(Québec) Christian Dubé souhaite que les Québécois reçoivent une facture symbolique lorsqu’ils obtiennent des soins pour qu’ils mesurent l’ampleur des coûts en santé. Un vœu qu’il ne prévoit cependant pas être exaucé durant le présent mandat.

Le ministre de la Santé a fait part de sa vision en marge d’une conférence de presse sur le dépôt de projet de loi 3, qui se veut une nouvelle tentative d’accroître l’accès aux données dans le réseau de la santé.

« Quels ne seraient pas le plaisir et le bonheur d’un citoyen de dire : je viens de recevoir un beau cadeau de 18 000 piastres parce que j’ai fait changer mes deux hanches et ça ne m’a rien coûté. C’est ça notre principe d’universalité », a expliqué le ministre Dubé lors de la période de questions.

Je pense qu’il faut avoir cette vision-là, que notre réseau de la santé qui nous coûte globalement 50 milliards par année, c’est parce qu’il donne un service à 8 millions de Québécois.

Christian Dubé, ministre de la Santé

Mais avant d’envoyer des factures symboliques aux Québécois, Christian Dubé veut implanter au cours de la prochaine année financière un projet où certains hôpitaux recevraient un budget en fonction de leurs activités. Il estime que son gouvernement est assez avancé dans « l’analyse du coût d’un épisode de soins ». Un travail amorcé par les gouvernements précédents, a-t-il salué.

« Ça nous a beaucoup aidés, pendant la pandémie, d’aller chercher des chirurgies au privé, en sachant quel coût on pouvait négocier avec nos partenaires », a cité en exemple le ministre. « C’est de se servir de ces coûts-là, on va le faire avec quelques hôpitaux pour commencer, c’est-à-dire donner un budget aux hôpitaux en fonction du nombre d’opérations qu’ils vont faire », a-t-il illustré.

Ce qu’on veut, c’est que nos hôpitaux qui sont plus performants puissent faire plus d’opérations et être mieux financés.

Christian Dubé, ministre de la Santé

Dans sa vision, le mécanisme serait le même pour l’ensemble des soins et pas seulement les interventions chirurgicales. Ce n’est qu’une fois les coûts bien établis et la facturation testée dans les hôpitaux québécois que le ministre Dubé verrait l’envoi de factures symboliques sans solde à payer.

« Le grand principe d’universalité, bien souvent les gens sont conscients de la qualité du service qu’ils ont, mais ils n’ont pas idée de ce que ça coûte. Je pense que si on est capables de faire les deux étapes préliminaires et que pendant ce temps-là, on développe nos systèmes, un jour, on va être capables de le faire », a-t-il ajouté, affirmant vouloir mettre en place toute la « technologie » nécessaire.

Par ailleurs, Québec a déposé mercredi son projet de loi 3, qui reprend essentiellement les grandes orientations du projet de loi 19, déposé en décembre 2021 par M. Dubé, mort au feuilleton à la fin de la législature, en juin dernier. C’est le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, qui pilotera cette fois-ci la progression de la pièce législative.

Selon le ministre Dubé, le projet de loi 3 est « complémentaire » aux travaux amorcés lors du précédent mandat par son collègue Éric Caire. « Pendant qu’il va faire ce travail-là [qui vise à uniformiser la partie plus légale de l’accès], nous, on va avancer sur l’aspect technologique », a illustré M. Dubé. L’accès aux données est d’ailleurs l’une des « fondations » de son fameux Plan santé.

Les changements législatifs proposés visent à accroître la fluidité des données à travers l’imposant réseau de la santé et des services sociaux. « Ça va permettre à tout le monde de mieux travailler ensemble et d’être plus performants », a dit M. Dubé, rappelant que les règles qui encadrent les pratiques en matière d’accès aux renseignements de santé et de services sociaux sont dispersées dans plusieurs lois et règlements.

En plus d’accroître l’accès pour les chercheurs et les gestionnaires, Québec promet des bénéfices pour les patients. « Sans cette loi-là, on ne peut pas déployer le Dossier santé numérique (DSN) », soutient Éric Caire. Le DSN doit permettre aux Québécois d’avoir accès à l’ensemble des informations relatives à leur santé. Québec espère le déployer partout au Québec d’ici au moins deux ans.

Communication aux autorités policières

Nouveauté : le projet de loi permet la communication de certains renseignements personnels, dans des cas bien précis, aux autorités policières. Notamment, les disparitions seront ajoutées à la notion légale d’urgence qui autorisait déjà la transmission d’informations aux services policiers. La police pourrait alors communiquer avec un établissement pour vérifier si la personne recherchée s’y trouve.

Un établissement pourra aussi fournir certaines informations au sujet d’un patient dans le cas où une intervention policière serait demandée par le CISSS ou le CIUSSS, comme lors d’un transport. Enfin, lors d’un cas de violence envers un membre du personnel soignant, des renseignements de santé sur le présumé agresseur pourront être divulgués en preuve, ce qui n’était pas le cas avant.

Un autre élément différencie les deux projets de loi : on vient permettre aux Québécois de bloquer des informations personnelles qu’ils ne souhaitent pas voir s’afficher dans le DSN, comme les cas de violence conjugale. Il s’agit d’une pratique inspirée du Danemark, où le ministre Dubé a effectué une visite au début de l’été dernier.