Après des patients masculins – à Berlin en 2008 et à Londres en 2020 –, une première femme semble avoir été guérie du VIH, ont annoncé des scientifiques en février. Une percée qui pourrait stimuler la recherche vers un potentiel traitement de la maladie, au moment où une hausse des infections au VIH se fait sentir au Canada.

C’est très encourageant. N’importe quelle percée nous amène à une nouvelle étape vers une guérison totale.

Gary Lacasse, directeur général de la Société canadienne du sida

Une hausse draconienne

Dans les dernières années, le Canada a observé une forte hausse des cas du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), responsable du sida. « On a subi des augmentations drastiques depuis 2014, avec une hausse d’environ 25 %. Avec la pandémie, un accès au dépistage inégal au pays s’est aussi manifesté par une hausse des ITSS », soutient M. Lacasse.

Nombre de personnes vivant avec le VIH

  • 59 480 en 2014
  • 62 050 en 2018

Source : gouvernement du Canada

2561

Nombre de nouveaux diagnostics de VIH au Canada en 2018, contre 2040 cas en 2014.

Source : Société canadienne du sida

Une maladie chronique

Les traitements offerts à ce jour consistent habituellement en une association de trois médicaments antirétroviraux à prendre quotidiennement. Ces médicaments n’éradiquent pas le virus, mais permettent de réduire la charge virale chez le patient. « Ça fonctionne extrêmement bien, et les gens ont une espérance de vie qui est à peu près la même que les personnes qui n’ont pas de VIH, mais ça demeure une maladie chronique », dit le DMichel Alary, chercheur en santé des populations au CHU de Québec–Université Laval.

17 040

Nombre de personnes infectées par le VIH au Québec en 2018.

Source : Portrait des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) au Québec, année 2019

Une greffe efficace

Le 15 février, des scientifiques ont annoncé qu’une femme d’origine raciale mixte semble avoir été guérie du VIH. La patiente, qui a subi une greffe dans le cadre d’un traitement contre la leucémie, a reçu des cellules souches d’un nouveau-né porteur d’une mutation génétique rare, qui empêche le VIH de s’implanter. Trois mois après la transplantation, toutes les cellules sanguines de la femme étaient désormais résistantes au VIH. Elle a pu cesser de prendre ses médicaments antirétroviraux.

Deux autres cas

PHOTO MANUEL VALDES, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’Américain Timothy Ray Brown, surnommé le « patient de Berlin », a été la première personne au monde guérie du VIH. Ici photographié en mars 2019 à Seattle, M. Brown s’est éteint en septembre 2020.

Ce n’est pas la première fois qu’une greffe de cellules souches permet de guérir un individu atteint du VIH. Deux autres cas de guérison ont été signalés dans le monde jusqu’à présent. Connus sous le nom du « patient de Berlin » et du « patient de Londres », les deux hommes ont reçu une greffe de cellules souches provenant de moelle osseuse. Leurs donneurs étaient également porteurs de la mutation qui rend résistant à l’infection.

Plus de diversité

Le fait que cette troisième patiente, surnommée la patiente de New York, soit une femme métisse est une grande avancée scientifique, estiment les experts. En effet, la mutation étant beaucoup plus fréquente chez les personnes d’origine européenne, il est plus difficile de trouver des donneurs pour les greffes de cellules souches chez les patients non blancs.

L’utilisation de sang de cordon ombilical, comme chez la patiente guérie, ne demande pas de trouver un donneur d’ethnie similaire, contrairement aux greffes de moelle osseuse qui ont permis de guérir les deux patients précédents, indique Éric Cohen, professeur de virologie à la faculté de médecine de l’Université de Montréal. L’utilisation de sang de cordon ombilical ouvre donc la voie à la guérison de plus de personnes de diverses origines.

1 %

Des chercheurs estiment que 1 % des individus d’origine nord-européenne ont la mutation qui résiste au VIH, qui a permis de guérir les trois individus. Cependant, cette mutation est moins répandue dans d’autres groupes ethniques, notamment les Africains et les Asiatiques.

Source : article publié dans la revue scientifique HIV Medicine : « Identification and frequency of CCR5Δ32/Δ32 HIV-resistant cord blood units from Houston area hospitals ».

Consultez l’article (en anglais)

Pour une meilleure représentation

La patiente est également la première femme à obtenir un diagnostic de rémission à long terme. « C’est important et ça envoie un très bon message, compte tenu du fait que seulement 11 % environ des participants dans les essais cliniques de guérison sont des femmes. C’est important qu’il y ait une bonne représentation, voire quasi égale, pour s’assurer que les traitements sont généralisables », soutient M. Cohen.

25 %

Parmi les 62 050 Canadiens qui vivaient avec le VIH à la fin de l’année de 2018, 1 sur 4 (25 %) était une femme.

Source : gouvernement du Canada

Une procédure risquée

Est-ce que la greffe de cellules souches par des donneurs immunisés pourrait être généralisable à tous les patients ? Non, répondent sans hésiter les experts. La greffe est une procédure très risquée, avec un taux de mortalité de 10 % à 20 %, indique le DAlary. Elle est donc seulement envisagée chez les personnes atteintes du VIH qui ont également des cancers et d’autres maladies.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Éric Cohen, professeur de virologie au département de microbiologie, infectiologie et immunologie de la faculté de médecine de l’Université de Montréal

Ce sont tout de même trois cas qui stimulent la recherche, parce que ça prouve qu’on est capable de guérir des patients. Ça met en lumière des stratégies pour éventuellement trouver des traitements qui comportent moins de risques.

Éric Cohen, professeur de virologie au département de microbiologie, infectiologie et immunologie de la faculté de médecine de l’Université de Montréal

L’avenir

Les experts souhaitent que cette percée mène vers un traitement de la maladie. « On aimerait mimer cette approche, sans les risques qu’elle peut avoir. J’ai très confiance qu’on va y arriver », soutient le professeur Cohen. D’ici là, le DAlary rappelle l’importance d’un bon dépistage et d’un accès généralisé aux traitements.