Près du tiers des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie, en médecine nucléaire et en électrophysiologie médicale songent à quitter le réseau public dans la prochaine année en raison des conditions de travail et du manque de valorisation de leur profession, a appris La Presse.

C’est ce que conclut un sondage réalisé auprès de 2000 membres de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), qui représente les quelque 5400 technologues issus de ces quatre catégories d’emploi.

Au total, ce sont en moyenne 32 % de ces travailleurs qui envisagent de quitter le réseau public « dans la prochaine année ». « Les deux principales raisons, ce sont l’attrait du privé, mais aussi le fait qu’ils veulent carrément changer de profession en raison des conditions de travail », explique le président de l’alliance syndicale, Robert Comeau, en entrevue avec La Presse.

Dans certains cas, le désir de retourner aux études joue également dans la balance, insiste le gestionnaire. Son groupe, qui est actuellement en négociations avec le gouvernement depuis l’échéance de la convention collective des technologues en mars, affirme que la pénurie de personnel se vit très difficilement depuis quelques mois.

« En termes d’énergie et d’investissement, ça devient très irritant de faire ce travail-là, alors que leur métier est essentiel. Pas d’imagerie médicale, ça veut dire des opérations retardées. Avant, durant et après les suivis médicaux, mais aussi aux urgences, on est là », soutient M. Comeau.

La crainte de départs massifs

Pour l’APTS, le cœur du problème réside actuellement dans le fait que les conditions de travail ne sont « pas attrayantes », mais surtout que le métier de technologue n’est « pas du tout valorisé par le gouvernement ».

« Quand on regarde le Plan santé du ministre Christian Dubé, il n’était initialement pas du tout question des plateaux techniques en général. On a dû faire des représentations pour qu’ils soient inclus, ce qui est maintenant fait. Mais ça prouve à quel point le gouvernement s’y attarde peu d’emblée », déplore M. Comeau.

Environ 500 technologues manquent présentement à l’échelle de la province.

« C’est énorme, affirme le leader syndical. On représente 5427 [technologues] de ces quatre catégories d’emploi au Québec et [...] ils représentent 95 % du milieu. »

Dans son rapport paru lundi, l’APTS s’inquiète que « des départs additionnels ne feraient qu’empirer la surcharge de travail actuelle qui, à son tour, fera augmenter le nombre de départs ». « Malgré les affirmations répétées du ministère de la Santé selon lesquelles la réforme majeure du projet de loi 15 qui s’enclenche fera du réseau un employeur plus attirant, aucune garantie n’existe à cet effet », martèle l’organisme.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Robert Comeau, président de l’APTS

Un rattrapage salarial est certes nécessaire, selon M. Comeau, mais il appelle également Québec à ouvrir la porte « à des réaménagements d’horaires intéressants, une fois qu’on aura atteint le nombre de technologues requis pour livrer les services ». L’inconstance des « primes de soins critiques », données à certains titres d’emploi, mais pas à d’autres, joue pour beaucoup dans la frustration de ses membres, ajoute-t-il.

Le défi de la relève

Côté relève, le défi est aussi très grand pour la suite, puisque de moins en moins d’élèves font le choix de s’inscrire dans les programmes de technologues en santé. « Nous, ce qu’on demande, c’est que les quatre professions qu’on représente soient inscrites aux programmes de bourses par le gouvernement, ce qui n’est pas le cas en ce moment », poursuit Robert Comeau.

Il faudrait aussi que durant leur formation, les jeunes voient et soient témoins d’expériences intéressantes. Quand on songe à quitter, ce qui est le cas de plusieurs personnes en ce moment, on ne donne pas une bonne représentation aux jeunes. Tout part des meilleures conditions et de la reconnaissance.

Robert Comeau, président de l’APTS

M. Comeau déplore que Québec fasse preuve de peu de flexibilité dans les discussions. « L’écoute est là, mais les gestes, non. On discute, on jase, mais dans les négociations, l’employeur ne parle que de ses priorités, de ses problèmes, qui ne sont souvent pas les mêmes que les nôtres », conclut M. Comeau.

Dans son sondage, disponible en ligne, l’APTS montre d’ailleurs aussi très clairement que « la quasi-totalité des répondants (96 %) considère que leur profession est inconnue de la population », ce qui met en relief un « appétit pour davantage de reconnaissance dans l’ensemble des milieux de travail ».