(Québec) Les travailleurs de la santé, qui sont à forte proportion des femmes, souffrent d’une « forme de violence institutionnelle », dénonce Vincent Marissal. Le député de Québec solidaire presse Québec de mettre fin au temps supplémentaire obligatoire et de « se débarrasser » des agences de placement de main-d’œuvre.

« Ç’a toujours été comme ça, et ces femmes sont maltraitées. Elles souffrent d’une forme de violence institutionnelle », a déclaré mercredi le député de Rosemont, qui rentre d’une tournée dans les hôpitaux de la province. « Quand on parle à des gens dans une salle de repos, systématiquement, dans tous les hôpitaux où je suis allé, il y a des gens qui se mettaient à pleurer », a-t-il relaté.

Ces gens-là sont à bout, là. Je ne fais pas du théâtre, là, je ne fais pas du psychodrame. Ces gens-là sont à bout. Puis il se trouve qu’à chaque fois, bien, il y avait 95 % de femmes autour de la table.

Vincent Marissal, député solidaire de Rosemont

Il a dit faire écho aux propos tenus par la députée de la CAQ, Shirley Dorismond, qui a affirmé à l’époque où elle était vice-présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec que le gouvernement était « complice d’une violence organisationnelle » à l’égard des travailleuses de la santé.

Le député solidaire attribue la situation à la détérioration des conditions de travail des employés du réseau de la santé, plus précisément au recours au temps supplémentaire obligatoire et à la main-d’œuvre indépendante « qui [fait] la loi dans le réseau. » Il demande au ministre de la Santé, Christian Dubé, de rendre inéligible le personnel des agences aux quarts de jour.

« C’est le temps pour M. Dubé de cesser la machine à slogans, puis d’arriver avec des solutions sur le terrain, parce que ce qu’on est en train de faire, on va le payer pendant des décennies. On est en train de démobiliser toute une génération d’infirmières qui soit flirtent avec le burn-out, soit vont quitter [le réseau] », a-t-il lancé.

Pour l’heure, une série de mesures encadrent le recours aux agences de placement de main-d’œuvre en vertu de la loi 28 qui donne des pouvoirs d’exception au gouvernement jusqu’au 31 décembre. Les arrêtés en vigueur fixent notamment des prix plafonds que les agences doivent respecter. Le ministère de la Santé et des Services sociaux mène actuellement des « travaux » pour évaluer quelle mesure pourrait être pérennisée.

En octobre 2021, Christian Dubé avait par ailleurs demandé à ce que les quarts défavorables soient d’abord offerts au personnel des agences. Cette mesure est toujours appliquée, indique-t-on à son cabinet, mais elle n’est pas inscrite dans l’arrêté ministériel.

Au cabinet de M. Dubé, on soutient qu’il faut « éviter d’avoir un discours négatif envers le réseau en soulignant uniquement ce qui va mal ».

« Il faut souligner la contribution importante des employés dans le réseau qui travaille présentement dans un environnement difficile. Le recours à la main-d’œuvre indépendante a trop longtemps été vu comme un mode de gestion, alors que ça devrait plutôt être la situation d’exception, mais cette transition doit se faire par étape », a-t-on indiqué dans une déclaration transmise à La Presse.

« Ce dont on a vraiment besoin, c’est de retenir et d’attirer notre main-d’œuvre tout en réduisant progressivement notre recours à la main-d’œuvre indépendante, tout en tenant compte des besoins régionaux et c’est ce qu’on a déjà commencé avec plusieurs actions spécifiques dans les derniers mois et que nous allons continuer avec la suite de notre Plan santé », ajoute-t-on.

Des infirmières « à boutte »

Le Parti québécois et le Parti libéral du Québec ne sont pas prêts à parler de « violence institutionnelle », mais soutiennent que les conditions de travail des infirmières sont insoutenables.

« On a un problème majeur pour lequel les solutions sont évoquées année après année, au moins depuis quatre ans, et qui ne sont pas mises en œuvre », a déploré le député péquiste Joël Arseneau, qui montre du doigt lui aussi le recours aux agences et au temps supplémentaire obligatoire.

« Le gouvernement ne démontre pas cette volonté-là d’améliorer les conditions de travail, les ratios sécuritaires pour les employés, et particulièrement les postes à prédominance féminine », poursuit-il.

« Ce que je constate, ce sont des femmes et des hommes qui sont à bout de souffle, qu’ils quittent en masse le réseau public », a fait valoir de son côté le chef libéral par intérim, Marc Tanguay. « J’irai pas sur le thème, j’irais sur le constat des infirmières à boutte », a-t-il ajouté.

Selon le tableau de bord du ministre Dubé, le recours au taux supplémentaire obligatoire a diminué légèrement depuis l’été, passant de 1,57 % en juillet à 0,91 % en novembre, pour le personnel en soins infirmiers et cardio-respiratoires affecté aux urgences. Le recours à la main-d’œuvre indépendante pour ce même groupe de travailleurs est en revanche à la hausse depuis septembre.