(Québec) « La condamnation de l’hôpital » St. Mary quant au traitement réservé à la veuve de l’ancien premier ministre Robert Bourassa est « inappropriée », répliquent les médecins et d’autres professionnels de cet établissement dans une lettre que La Presse a obtenue.

Le conseil des gouverneurs du centre hospitalier appuie cette position, selon une déclaration écrite de son président, Donald M. Bastien.

L’hôpital s’est retrouvé sous le feu des critiques après un reportage de La Presse sur les derniers moments d’Andrée Simard, morte après trois jours de souffrance et de détresse1. La veuve de Robert Bourassa a été privée de sédation continue, soins palliatifs prévus normalement pour les patients en fin de vie. L’accès à ce type de soins est pourtant un droit garanti par une loi.

Critiques précipitées

Le 20 janvier, dans une sortie comme on en voit rarement, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a présenté ses excuses aux proches de Mme Simard, en son nom et en « celui du réseau ». « Les professionnels de la santé doivent travailler ensemble pour offrir des soins humains », a-t-il ajouté.

De son côté, la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, a demandé au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, dont relève le centre hospitalier de St. Mary, de « revoir les pratiques […] pour qu’une situation comme celle-là ne se reproduise plus jamais ». « Je vais m’assurer que les changements soient mis en place et que ça respecte ce à quoi les Québécois ont droit » en matière de soins palliatifs, a ajouté Mme Bélanger.

Or, l’Association des médecins, dentistes et pharmaciens de St. Mary estime que les critiques sont précipitées et ne se font pas dans les règles de l’art.

« Nous croyons fermement qu’une déclaration doit être faite au sujet du dialogue négatif qui circule actuellement dans les médias », écrit-elle dans une lettre datée du 2 février et adressée « aux membres de la communauté de St. Mary ».

« Nos travailleurs de la santé ont été sévèrement critiqués récemment sur la base de témoignages publics. Bien que nous ne soyons pas en mesure de commenter la version publiée des évènements, la condamnation de l’hôpital, de son personnel et de ses pratiques par divers individus, se basant uniquement sur les articles publiés, sans réserve et sans aucune forme d’examen indépendant, est inappropriée », soutient l’association. Elle ne nomme pas les « divers individus » dont elle parle.

L’association rappelle que « les prestataires de soins de santé sont liés par un code d’éthique qui maintient la stricte confidentialité d’un dossier médical ».

L’association insiste : « le silence public des travailleurs de la santé est une obligation professionnelle et non un aveu de culpabilité ».

« Suggérer que nous sommes opposés à des soins palliatifs adéquats est inexact et préjudiciable à la confiance de notre population de patients et à la communauté que nous servons », ajoute l’association. Selon elle, ces soins sont « facilement accessibles » au centre hospitalier de St. Mary et « le soulagement de la souffrance » y est « d’une importance primordiale ».

La fille d’Andrée Simard, Michelle Bourassa, a pourtant témoigné de l’« horreur » vécue par la famille à cet hôpital dans une lettre publiée dans La Presse2.

Conforme aux directives

Malade, Andrée Simard avait été admise aux urgences, où elle devait contracter la COVID-19. Après un passage aux soins intensifs, on l’a envoyée au secteur médical, où son état s’est dégradé très rapidement. Alors qu’elle était au plus mal, en dépit des demandes réitérées de sa famille et des vœux exprimés par la principale intéressée, l’équipe médicale ne lui a pas administré la « sédation continue » prévue pour accompagner les patients en fin de vie. Selon les explications du CIUSSS, comme Mme Simard était atteinte de la COVID-19, elle ne pouvait être transférée à l’unité de soins palliatifs, pour ne pas exposer des patients vulnérables au virus. Cette unité était proche du département d’oncologie, ce qui constituait un risque. Jusqu’à maintenant, « la sédation continue était offerte uniquement sur l’unité de soins palliatifs », conformément aux directives du département de pharmacie, expliquait le CIUSSS.

L’Association des médecins, dentistes et pharmaciens de St. Mary invite les patients et les familles « à faire part de leurs préoccupations par voies officielles auprès du commissaire aux plaintes, ce qui automatiquement déclencherait une enquête officielle ».

« Nous pouvons tous apprendre d’une rétroaction constructive […], soutient-elle. “Nous croyons de tout cœur à la valeur de ces processus car ils sont dans le meilleur intérêt de tous.”

Michelle Bourassa déclarait à La Presse ne pas vouloir « [s] » embarquer dans un processus de plainte ». Elle voulait surtout « agiter un drapeau pour qu’on sache ce qui se passe ».

L’association déplore le fait que des patients « pourraient maintenant craindre de ne pas recevoir la qualité de services à laquelle ils ont légitimement droit ». Elle assure que les professionnels de l’hôpital restent « fermement engagés à fournir les meilleurs soins possibles dans une atmosphère de respect et de compassion ».

Dans un courriel qui comprend cette lettre en pièce jointe, le président du conseil des gouverneurs de St. Mary, Donald M. Bastien, donne son appui à l’association. « Nous, gouverneurs de l’hôpital, soutenons et approuvons » son message, écrit-il.

L’association n’a pas répondu à un message de La Presse mardi. Une demande d’entrevue auprès du CIUSSS pour obtenir des explications et pour parler à M. Bastien est restée lettre morte.

1. Lisez L’article « Mort d’Andrée Simard : dans la douleur et la détresse » 2. Lisez la lettre d’opinion « Centre hospitalier de St. Mary de Montréal : l’humain et la dignité ont été oubliés »