Les provinces recevront d’Ottawa 10 milliards de plus sur 5 ans

(Ottawa) Les provinces obtiendront près de 10 milliards de dollars de plus que prévu en transferts en santé au cours des cinq prochaines années en raison de la forte croissance de l’économie canadienne en 2021, a appris La Presse.

Concrètement, cela veut dire que les provinces se partageront en moyenne une somme supplémentaire d’environ 2 milliards de dollars par année afin de financer les soins de santé. Les ministres des Finances des provinces ont été avisés le mois dernier de cette hausse des transferts en santé, qui atteindront 45,2 milliards de dollars en 2022-2023 et 48,7 milliards durant l’exercice financier suivant. En 2026-2027, ils devraient totaliser 55,2 milliards.

Depuis qu’Ottawa a mis fin à la hausse annuelle automatique de 6 % des transferts canadiens en santé, en 2017-2018, le ministère des Finances calcule leur augmentation en tenant compte de la moyenne mobile triennale de la croissance du produit intérieur brut (PIB nominal). Les provinces ont toutefois la garantie d’une augmentation du financement d’au moins 3 % par année.

Une hausse de 3 % a été la norme au cours des quatre dernières années. Or, l’économie canadienne a connu une forte croissance en 2021, après un recul provoqué par les mesures de confinement strictes imposées au printemps 2020 d’un bout à l’autre du pays à cause de la pandémie. Résultat : la majoration des transferts s’établira à 4,8 % pour l’exercice financier qui commence le 1er avril, selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

« En raison de la croissance exceptionnelle du PIB en 2021, il est prévu que les transferts en santé offriront une somme de 9,8 milliards de dollars de plus que prévu dans les projections d’avant la pandémie au cours des cinq prochaines années, à compter de 2022-2023 », peut-on lire dans une note d’information du sous-ministre des Finances, Michael Sabia.

La hausse de 4,8 % est la plus importante fixée par le gouvernement fédéral depuis l’entrée en vigueur des nouvelles règles de calcul, il y a cinq ans, précise-t-on dans cette note adressée à la ministre des Finances, Chrystia Freeland. Les transferts en santé sont alloués aux provinces au prorata de leur population.

Pas de hausse supplémentaire en pandémie

Mais cette augmentation, bien qu’elle soit soulignée à grands traits dans la note d’information du sous-ministre des Finances, n’affaiblira pas la détermination des provinces qui exigent un effort financier plus costaud de la part du gouvernement fédéral.

Depuis quelques années, les provinces réclament à l’unisson qu’Ottawa augmente les transferts en santé afin d’assumer 35 % de la facture annuelle, contre 22 % à l’heure actuelle. Une telle majoration se traduirait par des investissements annuels supplémentaires de 28 milliards du gouvernement fédéral.

Le premier ministre Justin Trudeau a réitéré cette semaine qu’il était prêt à discuter d’une hausse des transferts avec ses homologues provinciaux, mais seulement une fois que la pandémie serait terminée. Durant la dernière campagne électorale, les libéraux ont promis d’injecter 9 milliards en santé sur quatre ans, mais en imposant des conditions. Ainsi, 3 milliards devraient servir à embaucher 7500 médecins de famille et infirmières, tandis que 6 milliards devraient être utilisés pour éliminer les listes d’attente.

Cela dit, l’augmentation prévue en 2022-2023 fera assurément partie de l’arsenal que le gouvernement Trudeau utilisera dans sa bataille de chiffres qui l’opposera aux provinces.

« Pas une annonce »

Selon le Bloc québécois, qui appuie résolument la demande des provinces, cette hausse de 4,8 % des paiements de transferts n’a rien de grandiose. Elle ne fait que refléter une grille de calcul établie par Ottawa. La seule manière de régler ce dossier, c’est de faire en sorte que le gouvernement fédéral s’acquitte annuellement de 35 % des coûts des soins de santé au pays.

« Dans les faits, tout cela n’est pas une annonce. Le mécanisme de calcul fait qu’il y a une hausse de 3 % ou une hausse en lien avec l’augmentation du PIB nominal. Avec l’inflation, le PIB a augmenté. Il va de soi que les coûts du système de santé vont être plus élevés aussi », a précisé le député bloquiste Mario Simard, critique de son parti en matière d’affaires intergouvernementales.

Dans les faits, tout cela ne change absolument rien. Tu ne peux pas t’enorgueillir d’appliquer ce que tu es supposé appliquer.

Mario Simard, critique bloquiste en matière d’affaires intergouvernementales

« Le chiffre que l’on doit garder en tête, c’est le pourcentage de financement, a ajouté M. Simard. À l’heure actuelle, la part du fédéral, c’est 22 %. C’est intenable. En 2013, le directeur parlementaire du budget affirmait que si rien ne changeait, la situation pour les 20 prochaines années serait intenable. Nous sommes en plein là-dedans avec la pandémie. »

M. Simard a affirmé que le Bloc québécois entendait faire de la hausse des transferts la bataille de tous les instants lors de la reprise des travaux parlementaires, lundi.

Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, a aussi affirmé que la hausse prévue cette année ne réglait en rien le problème de fond.

« À court terme, c’est peut-être une bonne nouvelle. Mais le problème, c’est que la hausse est liée à une croissance économique qui est circonstancielle. On ne sait pas si cela va être durable. On ne veut pas que le financement de notre système de santé soit tributaire de la croissance économique. […] La santé, c’est la grande priorité des Québécois et des Canadiens en ce moment. Il faut avoir une augmentation des transferts en santé qui est permanente et prévisible. Il y a une incertitude qui ne nous permet pas de rebâtir notre système de santé, qui a été durement éprouvé », fait valoir M. Boulerice.

10,15 milliards

Somme que recevra le Québec pour les soins de santé en 2022-2023

Source : ministère des Finances du Canada