Bras de fer entre des radiologistes et Québec

Au début de mars, comme il le fait occasionnellement pour son problème d’arthrose, Gaétan Nadeau s’est présenté à sa clinique pour recevoir une infiltration de cortisone au genou droit. Et le rendez-vous pour le genou gauche ? Ça ne sera pas possible, s’est-il fait dire. « Vous étiez le dernier à pouvoir en avoir. »

Comme des milliers d’autres Québécois, Gaétan Nadeau, qui est un médecin urgentiste semi-retraité, est actuellement victime d’un bras de fer entre les radiologistes et le gouvernement Legault.

Au total, 172 radiologistes de 44 cliniques sont sous le coup d’un contrôle de facturation par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), qui revoit aussi à la baisse la facturation pour toute infiltration de cortisone.

En réaction, les radiologistes sont nombreux à refuser désormais le traitement à leurs patients.

Marie-Hélène Émond, des relations avec les médias du ministère de la Santé et des Services sociaux, souligne que « le gouvernement doit s’assurer que les professionnels de la santé facturent en conformité avec les ententes négociées ».

Pour cet enjeu, la Fédération des médecins spécialistes nous a dirigés vers l’Association des radiologistes du Québec.

Ce différend, selon l’Association, vient du fait que la vérificatrice générale a exigé il y a deux ans que la RAMQ rende davantage de comptes quant à la rémunération médicale.

Dans une fiche technique qu’elle nous a transmise, l’Association des radiologistes indique que la RAMQ « réclame des sommes importantes et rétroactives auprès de 172 radiologistes » en remontant jusqu’en 2017.

La RAMQ refuse désormais que les radiologistes utilisent le code de facturation « qui était utilisé depuis 50 ans », explique la Dre Magalie Dubé, présidente de l’Association des radiologistes du Québec.

Désormais, dit-elle, les cliniques ne reçoivent plus quelque somme que ce soit « pour payer l’équipement, les technologues, les fournitures, le loyer, etc. ».

L’enjeu est « de plusieurs millions par année », dit la Dre Dubé, sans le chiffrer précisément.

« Ce n’est pas de gaieté de cœur » que les radiologistes cessent de faire des traitements, mais « les cliniques qui ne suspendent pas ce service pendant qu’on négocie, elles le font à perte », estime la Dre Dubé.

Selon les données de la RAMQ, 48 radiologues ont gagné plus de 1 million en 2020 (76 en 2019).

Un service très réclamé

L’Association des radiologistes souligne que les infiltrations de cortisone sont un service « dont a grandement besoin la population, particulièrement la clientèle gériatrique ».

Elle relève que « sans ce service, ces patients doivent se tourner vers le réseau public, qui n’a pas en ce moment la capacité de garantir ce service dans des délais toujours raisonnables ».

Dans l’ensemble du Québec, 12 821 personnes sont en attente d’une opération d’un genou, parmi lesquelles 6706 attendent depuis plus de six mois. Pour la hanche, 7196 Québécois attendent une intervention et 3240 sont sur la liste depuis plus de six mois (selon des données du ministère de la Santé et des Services sociaux).

Nombre d’entre eux allaient jusqu’ici chercher une infiltration de cortisone pour atténuer leur douleur en attendant leur opération.

D’autres, qui n’ont pas encore besoin d’opération, le faisaient aussi pour diminuer une souffrance chronique.

Gaétan Nadeau est dans ce dernier cas de figure.

PHOTO FOURNIE PAR GAÉTAN NADEAU

Gaétan Nadeau

Outre Advil et les calmants, l’infiltration occasionnelle de cortisone soulage énormément et rend les gens fonctionnels, quasi sans douleur.

Gaétan Nadeau

Après deux ans « de confinement sédentaire » en raison de la pandémie, l’infiltration de cortisone permet à de nombreux Québécois de continuer de bouger, fait observer M. Nadeau. Et s’ils le font, « ils seront moins déprimés, moins obèses et en meilleure santé cardiovasculaire ».

En savoir plus
  • 70 000
    Nombre d’infiltrations de cortisone pratiquées annuellement par les radiologistes
    SOURCE : ASSOCIATION DES RADIOLOGISTES DU QUÉBEC