(Québec) L’ex-président de la commission qui a passé le système de la santé au crible émet des bémols face au choix du ministre Christian Dubé de faire de Santé Québec l’employeur unique du réseau. Québec doit laisser un pouvoir de négociation local aux organisations s’il veut opérer une vraie décentralisation, croit Michel Clair.

L’auteur du rapport Clair, qui recommandait justement la création d’une « agence nationale » centrée sur les opérations, s’est dit étonné de l’intention du gouvernement Legault de faire de sa future société d’État, Santé Québec, le seul employeur du réseau de la santé et de fusionner par le fait même l’ancienneté syndicale. « C’est ce qui m’a surpris le plus », a confié Michel Clair à La Presse.

Selon lui, il faut que le gouvernement permette à Santé Québec d’offrir « une aire de négociation et d’ajustement des conventions collectives nationales » aux organisations locales pour éviter des conséquences négatives de solutions de type « mur-à-mur ». Il cite en exemple, une infirmière proche de la retraite qui déciderait d’aller s’établir à Magog et qui viendrait déloger de plus jeunes travailleuses de la région.

« Si tout se règle [selon la version initiale du projet de loi], on va avoir une convention, une règle qui va s’appliquer à 350 000 personnes, ça ne se peut pas », ajoute-t-il. Québec doit donc en contrepartie permettre des ententes locales entre le syndicat et l’employeur notamment pour « pondérer l’ancienneté avec la compétence, selon les postes et les particularités des différents milieux », selon l’ex-ministre péquiste.

Si le ministre Christian Dubé veut faire du réseau de la santé « un employeur de choix », cela va de soi de permettre aux organisations « d’apporter une couleur locale pour créer un sentiment d’appartenance et ajuster la culture organisationnelle », estime l’ex-président de la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux, qui a publié son rapport en 2001.

Décentralisation ?

Encore mardi, François Legault affirmait au Salon bleu que le ministre Christian Dubé « est en train de mettre un DG dans chaque établissement pour [que le réseau soit] décentralisé ». Le premier ministre répondait aux griefs du chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, qui reproche au gouvernement Legault de « compléter » la réforme centralisatrice de Gaétan Barrette.

Michel Clair ne croit pas que la réforme Dubé dans sa forme actuelle viendrait décentraliser les pouvoirs malgré l’ajout de centaines de gestionnaires locaux – un pour chacune des installations, hôpital comme CLSC. « Ces directeurs-là s’ils sont juste dans une structure hiérarchique verticale leur vrai patron, ça ne sera pas la population, ça va être la personne au-dessus », a-t-il illustré.

Le projet de loi 15 vient par ailleurs abolir les conseils d’administration des CISSS et CIUSSS pour créer des conseils d’établissement. Michel Clair croit que Québec devrait aussi ajouter une autre instance locale qui rendrait des comptes à la population, comme un comité de surveillance par MRC ou territoire de CLSC.

« De la vraie décentralisation, ce sont des conseils d’administration avec des personnes morales spécifiques, moi, ça aurait été ma préférence. Mais, je regarde le projet de loi et je me dis : oui ça peut-être une approche, mais voici les conditions si on veut qu’au moins il y ait un esprit de décentralisation pour recréer des cultures locales et avoir de la transparence dans les résultats à l’échelle locale. »