(Québec) L’intérêt des patients doit guider l’implantation de l’intelligence artificielle (IA) dans le réseau de la santé pour éviter une utilisation « débridée et sans cadre », croit la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ).

Le syndicat de médecins publie une première prise de position sur l’encadrement de l’intelligence artificielle en santé dans la foulée de la publication du vaste rapport Prêt pour l’IA du Conseil de l’innovation du Québec, remis en janvier au ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie.

« C’est [un rapport] quand même très général, qui ne touche pas spécifiquement la santé », explique le président de la FMSQ, le DVincent Oliva. Pourtant, l’IA, « c’est une révolution en médecine », ajoute-t-il.

Lisez « Encadrement de l’IA : un rapport appelle Québec à bouger “sans tarder” »

La fédération a entrepris en parallèle une réflexion sur l’utilisation de l’IA dans le domaine médical au Québec. « C’est clair que l’innovation, pour nous, c’est l’avenir de la médecine, surtout avec nos capacités qui sont relativement limitées au Québec. On sait qu’on manque d’accès. […] L’intelligence artificielle est une des initiatives d’innovation à côté desquelles on ne peut pas passer », plaide-t-il.

Le DOliva rappelle que l’IA est déjà présente dans le réseau de la santé et des services sociaux, notamment avec des appareils technologiques acquis récemment, mais les avancées à venir seront encore plus évoluées. Il faut s’y préparer, soutient la FMSQ. Cela passe notamment par la formation et l’implication des médecins spécialistes qui doivent être « garants de l’éthique » de l’application de l’IA.

« Les risques, c’est que l’intelligence artificielle ne soit pas utilisée au bénéfice des patients », explique le DOliva. Le président de la FMSQ cite à titre d’exemple le récent reportage de La Presse faisant état de cliniques privées au Canada et aux États-Unis qui offrent à fort prix des « examens du corps entier » pour dépister des cancers.

Lisez « Un examen à 2500 $ qui sème le doute »

« C’est le genre de technologie dont la promotion est faite sur les réseaux sociaux, qui n’a absolument pas de valeur ajoutée pour les patients. C’est très puissant comme outil, mais ça donne quoi en bout de piste ? Pas grand-chose », explique le DOliva, qui veut éviter au Québec une utilisation de l’IA « de façon un peu débridée et sans cadre ».

Des « solutions en pratique »

La FMSQ a créé l’an dernier un Bureau de l’innovation dont le mandat premier était de définir la position du syndicat de médecins sur l’IA. La Fédération a par ailleurs réuni une quinzaine d’experts de spécialités différentes pour se prononcer sur le sujet. Un appel de projets a également été lancé pour trouver « des solutions innovantes » qui pourront être implantées dans le réseau.

L’IA offre un monde de possibilités, souligne le DOliva. « Ça peut être aussi basique que d’utiliser un logiciel qui va améliorer la fluidité des patients au bloc opératoire », illustre-t-il.

Le président de la FMSQ évoque aussi l’utilisation de la reconnaissance vocale pour la dictée en radiologie ou l’analyse technologique d’examens médicaux. « Non seulement le logiciel d’intelligence artificielle va identifier s’il y a des anomalies […] mais [il va] aussi mettre cet examen-là au-dessus de la pile », ajoute-t-il.

À l’heure où Québec tente toujours de se départir des télécopies, le gouvernement devra investir massivement dans ses infrastructures pour « être capable d’implanter » ces technologies, estime la FMSQ qui convient que le réseau de la santé souffre d’un retard technologique.

L’appel de projets de la FMSQ prend fin le 15 mars. Le syndicat souhaite ensuite en faire la promotion pour faciliter l’implantation de ces projets dans le réseau.