Un enfant atteint sur dix a dû subir une greffe du foie

Le Canada a enregistré ses premiers cas d’une mystérieuse inflammation du foie touchant près de 200 enfants dans une dizaine de pays, notamment en Europe et aux États-Unis, a appris La Presse.

L’Agence de la santé publique du Canada a indiqué à La Presse être au courant de cas « d’hépatite aiguë grave d’origine inconnue » chez de jeunes enfants au Canada. « Ceux-ci font l’objet d’une enquête plus approfondie pour déterminer s’ils sont liés à des cas au Royaume-Uni et aux États-Unis », a indiqué la porte-parole de l’Agence, Charlaine Sleiman, en fin de journée mardi. Le nombre d’enfants et les provinces touchés ne sont pas rendus publics pour le moment.

Une infection grave

Depuis les dernières semaines, des enfants auparavant en bonne santé ont soudainement développé une hépatite, ou une inflammation du foie. Un d’entre eux est mort et près d’une vingtaine, soit environ 10 % des enfants infectés, ont dû subir une transplantation du foie. La cause ? Elle est inconnue pour le moment, mais l’hypothèse d’une infection par un virus est considérée comme la plus probable.

Une dizaine de pays touchés

Jusqu’à maintenant, 190 cas de cette hépatite d’origine inconnue ont été recensés, dont 140 en Europe. « C’est inquiétant. C’est un nombre considérable et il va falloir faire très attention », lance d’emblée le DFernando Alvarez, directeur du programme de transplantation hépatique au CHU Sainte-Justine et professeur à la faculté de médecine de l’Université de Montréal. La plupart des cas se sont produits au Royaume-Uni, mais d’autres ont été signalés dans une douzaine de pays, notamment en France, en Israël, en Italie, en Norvège, aux Pays-Bas et en Espagne. Aux États-Unis, des cas sont également apparus en Illinois et en Caroline du Nord.

Une cause inconnue

Les scientifiques ont identifié jusqu’à présent six virus d’hépatite connus, comme A, B, C, D, E, G, mais aucun de ces virus habituels n’a été détecté dans cette « mystérieuse hépatite » touchant les enfants. Bien que l’origine de cette infection ne soit pas claire, un des principaux suspects est « l’adénovirus », qui a été détecté dans environ 75 % des cas confirmés. Ce groupe de virus, assez banal et connu, est communément associé aux rhumes. « Il se peut que ce soit causé par un adénovirus déjà connu, mais qui a muté et qui a désormais la capacité d’infecter les cellules du foie », indique le DAlvarez.

Surveillance des symptômes

Les symptômes les plus fréquents de cette infection sont une urine foncée, des selles pâles, une jaunisse, soit un jaunissement de la peau et du blanc des yeux, des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales et une perte d’appétit. « Si les parents voient que leurs enfants présentent des symptômes de jaunisse, ils ne doivent pas les ignorer. Il faut être vigilant et prudent, mais il n’y a pas quelque chose que l’on peut faire au niveau de la prévention pour le moment », dit Naglaa Shoukry, directrice du laboratoire d’immunologie du foie au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et professeure au département de médecine de l’Université de Montréal.

Aucun cas à l’hôpital Sainte-Justine

Jusqu’à présent, les experts consultés par La Presse n’ont pas été informés de cas au Québec. « On n’a pas eu de cas d’hépatite aiguë sévères causés par des causes virales à Sainte-Justine et on est très contents », affirme le DAlvarez. Le centre de transplantation hépatique pédiatrique du CHU Sainte-Justine, le seul au Québec, réalise environ 10 greffes par année. Devant l’arrivée de cette mystérieuse hépatite, il faut demeurer prudent, soutient l’expert. « Il va falloir être très attentif et essayer d’identifier sa cause. Dès qu’on aura plus d’informations, on appliquera les mesures nécessaires », affirme-t-il.

Les enfants, les seuls touchés

Jusqu’à présent, toutes les personnes infectées sont des enfants de 16 ans et moins, mais la plupart avaient moins de 10 ans, et beaucoup, moins de 5 ans. Pourquoi cette mystérieuse hépatite cible-t-elle uniquement les enfants ? Après deux ans de pandémie, la question d’une « dette » immunitaire qui rendrait certains enfants plus fragiles est soulevée par des scientifiques. « Les enfants, à cause du confinement et de la COVID-19, n’étaient pas exposés de façon normale aux pathogènes, ce qui les a peut-être rendus plus susceptibles à ce virus », soutient la Dre Shoukry. Une réponse immunitaire différente entre les enfants et les adultes pourrait également jouer un rôle, estime le DAlvarez.

Interrogations sur la COVID-19

La possibilité d’un lien avec la COVID-19 circule toujours, mais semble peu probable, selon des scientifiques qui jugent que le nombre de cas d’hépatite serait beaucoup plus élevé si c’était le cas. Le rôle des vaccins contre la COVID-19 a également été écarté, puisqu’une grande majorité des enfants n’étaient pas vaccinés, a indiqué l’Organisation mondiale de la santé. Les investigations se poursuivent dans tous les pays ayant rapporté des cas.

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press