(Québec ) La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) menace de poursuivre le gouvernement si le projet de loi 11 visant à accroître l’accès à la première ligne est adopté dans sa forme actuelle. Elle juge insuffisants les compromis proposés cette semaine par le ministre Christian Dubé.

Malgré une série d’amendements déposés par le ministre de la Santé et des Services sociaux (MSSS) lors de l’étude détaillée du texte législatif mardi, la FMOQ continue de critiquer vivement le projet de loi 11. « On est encore loin des propositions d’amendements que nous avons faites », tranche le président de la Fédération, le DMarc-André Amyot, qui demande à Québec beaucoup plus de garanties sur l’usage des données sur les médecins de famille.

« Je présume de la bonne foi du ministre quand il me dit qu’il ne veut pas de données nominatives des docteurs. Malheureusement, ce n’est pas ce que le projet de loi dit », lance-t-il. La FMOQ déplore que les amendements proposés n’abordent pas les enjeux relatifs à la communication de données sur l’occupation et la prise en charge des médecins de famille, ce qui inquiète particulièrement la Fédération.

[Si le projet de loi est adopté sous cette forme], on n’exclut pas un recours juridique. Ce n’est pas du tout notre choix. Je n’ai pas envie d’une bataille juridique, j’essaie de me tenir loin de ça.

Le DMarc-André Amyot, président de la FMOQ

La FMOQ s’oppose farouchement au projet de loi 11 et a réclamé son abandon en commission parlementaire, en février. Le syndicat y voit « une version actualisée de la désolante loi 20 » de l’ex-ministre Gaétan Barrette. On craint que le projet de loi 11 ne permette finalement l’imposition de mesures coercitives prévues dans cette loi, mesures qui n’ont jamais été appliquées, faut-il le rappeler.

La loi 20 a « eu des effets dévastateurs » sur la médecine familiale et sur le recrutement de nouveaux médecins, estime le DAmyot.

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« Nous savons que les médecins sont très sensibles à la loi 20. J’ai pris l’engagement de ne pas activer les pénalités avec l’entente qui se termine le 31 mars 2023. On ne veut pas de pénalités, au contraire, on veut des incitatifs pour la prise en charge », a écrit le ministre Christian Dubé dans une déclaration transmise à La Presse.

Il ajoute que des « balises quant à l’accès aux données » ont été prévues alors que l’information « doit passer via une commission d’accès qui veillera à ce partage des données ». « Soyons clairs : au gouvernement, nous n’avons pas besoin de l’information nominative. Nous misons plutôt sur une information de gestion en groupe, dénominalisée, par GMF [groupe de médecine de famille] », a assuré M. Dubé.

Pas besoin d’un projet de loi, dit la FMOQ

Selon la FMOQ, le gouvernement « n’a pas besoin » d’un nouveau projet de loi pour améliorer l’accès à la première ligne en misant sur les GMF comme il souhaite le faire. Le DAmyot soutient que le texte législatif « balaie du revers de la main » la lettre d’entente conclue entre la FMOQ et le ministre Dubé en 2021 sur le déploiement d’un orchestrateur de rendez-vous (Hub).

Le document prévoit entre autres que les médecins en GMF déposent la « totalité de leur offre de services » et que le MSSS « garantit que les renseignements contenus à l’orchestrateur sont confidentiels ». La FMOQ s’explique alors mal pourquoi Québec veut aller plus loin avec son projet de loi.

On pourrait arriver au même résultat dans un esprit de collaboration, ce que je ne sens pas.

Le DMarc-André Amyot

Ce différend « n’aide pas », selon lui, au climat des négociations pour revoir le mode de rémunération des médecins de famille, comme s’est engagé à faire le gouvernement Legault.

Le projet de loi 11 précise notamment que les médecins « doivent transmettre au ministre [leurs] plages horaires de disponibilité » et que le ministre peut les utiliser pour « l’élaboration de politiques, la planification des effectifs médicaux et la surveillance de la mise en œuvre de ces politiques ».

Fardeau réduit pour les omnipraticiens

Christian Dubé a pourtant présenté mardi une série d’amendements qui ne fait plus reposer l’accès à la première ligne que sur les épaules des omnipraticiens.

Le ministre propose même que le titre du projet de loi soit modifié pour « clarifier que l’augmentation de l’offre de services de la première ligne ne relève pas exclusivement des médecins omnipraticiens tel qu’il a été mentionné à quelques reprises lors des consultations particulières ».

On retire par ailleurs « trouver un médecin » pour « trouver un professionnel de la santé et des services sociaux » dans l’article 11 de la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée. Une volonté souvent exprimée par le ministre lui-même et plusieurs groupes, dont le Collège des médecins et l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Ces ajustements sont malgré tout salués par la FMOQ, qui assure vouloir « faire partie de la solution » pour améliorer l’accès à la première ligne alors que plus de 945 000 Québécois sont sans médecin de famille.

Pérenniser la télémédecine

Le ministre Christian Dubé souhaite également élargir son projet de loi 11 en incluant des articles de loi visant à pérenniser la télémédecine, qui s’est accélérée pendant la pandémie. Selon les amendements proposés, le ministre pourrait « déterminer les cas et les circonstances dans lesquelles peuvent se dérouler des activités à distance ». Le projet de loi prévoit cependant qu’un patient conservera « le droit à ce que ces services lui soient fournis en présence ». Le projet de loi 28 vers la fin de l’état d’urgence sanitaire permet par ailleurs le maintien de certaines mesures transitoires touchant la télémédecine jusqu’au 31 décembre 2022.