L’infirmière suspendue pour avoir mangé une toast à Longueuil est loin d’être un cas isolé, affirme un syndicat. Au CISSS de la Montérégie-Est, une préposée aux bénéficiaires a été suspendue pendant cinq jours durant la pandémie pour avoir mangé une pointe de pizza qui allait être jetée. D’autres suspensions auraient été autorisées pour avoir « l’intention de prendre un jus », avoir bu un lait au chocolat ou avoir mangé des frites.

Dans les dernières années, des préposées aux bénéficiaires du CISSS de la Montérégie-Est ont écopé de sanctions similaires à celle de l’infirmière de Longueuil, soutient Daniel Laroche, président du STT-CISSS Montérégie-Est-CSN, qui demande à l’employeur de réviser les sanctions rendues dans le passé comme il l’a fait pour le cas le plus récent.

L’une d’entre elles a été suspendue un mois, parce qu’elle avait « l’intention de prendre un jus », affirme-t-il. Une autre a obtenu un mois de suspension pour avoir bu un lait au chocolat. Une semaine de suspension a été donnée à un employé qui avait mangé quelques frites, dit-il.

Pour M. Laroche, ces sanctions n’ont pas lieu d’être. « Dans un contexte où le ministre Dubé veut que le réseau de la santé devienne un employeur de choix, je ne pense pas que c’est avec des mesures disciplinaires à la hauteur d’un mois de suspension qu’on va encourager les personnes à venir dans le réseau », dit M. Laroche.

Le message que ça lance, c’est qu’au moindre petit écart, l’employeur va sanctionner.

Daniel Laroche, président du STT-CISSS Montérégie-Est-CSN

Vendredi, Le Journal de Montréal rapportait qu’une infirmière du CHSLD Chevalier-De Lévis, à Longueuil, avait été suspendue sans solde pendant trois jours pour avoir mangé une toast au beurre d’arachide destinée aux résidants. Après des pressions exercées par Québec, l’infirmière a pu réintégrer ses fonctions lundi et le CISSS a présenté des excuses à l’employée.

Suspendue pour une pizza

Le 25 mai 2021, une préposée aux bénéficiaires au CHSLD Monseigneur-Coderre, à Longueuil, constate qu’un résidant est absent. Elle sait que son repas sera jeté. Elle mange une pointe de pizza, avant de rapporter le cabaret à la cuisine.

Hors de question de gaspiller ce repas qui n’a pas été touché, raisonne-t-elle. « C’est absolument scandaleux, toute la nourriture qui est jetée au CHSLD », a confié à La Presse la préposée, qui a souhaité garder l’anonymat par peur de représailles.

Dans les jours qui suivent, elle est convoquée par la direction du CISSS de la Montérégie-Est en visioconférence. Sous le choc, elle nie avoir mangé la pizza.

Je me suis certainement mal défendue, car j’étais sur la défensive et plutôt estomaquée du traitement que l’on me faisait subir.

La préposée qui a souhaité garder l’anonymat par peur de représailles

Elle estime que c’est une de ses collègues, qui l’a vue manger la pizza, qui l’a dénoncée. Lorsqu’elle la croise dans les jours qui suivent, la préposée lui dit qu’elle est « la police de la nourriture ». Elle est à nouveau rencontrée par la direction.

Un mois et demi plus tard, elle reçoit une lettre qui mentionne qu’elle a écopé de cinq jours de suspension sans solde. Ses agissements constituent « un manquement grave » à ses obligations « de loyauté et d’honnêteté », peut-on lire dans la lettre de suspension que La Presse a obtenue.

« Le fait de consommer de la nourriture étant destinée [aux usagers] et de faire des commentaires à propos de vos collègues est inadéquat, affecte négativement le climat de travail et ne reflète aucunement les attentes de l’organisation », est-il écrit dans la lettre de suspension.

Selon le CISSS de la Montérégie-Est, ce cas est « très différent » de la suspension de l’infirmière à Longueuil, « autant dans les faits que dans le processus qui a été observé pour en venir à la mesure disciplinaire ».

Dans la lettre, on accuse également la préposée de se préparer « un café et des toasts sur l’unité alors que ce sont des aliments appartenant à l’employeur destinés aux usagers de nos services ».

« Je fais énormément d’activités avec les résidants l’après-midi, comme de la lecture ou des chansons, et je leur sers des cafés », explique-t-elle. Il lui arrive de s’en servir un également.

Selon M. Laroche, il est fréquent que « des repas soient jetés en quantité monumentale ». « Je n’ai jamais été nommément informé de la part de l’employeur que si la nourriture va aux poubelles, tu n’as pas le droit de la manger », ajoute celui qui était préposé aux services alimentaires et cuisinier dans le réseau de la santé il y a quelques années.

Mardi, le syndicat a demandé au CISSS que les dossiers similaires à ceux de l’infirmière suspendue pour avoir mangé une toast soient révisés. « On veut que l’employeur ait un traitement juste et équitable avec l’ensemble des employés », dit-il. De son côté, la relationniste du CISSS, Caroline Doucet, a indiqué que « les correctifs nécessaires » seront apportés pour qu’une situation comme celle de l’infirmière ne se reproduise plus.

Rectificatif : Daniel Laroche est président du STT-CISSS Montérégie-Est-CSN et non du STT-CISSS Montérégie-Centre-CSN, tel qu'il était mentionné dans une version précédente du texte. Nos excuses.