Plus les adolescents québécois vapotent de la nicotine de façon fréquente, moins ils se sentent bien. Quand on les compare aux abstinents, les consommateurs quotidiens sont deux à trois fois plus susceptibles de se déclarer déprimés, anxieux, ou en piètre santé mentale ou physique.

C’est ce que démontre une recherche inédite, rendue publique mardi, lors des Journées annuelles de santé publique, qui réunissent à Québec près d’un millier de chercheurs, soignants et éducateurs.

« On ne sait pas encore si un jeune vapote parce qu’il est déprimé ou l’inverse », a précisé en entrevue la Dre Audrey Payette, médecin résidente en pédiatrie et coauteure de cette étude, qui a été réalisée par l’Université Laval et la Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale.

Pour trancher la question, la jeune médecin continuera de suivre, année après année, les élèves des 99 écoles secondaires qui participent à l’Enquête COMPASS. En 2023, ils étaient près de 50 000, parmi lesquels 37 % d’initiés à la cigarette électronique.

« On pourra vérifier ce que la hausse ou la baisse de vapotage aura comme impact sur leurs indicateurs de santé », prévoit le DRichard Bélanger, coauteur de l’étude et professeur de pédiatrie à l’Université Laval.

De multiples études de cas décrivent déjà des pneumonies, des bronchites, des pneumothorax et exacerbations d’asthme associés au vapotage.

Le DRichard Bélanger coauteur de l’étude et professeur de pédiatrie à l’Université Laval

« Le processus de chauffage produit des dérivés [potentiellement nocifs]. Nos poumons et notre bouche ne sont pas faits pour ça », ajoute le médecin.

Se réveiller la nuit pour vapoter

Pour l’instant, le DBélanger s’inquiète avant tout du « très haut risque de dépendance » : « C’est l’impact le plus important du vapotage [sur le plan] de la santé. »

Briser l’emprise de la cigarette électronique est ardu pour les adolescents, démontre une autre étude inédite dévoilée mardi.

Près de la moitié des initiés au vapotage ont dit avoir tenté d’arrêter cette année. Leur dépendance, la peur de perturber leur humeur ou la peur de l’échec ont représenté leurs trois plus grands obstacles.

Dans une vidéo diffusée entre les discussions d’experts, une demi-douzaine d’élèves du secondaire se sont confiés sans détour.

Être addict à la vape, ça a beaucoup affecté mon sommeil. Je prenais une puff avant de m’endormir, et je me réveillais pendant la nuit, parce que j’avais besoin de prendre d’autres puffs…

Une adolescente

Une autre a déclaré : « La vape, chez les jeunes, c’est un cauchemar ! C’est toujours dans notre pensée. On est en classe, une pensée négative arrive, on se dit : je vais aller prendre une petite taff aux toilettes ou on le fait en classe. Ça va jusque-là… »

Pour les aider, des écoles et des organismes mettent sur pied des programmes de soutien. Une participante aux ateliers a rapporté combien les jeunes en ont besoin : « Sur le terrain, leur dépendance est tellement grande, elle prend tellement de place dans leur vie, qu’ils se sentent pris. Ils viennent voir les intervenants ; ils veulent s’en sortir. »

Une nouvelle application mobile appelée Libair a été lancée en octobre pour accompagner au jour le jour les adolescents qui veulent se libérer de la nicotine. Couleurs, langage, fonctionnalités, bulles de conversation… Le Conseil québécois sur le tabac et la santé, qui a conçu cet outil, a consulté des jeunes pour qu’il leur ressemble et soit ludique.

Les adolescents ont urgemment besoin d’instruments pour arrêter de vapoter, car plusieurs ne savent pas comment s’y prendre, constate le pédiatre Richard Bélanger. « Je vois des jeunes qui consomment l’équivalent de deux à quatre paquets de cigarettes par jour en éléments nicotiniques. Juste leur faire faire ce calcul est une intervention. »

Pourquoi les filles vapotent autant ?

Cette année, 20 % des filles interrogées dans le cadre de l’Enquête COMPASS ont déclaré avoir vapoté dans les 30 jours précédents. Comparativement à 13 % des garçons. Pourquoi vapotent-elles ? « Des gens plus vieux en prennent à l’école et ça fait cool, a répondu l’une des adolescentes en vedette dans la vidéo présentée mardi aux Journées annuelles de santé publique. [Tu te dis] : « Elle est full belle et elle vape. Elle a un beau style, pis elle vape. Elle est drôle, pis elle vape. Alors, moi aussi. » » Une autre voulait faire partie d’un nouveau groupe. « Quand la vape est arrivée dans [cet] entourage, je me suis [dit] : « Il va falloir que je sois un peu comme tout le monde, c’est comme ça que je vais m’inclure. » Je sortais dehors et j’avais des amis avec qui je fumais. »