En quatre ans, la part de jeunes consommateurs ayant opté pour la vapoteuse a triplé

L’utilisation de vapoteuses illégales remplies de cannabis a explosé en quatre ans chez les adolescents québécois qui consomment cette substance. Cette année, ils ont été trois fois plus nombreux qu’en 2019 à employer cette méthode, qui pourrait sans doute augmenter le risque de dépendance et de troubles mentaux.

« Dans les écoles secondaires, la majorité des consommateurs – nouveaux ou anciens, petits ou gros – ont vapoté du cannabis », résume le DSlim Haddad, l’un des auteurs de ces constats inédits, qui ont été affichés lundi à Québec, dans le cadre des Journées annuelles de santé publique.

L’ensemble des résultats, qui seront bientôt soumis pour publication, proviennent d’une enquête longitudinale menée dans 42 écoles secondaires par l’Université Laval et le CIUSSS de la Capitale-Nationale.

Cette année, 12 % des quelque 24 000 adolescents ayant répondu aux questions utilisaient du cannabis (contre 16 % en 2019). Deux sur trois en vapotaient, alors que la proportion était de 20 % en 2019.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Le DRichard Bélanger, pédiatre au CHU de Québec et coauteur de l’étude, est préoccupé. « En vapotant, un jeune est capable de s’exposer à des concentrations de cannabinoïdes bien plus intenses qu’avec la combustion d’un joint. Il est urgent de faire de la recherche pour connaître les risques. On a 10 ans de retard dans notre compréhension par rapport au vapotage de la nicotine. »

Juste avant la pandémie, on a eu une série de blessures pulmonaires associées aux vapoteuses. La présence d’un produit utilisé pour liquéfier le cannabis a été ciblée comme facteur de risque important.

Le DRichard Bélanger, coauteur de l’étude

Fumer des joints peut, par contre, conduire à l’insuffisance respiratoire et au cancer, rappelle le DHaddad, médecin spécialiste en santé publique et professeur à l’Université Laval. « Quand tu vapotes, tu n’avales pas de tabac ou de goudron, mais tu absorbes beaucoup plus de THC [une des substances actives du cannabis]. On n’a pas encore assez de données pour savoir ce qui est pire et l’intégrer au discours de santé publique. »

Marché noir

Les adolescents se procurent leurs vapoteuses de cannabis sur le marché noir, car leur vente est interdite au Québec, même aux adultes. Certains dispositifs sont rechargeables. D’autres, appelés « wax pens », sont jetables. Les écoles rapportent que des élèves s’évanouissent après en avoir utilisé.

Les liquides de vapotage contiennent souvent jusqu’à 90 % de THC, alors que les produits de la Société québécoise du cannabis (SQDC), une société d’État, en contiennent 30 % maximum.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les « wax pens », qu’utilisent notamment les élèves dans les écoles, sont jetables.

Autre problème : la fabrication des vapoteuses ne répond à aucune norme, a prévenu Axelle Marchand, conseillère scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), lors d’un des nombreux ateliers de formation consacrés lundi au cannabis.

Plusieurs dispositifs sont de piètre qualité et plafonnent mal la température de fonctionnement, ce qui augmente les risques toxicologiques, a-t-elle rapporté.

Les doses extrêmes peuvent faire tripler le risque de dépendance – le faisant passer de 9 % à 27 % –, a quant à lui précisé le DDidier Jutras-Aswad, chef du département de psychiatrie et du service de psychiatrie des toxicomanies au Centre hospitalier de l’Université de Montréal.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

De manière globale, « le niveau d’exposition au cannabis, et plus particulièrement aux hautes teneurs en THC, est vraiment un indicateur robuste permettant de prédire des effets délétères sur la santé », a-t-il ajouté en entrevue.

« On ne peut pas demander à quelqu’un de changer son profil génétique [s’il a des vulnérabilités par rapport au cannabis], mais on peut l’encourager à utiliser des produits moins risqués. »

« Perception de danger » moindre

Pourquoi les jeunes se tournent-ils aussi massivement vers la vapoteuse pour consommer leur cannabis ?

« Ils ont parfaitement intégré le fait que le tabac est nocif. Or, pour eux, vapoter du cannabis est beaucoup plus anodin, avance le DSlim Haddad. Puisque les fumeurs se font conseiller de passer à la vapoteuse, il n’y a pas une perception de danger très forte. »

La gestuelle associée à la vapoteuse est aussi plus valorisée. On se la passe, la vapoteuse, on est tous ensemble. En plus, des jeunes peuvent presque vapoter devant vous sans que vous vous en rendiez compte puisqu’il n’y a pas de fumée.

Le DSlim Haddad, coauteur de l’étude

Selon Axelle Marchand, des études montrent toutefois que les résidus de vapotage de cannabis peuvent encore être détectés dans une pièce neuf heures plus tard. Contrairement à ceux laissés par la nicotine, qui s’évanouissent en sept à huit minutes.

Autre constat : les jeunes adeptes de cannabis ont de plus en plus tendance à utiliser plusieurs moyens différents pour en consommer. Ils en fument, en vapotent et en mangent ou en boivent plutôt que de s’en tenir à une seule méthode. Rien n’indique qu’ils absorbent de plus grandes quantités, « mais en multipliant les modes de consommation, ils s’exposent à plusieurs types de danger », souligne le DHaddad.