(Montréal) Le nombre de nouveaux permis d’infirmière délivrés au Québec a diminué pour une troisième année consécutive, atteignant son plus bas niveau depuis 10 ans, alors que la province a du mal à pourvoir les postes dans ses établissements de santé.

L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec affirme avoir accordé 2864 permis entre avril 2022 et mars 2023. En comparaison, un an auparavant, au cours de la même période de 12 mois, 3565 nouveaux permis avaient été enregistrés, soit 20 % de plus. L’Ordre en avait délivré 3629 au cours des 12 mois précédents et 4183 en 2019-2020.

L’ordre professionnel a néanmoins fait état d’une augmentation de son nombre total de membres – de 79 748 en mars 2022 à 83 418 un an plus tard –, poursuivant une tendance lourde à la hausse. Mais seulement 92,6 % de ses membres travaillaient au Québec, soit la proportion la plus faible des dix dernières années.

Dans un communiqué de presse jeudi, l’organisation a par ailleurs souligné une augmentation de 20 % du nombre d’infirmières praticiennes spécialisées, des infirmières titulaires de diplômes supérieurs qui exercent des pouvoirs supplémentaires, notamment celui de prescrire des traitements. Il y avait 1314 infirmières praticiennes au Québec en mars 2023, contre 1097 en 2022 et 842 en 2021. Leur nombre a ainsi augmenté de 134 % depuis 2019.

La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), qui représente la majorité des infirmières au Québec, a qualifié de « très préoccupante » la baisse de l’octroi de permis par l’Ordre dans le contexte actuel.

« On a besoin d’améliorer significativement les conditions de travail des professionnelles en soins pour les attirer » dans le réseau public, indique le syndicat dans un courriel.

« Les professionnelles en soins sont une ressource extrêmement précieuse, mais le gouvernement n’en fait pas une priorité. C’est très décevant et frustrant pour les membres de la FIQ, qui tiennent le réseau de la santé à bout de bras, et pour les patients. »

La FIQ, contrairement à plusieurs syndicats d’enseignants, n’a pas encore conclu de proposition de règlement avec le gouvernement. Elle a toutefois obtenu, le 19 décembre, la nomination d’un conciliateur du ministère du Travail.

Les données sur la main-d’œuvre au Québec, publiées jeudi, arrivent au beau milieu de difficiles négociations entre le gouvernement et le plus important syndicat d’infirmières de la province, et alors que les établissements de soins de santé sont aux prises avec une pénurie de personnel.

L’agence de la statistique du Québec affirme que les soins infirmiers ont été l’une des professions les plus demandeuses en effectifs au troisième trimestre de 2023, avec plus de 10 400 postes vacants pour les infirmières autorisées et les infirmières psychiatriques autorisées.

Parallèlement, les listes d’attente pour les soins de santé et les temps d’attente aux urgences n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Au Québec, au début de décembre 2023, il y avait 164 168 personnes en attente d’une chirurgie non cardiaque, en hausse par rapport à 129 371 en décembre 2020.

Dans les salles d’urgence, le temps d’attente moyen sur sept jours pour consulter un médecin après le triage était de 3,14 heures le 8 janvier 2024, contre 1,82 heure deux ans plus tôt.

Le rapport de l’ordre professionnel ne suggère pas les raisons possibles de la diminution des nouveaux permis d’exercice en soins infirmiers, et l’organisation a refusé de donner plus de détails lorsqu’elle a été contactée par La Presse Canadienne vendredi.

L’Ordre a indiqué dans un courriel qu’elle élaborait un plan d’action avec le gouvernement du Québec pour augmenter le nombre d’infirmières qualifiées dans la province d’ici 2024, mais a refusé de fournir plus de détails. L’Ordre « espère » toutefois que le nombre de nouveaux permis augmentera au cours de l’année à venir.

Le ministère de la Santé du Québec n’a pas répondu à une demande de commentaires, vendredi

Dans une entrevue, le PDG de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, Tim Guest, a déclaré qu’il ne savait pas pourquoi le Québec délivrait moins de permis. Mais il a admis que cette baisse n’était pas surprenante compte tenu de la pénurie nationale d’infirmières, provoquée par ce qu’il a décrit comme un mécontentement à l’égard des conditions de travail dans la profession, comme le nombre excessif d’heures supplémentaires.

M. Guest a déclaré qu’il n’était pas au courant de diminutions comparables dans d’autres provinces, mais il a entendu parler d’écoles de sciences infirmières qui avaient du mal à recruter des étudiants.