(Ottawa) La Torontoise Leigh Chapman représentera « la voix de 400 000 infirmières au Canada » et aura pour objectif de stabiliser la main-d’œuvre en santé malmenée durant la pandémie. Elle devra fournir des conseils stratégiques et jouer « un rôle rassembleur » auprès des provinces et des territoires qui attendent toujours une hausse des transferts en santé.

« Nous voulons avoir une collaboration utile et non un débat futile sur des dollars et des pourcentages », a affirmé le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, lors d’une conférence de presse à l’Université d’Ottawa mardi. Il soutient qu’il y a « beaucoup d’autres choses à faire » pour soutenir les travailleurs de la santé, notamment de revoir la question de l’organisation du système de santé face à la crise causée par la pandémie.

En ce sens, le rôle de la nouvelle infirmière en chef du Canada est nébuleux et risque d’être perçu comme une nouvelle incursion du gouvernement fédéral dans un champ de compétence provincial.

Il faut vraiment travailler de concert avec les provinces et les territoires sur les conditions de travail parce que je peux voir à quel point c’est insoutenable, particulièrement après deux ans et demi de pandémie.

Leigh Chapman, la nouvelle infirmière en chef du Canada

Questionné sur la possibilité de hausser les transferts en santé aux provinces sans condition, le ministre Duclos a répondu qu’il mettait son attention sur l’obtention de résultats. « Nous avons déjà atteint les 35 % que les premiers ministres provinciaux avaient demandés au gouvernement fédéral, a-t-il soutenu. En fait, nous l’avons dépassé durant la pandémie de COVID-19. »

L’ensemble des ministres de la Santé ont tenu une réunion plus tard dans la journée. Le premier ministre Justin Trudeau n’a toujours pas rencontré ses homologues pour discuter du financement des soins. Il avait déjà indiqué vouloir le faire après la pandémie. Or, personne ne sait quand elle va se terminer.

C’est au Québec de gérer le réseau de la santé.

Marjaurie Côté-Boileau, attachée de presse du ministre québécois de la Santé, Christian Dubé

Québec demande une augmentation « récurrente et sans condition ».

La hausse réclamée par les provinces représenterait 28 milliards tous les ans et s’élèverait à 6 milliards pour le Québec. Ottawa estime toutefois avoir déjà atteint les 35 % du financement de la santé par le transfert de points d’impôt en 1977. Le ministre Duclos a également fait valoir que les provinces recevront davantage d’argent au cours des prochaines années. Elles doivent obtenir environ 10 milliards supplémentaires en cinq ans vu la forte croissance de l’économie.

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Vingt ans d’expérience

Le poste d’infirmière en chef a d’abord été créé en 1968, puis avait été éliminé par le gouvernement conservateur de Stephen Harper en 2012. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada militait pour que le poste soit rétabli. Pour son président, Sylvain Brousseau, le gouvernement fédéral envoie ainsi « un message fort » pour reconnaître le « rôle essentiel » des infirmières dans les soins de santé au pays.

Avoir une cheffe fédérale nous permet d’avoir quelqu’un qui est aux tables de décision.

Sylvain Brousseau, président de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada

Leigh Chapman agira donc comme conseillère auprès du ministre Duclos pour tout ce qui relève des soins infirmiers et de leur organisation. Elle devra également proposer des politiques sur les soins de longue durée, palliatifs et à domicile de même que sur la santé mentale et la consommation d’alcool, de médicaments et de drogues.

Celle qui possède un doctorat en sciences infirmières de l’Université de Toronto et 20 ans d’expérience est l’une des cofondatrices de la Toronto Overdose Prevention Society, un organisme de lutte contre les surdoses. Elle a coordonné un site d’injection supervisée installé dans un parc de Toronto en 2017.

Le mandat de Leigh Chapman sera en vigueur durant deux ans, mais pourrait être prolongé.