Pour économiser des centaines de dollars, des Québécois malentendants font la route jusqu’en Ontario pour se procurer des appareils auditifs à plus faible coût, a pu constater La Presse.

En 2019, Claudia et Gilbert Rock ont entamé des démarches pour se procurer des prothèses auditives chez des audioprothésistes québécois. Pour obtenir des appareils haut de gamme qui leur plaisaient, le couple devait débourser entre 4000 $ et 5000 $. Une somme que les deux Lavallois jugeaient trop élevée, sachant que les prothèses doivent être changées tous les six ans.

En visitant des amis à Ottawa, quelques semaines plus tard, Claudia Rock a eu toute une surprise en découvrant qu’elle pouvait se procurer des prothèses auditives équivalentes dans les magasins Costco de l’Ontario pour la moitié du prix. « J’étais vraiment choquée de voir la différence », s’exclame Mme Rock.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Claudia et Gilbert Rock

Au Québec, seuls les audioprothésistes ont le droit de vendre, de poser, d’ajuster ou de remplacer des prothèses auditives. Or, ce n’est pas le cas en Ontario, ce qui permet à des magasins comme Costco d’offrir des appareils à plus faible coût.

Les audiologistes de Costco ont offert gratuitement au couple un examen de son audition en français ou en anglais. Au Québec, chacun avait déboursé 89 $ pour un examen équivalent chez un audiologiste.

Sans hésiter, Gilbert Rock s’est alors équipé de prothèses. Claudia Rock, qui avait seulement une légère perte auditive, a attendu jusqu’à la fin de l’année 2021 avant de se procurer les siennes.

Se déplacer pour économiser

Les deux retraités ne sont pas les seuls à se déplacer pour obtenir leurs prothèses. Environ 7 % des personnes malentendantes qui se procurent un appareil auditif le font ailleurs qu’au Québec, selon une étude de l’Ordre des audioprothésistes du Québec rendue publique en août.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Dans la dernière année, Claudia Rock a consulté à trois reprises son audiologiste de Costco.

L’an dernier, Claudia Rock s’est finalement équipée de prothèses « intelligentes » haut de gamme de la marque Kirkland Signature de Costco au coût de 1800 $ pour les deux appareils.

Treize mois plus tard, elle se dit toujours comblée par son achat. « Avec mes appareils qui sont connectés par Bluetooth à mon cellulaire intelligent, je peux écouter directement dans les oreilles, sans déranger personne, de la musique, les émissions de Netflix, et répondre au téléphone sans tenir l’appareil dans mes mains », détaille-t-elle.

Dans la dernière année, elle a consulté à trois reprises son audiologiste de Costco. « Chaque fois, le service a été impeccable et sans frais », se réjouit-elle, notant que le magasin offre également un nettoyage gratuitement une fois par année. « Le seul inconvénient, c’est d’être obligée de me rendre à Ottawa pour les examens d’audition et l’entretien des appareils », admet-elle.

Des « normes de pratique élevées »

Appelé à réagir, l’Ordre des audioprothésistes du Québec soutient qu’il y a plusieurs avantages à se procurer ses prothèses auditives dans la province, notamment grâce « aux normes de pratique élevées » au Québec.

« Les audioprothésistes du Québec ne peuvent pas être engagés par Costco ou par une autre grande chaîne. Le but de la loi, c’est d’empêcher l’apparence de tout conflit d’intérêts possible », explique à La Presse le président de l’Ordre des audioprothésistes du Québec, David Gélinas.

Au Québec, « tous les audioprothésistes ont accès à toutes les marques de prothèses, il n’y a donc pas d’exclusivité d’une marque envers un audioprothésiste », ajoute M. Gélinas.

Ce dernier estime également que l’accès aux professionnels devrait être pris en compte, avant de s’aventurer dans une autre province. « L’appareillage auditif demande un suivi rapproché. Si on a un petit pépin avec notre appareil et qu’on sait qu’on a deux coins de rue à faire pour aller le régler, il y a beaucoup de chances que l’on continue de porter cet appareil, plutôt que de savoir qu’on a deux heures de route à faire pour aller voir un professionnel dans une autre province », dit-il.

Il rappelle par ailleurs qu’un audioprothésiste « va toujours travailler avec le budget du patient » et invite le patient à faire connaître son budget à son professionnel. « C’est important d’être transparent avec nous et on va faire de notre mieux à l’intérieur du budget du patient. »

Couverture de la RAMQ 

La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) paie deux prothèses auditives, soit une par oreille, aux enfants de moins de 12 ans dont la déficience auditive peut compromettre le développement de la parole et du langage, aux jeunes de 12 à 18 ans et aux étudiants de 19 ans ou plus dont une oreille est atteinte d’une déficience d’au moins 25 décibels et aux travailleurs dont la meilleure oreille est atteinte d’une déficience d’au moins 35 décibels. Les retraités ne sont couverts que pour une seule prothèse. Par ailleurs, la RAMQ couvre uniquement des appareils de base. Si un patient souhaite obtenir des appareils plus performants, il doit se les procurer sans aide gouvernementale.

Lisez Remboursements de prothèses auditives : une « aberration » pour les aînés