(Québec) La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) et le Collège des médecins craignent que le projet de loi du gouvernement Legault visant à accroître l’accès aux données provoque la « détérioration » de la relation médecin-patient.

La FMSQ et le Collège mettent en garde le gouvernement Legault des effets pervers que la pièce législative, dans sa forme actuelle, pourrait avoir sur la relation médecin-patient et sur le secret professionnel.

Les deux organisations tirent la sonnette d’alarme dans leurs mémoires respectifs, consultés par La Presse, et demandent de resserrer les balises encadrant le partage et la protection des données des patients.

« C’est extrêmement intime ce que partage un patient avec un médecin », illustre le président de la FMSQ, le DVincent Oliva, en entrevue. « Il faut que ce soit plus encadré. On donne l’exemple de patients qui ont subi une agression sexuelle, un avortement ou des évènements extrêmement sensibles. Est-ce qu’on veut que ces renseignements-là se promènent sous prétexte qu’on veut mieux gérer le réseau ? », déplore-t-il.

La FMSQ assure que l’objectif du gouvernement d’accroître la circulation de données en santé est « louable », mais que le projet de loi 3 ne met pas en place les règles nécessaires pour s’assurer que les données des patients soient protégées.

Le DOliva montre du doigt, par ailleurs, la désuétude des systèmes informatiques dans le réseau de la santé, rappelant qu’il y a encore des endroits où les informations sont transmises par télécopieur.

« Premièrement, pour gérer ça d’une façon efficace et confidentielle, ça prend une architecture informatique assez complexe qu’on n’a pas actuellement. Ça prend des balises que les gens vont respecter. On est un peu à l’âge de pierre en informatique dans le réseau de la santé, souligne-t-il. Il faut avancer, on est d’accord, mais la question qu’on pose, c’est pour qui et pourquoi. »

Dans son mémoire, la Fédération se dit inquiète « des pouvoirs que se donne l’État en matière de renseignements de santé qui apparaissent sans limites ». Selon elle, le principe qui doit guider le projet de loi est des données accessibles pour « le bénéfice du patient ».

Le passage du DOliva en commission parlementaire mercredi a donné lieu à des échanges corsés avec le ministre Éric Caire, qui pilote le projet de loi 3.

Le ministre a évoqué une « vision diamétralement opposée » lorsque la FMSQ s’est demandé si c’est à l’État de gérer les renseignements de santé. M. Caire a rappelé que les données seraient rendues disponibles uniquement aux organismes ou groupes qui ont besoin de l’information dans l’exercice des leurs fonctions, comme le Commissaire à la santé et au bien-être.

Un manque d’équilibre

La FMSQ estime que le nouveau texte législatif « ne permet pas le maintien d’un équilibre sain entre les forces en présence », demande de prévoir un « principe général sur la prévalence du secret professionnel » et de mettre un « régime particulier d’application » pour les renseignements de santé sensibles.

Le Collège des médecins du Québec (CMQ) demande de son côté qu’un article soit carrément ajouté au projet de loi pour indiquer plus spécifiquement les dispositions qui s’appliqueraient sous réserve du secret professionnel.

L’ordre professionnel n’a pas été invité à participer aux consultations sur le projet de loi 3 et a donc envoyé un mémoire à la commission parlementaire. Le CMQ déplore par ailleurs « le silence relatif du projet de loi quant aux rôles et responsabilités des ordres professionnels ».