qui contenaient un gène exprimant la bactérie Bacillus thurigiensis (Bt), qui a des propriétés pesticides, protégeant notamment contre la tordeuse. Beaucoup de semences agricoles transgéniques ont ce gène Bt.

« On a fait ça dans un secteur fermé, pour voir s’il y avait un impact sur la composition du sol, dit M. Séguin. Ça a été un succès : les arbres étaient plus résistants aux insectes, ils exprimaient du Bt, et il n’y avait pas d’effet important sur l’écosystème. Mais le discours public sur les arbres transgéniques a pris une direction négative. Alors il n’y a jamais eu de suite à ces recherches. »

PHOTO ARCHIVES LE SOLEIL

Armand Séguin en 2014 avec des peupliers génétiquement modifiées plus favorables à la production d’éthanol

L’essai a été fait près de Valcartier, dans un terrain servant aux essais fermés du SCF. Il s’est terminé en 2007 par la destruction de toutes les épinettes génétiquement modifiées (GM). Auparavant, M. Séguin avait fait la preuve qu’il était possible d’avoir des arbres GM avec des peupliers et une bactérie inoffensive. Par après, il a fait un test de peupliers GM visant la production de bioéthanol.

Eucalyptus

Serait-il possible d’avoir des arbres GM résistants au feu d’autres manières ?

Les bois durs sont plus résistants au feu. C’est pour ça qu’en camping, on fait des feux d’épinette, un bois avec beaucoup de résine qui prend feu rapidement, plutôt que de feuillus plus nobles comme l’érable, qui brûlent plus lentement.

Armand Séguin, biologiste au Service canadien de la forêt

« Mais il est difficile d’augmenter la quantité de lignine, qui donne sa dureté au bois, parce qu’elle dépend de beaucoup de gènes », ajoute-t-il.

Des recherches ont eu lieu avec l’objectif inverse : diminuer la quantité de lignine dans les feuillus, pour favoriser la production de papier. « On a vu qu’il y a un coût métabolique pour l’arbre de produire plus de lignine, alors on peut se demander si ces arbres GM pousseraient assez rapidement. »

Les arbustes qui poussent rapidement, comme l’eucalyptus, ont d’ailleurs moins de lignine et plus d’eau. Mais il serait aussi difficile d’avoir des arbres GM ayant plus d’eau, toujours parce que c’est un trait qui dépend de plusieurs gènes.

Un comité du Forest Stewardship Council, une ONG allemande qui certifie les forêts « durables », s’est penché il y a quelques années sur la pertinence d’accepter les arbres GM. « On m’avait approché pour faire partie du comité, mais je n’avais pas le temps, dit M. Séguin. Finalement, les discussions ont été abandonnées. S’il n’y a pas de marché, pas de certification possible, il n’y aura pas de développement commercial. C’est dommage, parce que le gène Bt, c’est naturel. Les arbres GM sont naturels », martèle-t-il, même si son opinion ne fait pas consensus dans la société.

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En savoir plus
  • 10 millions d’hectares
    Superficie des forêts québécoises qui ont subi une défoliation modérée à sévère à cause de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, depuis 2006
    Source : Ressources naturelles Canada
    4,3 millions d’hectares
    Superficie des forêts ravagées par des incendies au Québec en 2023
    Source : SOPFEU