Une action collective a été intentée cette semaine contre le géant agrochimique Syngenta, au nom de tous les Québécois ayant reçu un diagnostic de la maladie de Parkinson après avoir été exposés de manière répétée au pesticide Gramoxone.

La demande introductive d’instance a été déposée lundi à la Cour supérieure, dans le district de Saint-Hyacinthe. Fin juillet, un juge avait accepté la demande d’autorisation pour exercer cette action collective, donnant ainsi le feu vert au dépôt de la poursuite.

Le Gramoxone est le nom commercial d’un herbicide ayant comme ingrédient actif le paraquat. Il a été homologué pour usage au Canada en 1963.

« Le paraquat est l’herbicide à la toxicité la plus aiguë à avoir été commercialisé au cours des 60 dernières années », peut-on lire dans le recours d’une quarantaine de pages.

Les défenderesses [Syngenta et ses filiales] savaient ou auraient dû savoir que l’exposition au Gramoxone pouvait causer ou être associée à la maladie de Parkinson […] créant ainsi un risque dangereux et déraisonnable pour ceux qui y ont été exposés.

Extrait du recours collectif

Le représentant du groupe est Jean-François Lebeau. Il a été exposé à la substance de 1974 à 1985, alors qu’il aidait au verger appartenant à sa belle-famille à Saint-Paul-d’Abbotsford. Au minimum cinq fois par année, il participait à la préparation du mélange et à la vaporisation du produit. À l’âge de 66 ans, il a reçu un diagnostic de parkinson, une maladie neurodégénérative incurable.

Le recours souligne que le demandeur n’a pas d’antécédents familiaux de la maladie et qu’il s’est soumis à une analyse génétique pour détecter les risques les plus courants de la maladie, qui s’est révélée négative.

Les dossiers médicaux de M. Lebeau ont été examinés par un « éminent » neurologue spécialisé dans la maladie de Parkinson, le DTimothy Greenamyre. « Le DGreenamyre a conclu qu’il est plus probable que non que l’exposition à ce produit ait causé la maladie du demandeur Lebeau », peut-on lire dans le recours.

La demande introductive d’instance indique qu’une personne peut être exposée par l’inhalation de particules en suspension dans l’air après la pulvérisation, par ingestion par inadvertance de sol, de poussière ou de résidus chimiques, ou par contact de la peau.

« Chacune de ces voies d’exposition peut entraîner une toxicité systémique, c’est-à-dire du système sanguin, et, une fois dans la circulation sanguine, le paraquat pénètre dans le cerveau », peut-on lire.

Dommages punitifs réclamés

Le recours vise également tout Québécois qui est le conjoint, le père, la mère, l’enfant, le frère, la sœur ou le proche aidant qui subit ou a subi un préjudice du fait que cette personne a développé la maladie de Parkinson. C’est la conjointe de M. Lebeau, Andrée Tremblay, qui est la représentante de ce deuxième groupe visé par l’action collective.

Les demandeurs sont les aidants naturels du fils adulte de Mme Tremblay, qui est atteint de trisomie 21. « Le demandeur Lebeau ne peut plus assister pour certaines manœuvres physiques nécessaires à ce rôle », souligne la demande.

M. Lebeau et Mme Tremblay sont représentés par la firme Siskinds Desmeules. Ils demandent au tribunal de condamner Syngenta à payer aux membres du groupe un « montant à être déterminé » en compensation des préjudices corporels, moraux et matériels subis et qu’ils continueront de subir. Ils réclament aussi un « montant à être déterminé » à titre de dommages-intérêts punitifs.

Depuis 2021, le parkinson est reconnu par le gouvernement du Québec comme une maladie professionnelle pour les agriculteurs, les agronomes et les applicateurs de pesticides qui ont été exposés aux pesticides pendant plus de dix ans. C’est aussi le cas en France depuis 2012 et en Suède depuis 2017.

Selon Santé Canada, il n’y a plus de produits enregistrés au Canada qui contiennent du paraquat.

« En mars 2022, l’homologation du produit contenant du paraquat a été volontairement abandonnée par le fabricant canadien », a indiqué son porte-parole Mark Johnson dans une déclaration transmise par courriel.

Ni la porte-parole de Syngenta Christina Stroud ni les trois avocats de la firme McCarthy Tétrault, qui représentent l’entreprise, n’ont répondu à nos courriels.

Le Roundup au banc des accusés

Le paraquat n’est pas le premier pesticide qui se retrouve au banc des accusés. L’herbicide glyphosate, commercialisé sous le nom de Roundup par l’entreprise Monsanto-Bayer, fait aussi l’objet de plusieurs demandes d’action collective au Canada. En mai 2019, une femme ayant souffert d’un cancer de stade 4 a déposé une demande d’autorisation d’action collective au Québec contre Monsanto. Elle réclamait la somme de 10 millions en dommages punitifs pour tous les Québécois exposés au Roundup depuis 1976, qui ont reçu un diagnostic de lymphome non hodgkinien. En décembre 2020, les procédures dans cette cause ont toutefois été temporairement suspendues, car la Cour supérieure de l’Ontario est déjà saisie d’une demande « de portée nationale » ayant le même fondement et qui englobe les résidants du Québec.