(Québec) Le principal organisme chargé de passer au crible la performance du réseau de la santé estime que le projet de loi visant à accroître l’accès aux données en santé ne lui donne pas les coudées franches pour exercer pleinement son mandat.

La commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, a fait valoir mardi que le projet de loi 3 sur les renseignements de santé et de services sociaux manque de clarté, ce qui pourrait nuire à ses travaux et à l’exercice de « ses responsabilités en toute indépendance ». Elle réclame que la pièce législative soit clarifiée de manière à limiter l’interprétation de la future loi.

« C’est l’interprétation qui nous inquiète parce que jusqu’à maintenant, elle ne nous a pas été favorable », a laissé savoir Mme Castonguay lors de son passage devant les parlementaires, au premier jour des consultations sur le projet de loi 3 à Québec.

La commissaire y est allée de révélations étonnantes alors qu’elle a indiqué qu’il lui a fallu « au moins un an » pour obtenir les données dont elle avait besoin pour « être capable de réaliser » son mandat spécial sur les soins et services aux aînés pendant la première vague de la pandémie. Le Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE) a dû utiliser des ordonnances, en vertu de ses pouvoirs d’enquête, pour avoir accès à l’information.

« [Il a fallu] deux ans pour être capable de réagir au premier mandat, a souligné la commissaire. Il y a tellement d’enjeux qui sont pressants [dans le réseau de la santé] que si on passe la moitié de notre énergie à obtenir l’information, on perd un temps précieux pour réagir aux enjeux du système. »

La « voie de passage » d’émettre une ordonnance pour avoir accès aux données a été déterminée en collaboration avec la Régie de l’assurance maladie et le ministère de la Santé et des Services sociaux, a-t-elle précisé. Ils ont collaboré tout en protégeant l’information et en respectant leur propre loi, a indiqué Mme Castonguay. C’est en ce sens qu’elle estime que le projet de loi 3 devrait lui donner les coudées franches.

Demandes de clarification

« Comment croire que le CSBE puisse exercer une telle mission en toute indépendance et en toute légitimité si une organisation dont il doit évaluer la performance a le pouvoir de lui refuser l’accès à des données essentielles pour accomplir son mandat ? », a indiqué la commissaire dans son mémoire.

Elle demande que la pièce législative soit modifiée pour tenir compte de la nature particulière du mandat de certaines organisations, comme la sienne, pour s’assurer que les données soient transmises. On réclame aussi l’instauration d’un mécanisme d’appel en cas de refus d’une demande. Le CSBE souhaite également que soit révisée l’obligation actuelle de détruire les données obtenues dans le cadre d’un mandat.

Mme Castonguay a néanmoins souligné que le projet de loi 3 viendra « lever un obstacle majeur » et constituera « un pas important vers la modernisation de l’État québécois ».

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a elle aussi salué l’intention gouvernementale d’accroître l’accès aux données, mais a prévenu qu’elle n’accepterait « d’aucune manière que les informations nominatives se rattachant aux médecins puissent permettre au ministre de les identifier individuellement pour, éventuellement, les soumettre à des mesures coercitives ».

Le projet de loi 3 – qui reprend essentiellement les éléments du projet de loi 19, déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, et mort au feuilleton – est désormais piloté par le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire. Les consultations se poursuivent mercredi et jeudi.