(Québec) Le salut du réseau public de la santé passera par l’entreprise privée, selon le Parti conservateur du Québec (PCQ).

Un gouvernement dirigé par Éric Duhaime miserait sur la promotion active de la concurrence entre le secteur privé et le secteur public et sur les investissements privés étrangers pour améliorer l’offre de soins de santé aux Québécois.

Un système de santé totalement transformé, fondé sur une concurrence directe privé-public sera au cœur de la petite révolution prônée par les conservateurs, au cours de la prochaine campagne électorale.

Loin d’être complémentaire, la contribution de l’entreprise privée devrait être au cœur de la réforme à effectuer, selon eux. Et si les entreprises privées d’ici et d’ailleurs qui investiront en santé engrangent des profits, tant mieux.

Car sans concurrence directe entre le réseau public et l’entreprise privée, « tout va échouer », a prédit le Dr Karim Elayoubi, principal porte-parole du PCQ en santé et candidat du parti dans Argenteuil.

« On veut que des investisseurs étrangers utilisent leur capital financier, leur capital intelligent, pour venir ici », bâtir des hôpitaux privés, des cliniques privées, a-t-il dit, en décrivant son modèle idéal, propice à transformer les patients en clients.

La concurrence doit devenir « l’outil central » à la disposition du gouvernement pour « attirer des investisseurs » qui souhaiteraient éventuellement non seulement à bâtir des hôpitaux, mais aussi les gérer, a ajouté le médecin, convaincu qu’il est urgent de mettre fin au monopole de l’État en santé.

Le Dr Elayoubi était un des principaux orateurs invités à participer au colloque organisé par le parti, samedi, à Québec, sur la place du secteur privé dans l’offre de soins de santé.

Selon lui, malgré l’aspect radical des changements proposés par les conservateurs, leur proposition ne vient pas en contradiction avec les principes inscrits dans la Loi canadienne sur la santé, notamment basée sur l’universalité. Une contestation devant les tribunaux lui apparaîtrait donc « peu probable ».

Confronté à une nouvelle dynamique, à une ouverture la plus large possible aux entreprises privées et aux compagnies d’assurances, le réseau public de la santé s’organiserait pour être plus performant, croit-il, pour assurer « sa survie », n’ayant « pas le choix de s’adapter à son compétiteur ».

Les conservateurs veulent mettre fin au monopole de la Régie de l’assurance-maladie (RAMQ). Ils voudraient que les Québécois puissent souscrire une assurance privée (dite « duplicative ») pour des services et des soins déjà offerts par la RAMQ. Par exemple, un patient en attente d’une chirurgie qui aurait une assurance privée pourrait choisir de se faire soigner dans une clinique privée, s’il juge l’attente trop longue dans le public. En principe, une partie de la facture serait assumée par la compagnie d’assurances. Des crédits d’impôt pourraient être rendus disponibles, éventuellement.

Cela pose tout de même la question de l’accessibilité. Tout le monde n’aura pas nécessairement les moyens de contracter une assurance privée, qui pourrait être très coûteuse. Les gens doublement assurés auraient donc éventuellement un avantage sur les autres, ayant le choix entre attendre que ce soit leur tour dans le réseau public ou se tourner vers une clinique privée. Mais le PCQ soutient que cette façon de faire serait accessible à la classe moyenne et contribuerait à libérer les listes d’attente au public.

Selon le Dr Elayoubi, qui dénonce la « pseudo-universalité » actuelle, le monopole en vigueur est « élitiste », car l’accès aux cliniques privées n’est réservé qu’aux riches, les seuls à pouvoir assumer les frais d’une intervention chirurgicale.

Pour que le système fonctionne, les conservateurs misent sur toute une série de changements majeurs, comme de permettre la pratique mixte pour les médecins, qui pourraient aisément passer du public au privé, d’un jour à l’autre, selon les besoins, ce qui est interdit actuellement. Le PCQ veut augmenter aussi sensiblement le nombre de médecins, en visant la formation de 300 à 500 étudiants en médecine de plus chaque année.

De plus, on veut augmenter les pouvoirs et l’autonomie des professionnels en santé, dont les infirmières, et accélérer la reconnaissance des professionnels de la santé diplômés à l’étranger.

Les conservateurs promettent également de revoir le mode de financement des hôpitaux, une idée qui circule dans d’autres partis depuis des années. Les hôpitaux qui soignent le plus de patients seraient ceux qui recevraient le plus d’argent de l’État. Il faut voir le patient comme un revenu et non comme une dépense, a résumé le Dr Elayoubi.

Le PCQ ne cherche pas à « privatiser » le réseau de la santé, mais bien à le « libéraliser », a nuancé le médecin, qui prône aussi une grande décentralisation du processus décisionnel.

La liberté du patient étant au cœur de la réforme, on veut par exemple qu’il puisse choisir l’hôpital où il recevra une chirurgie. On veut en fait que les hôpitaux soient en concurrence entre eux.

Les conservateurs sont d’avis qu’une refonte complète du système de santé prendra une décennie. Mais ils veulent amorcer des changements majeurs dès la première d’une éventuelle prise du pouvoir à l’Assemblée nationale.

Le colloque de samedi a attiré quelques centaines de militants, sur place et en mode virtuel. D’autres conférenciers avaient été invités à partager leurs réflexions sur le sujet : Maria Lily Shaw, économiste à l’Institut économique de Montréal, Norma Khozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef au Conseil du patronat du Québec, de même que le PDG de l’Institut économique de Montréal, Michel Kelly-Gagnon, et l’essayiste conservatrice Joanne Marcotte.

Le PCQ est en pleine progression, selon les derniers sondages. Le chef du parti, Éric Duhaime, a fait une brève apparition au terme du colloque pour dire que la santé serait vraisemblablement l’enjeu central de la prochaine campagne électorale.