(Québec) La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) a donné son feu vert à un projet de règlement du ministre de la Santé, Christian Dubé, pour limiter le va-et-vient de médecins entre le public et le privé, où des patients sont prêts à payer des milliers de dollars pour se faire opérer et éviter les listes d’attente.

Ce qu’il faut savoir

De plus en plus de médecins font la navette entre le public et le privé.

Au privé, ils opèrent des patients qui sont prêts à payer des milliers de dollars pour éviter l’attente au public.

Québec a préparé un projet de règlement pour freiner ce va-et-vient.

La RAMQ a donné son feu vert à ce projet que le gouvernement n’a pas encore adopté officiellement.

La Presse a obtenu l’ordre du jour d’une réunion du conseil d’administration de la RAMQ qui s’est tenue le 21 février, à la suite d’une demande d’accès à l’information. Le document révèle qu’on y a discuté d’un « projet de règlement modifiant le Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie (RALAM) pour restreindre les possibilités d’alternance entre le statut de médecin participant et non participant » au régime public. Trois sources ont confirmé que le conseil d’administration avait approuvé le projet de règlement du ministre.

Christian Dubé est toujours en réflexion au sujet de ce projet de règlement, répond son cabinet. Il n’est pas encore à l’étape de le présenter au Conseil des ministres pour adoption finale.

La Presse révélait le mois dernier que le gouvernement envisageit de resserrer les règles permettant aux médecins de faire la navette entre le régime public et le privé, un phénomène en croissance.

Au cours des 10 derniers mois, 137 médecins ont quitté temporairement le régime public plus d’une fois pour aller travailler dans le privé. C’est deux fois plus qu’il y a cinq ans. Le phénomène est en hausse de 10 % par rapport à l’ensemble de l’année 2022-2023. Il s’agit essentiellement de médecins spécialistes (133), surtout des orthopédistes et des radiologistes.

On ajoutait que le gouvernement envisage de faire passer le délai pour se désaffilier de la RAMQ de 30 à 180 jours – environ six mois. Une telle prolongation du délai de préavis empêcherait tout médecin de sauter la clôture plusieurs fois par année.

À l’heure actuelle, pour sortir du régime public, un médecin n’a qu’à transmettre un avis à la RAMQ et à attendre 30 jours. Après ce délai d’un mois, il devient « non participant » au régime public et peut commencer à exercer au privé. Pour redevenir « participant » au régime public, il suffit d’envoyer un nouvel avis à la société d’État, et le médecin peut reprendre sa pratique au public huit jours plus tard.

Christian Dubé n’avait pas donné d’entrevue à La Presse sur le sujet, mais son cabinet avait confirmé qu’une réflexion était en cours pour freiner le va-et-vient.

« La question du in and out, les médecins qui se promènent [entre le public et le privé], […] on est en train de [la] regarder », a affirmé le ministre lors d’un débat en commission parlementaire la semaine dernière. « Il y a une chose qui est claire : les quatre partis qui sont ici, on a le même objectif, c’est de protéger notre système public puis que les Québécois soient capables d’être soignés gratuitement. »

Notons qu’en entrevue au 98,5 FM une semaine après la réunion du conseil d’administration de la RAMQ et au lendemain des révélations de La Presse, le ministre avait répondu par la négative lorsqu’on lui avait demandé s’il avait « passé une commande à la RAMQ pour mettre en place des mesures pour empêcher les médecins de faire la navette ». Il avait ajouté : « Je ne sais pas s’ils travaillent là-dessus. »

Il déplorait que des patients aient à payer des milliers de dollars au privé pour pouvoir subir une opération en raison des délais d’attente dans le réseau public. Et il disait comprendre la frustration de médecins spécialistes qui se font offrir peu de temps pour faire des opérations à l’hôpital notamment en raison du manque d’infirmières et de plateaux techniques. Cette situation les amène à offrir leurs services au privé, au prix fort pour le patient.

Le ministre souhaite recourir davantage aux cliniques privées pour faire des opérations qui seraient payées par l’État – donc couvertes par la RAMQ – et non par le patient.

L’an dernier, le Collège des médecins a recommandé au ministre de resserrer le règlement « afin de s’assurer des soins véritablement universels et accessibles ».

« Les règles permettant l’alternance entre les régimes public et privé doivent être raffermies pour éviter qu’un médecin puisse offrir presque simultanément un même service au public et au privé, et ainsi engendrer des situations de médecine à deux vitesses », peut-on lire dans un mémoire transmis à Québec dans le cadre des consultations sur la réforme Dubé.

Le Collège ajoute que « cette alternance entre le public et le privé a aussi un impact sur la disponibilité des ressources professionnelles au sein des établissements publics », l’essor du privé drainant la main-d’œuvre du public.