Nommé par intérim mardi, le nouveau directeur national de santé publique du Québec, le Dr Luc Boileau, affirme qu’il assumera son rôle de façon totalement indépendante. Alors que des voix s’élèvent pour demander une révision de la fonction, Québec n’est pas fermé à l’idée, mais affirme vouloir d’abord traverser la cinquième vague de pandémie.
En conférence de presse mardi, le premier ministre François Legault n’a pas rejeté une possible révision de la fonction de directeur national de santé publique au Québec. Mais avant de réfléchir à une refonte de structure ou de rôle, M. Legault a dit que sa priorité était « de passer à travers la cinquième vague » de la pandémie. « Pour la suite, on n’exclut rien », a-t-il dit.
Au Québec, le directeur national de santé publique est aussi sous-ministre adjoint à la Santé. L’existence de ces « deux chapeaux » a été quelques fois critiquée dans la dernière année. Pour le président du Collège des médecins du Québec, le Dr Mauril Gaudreault, « idéalement, [le directeur national de santé publique] ne devrait avoir qu’un seul chapeau ».
Saluant le travail du Dr Horacio Arruda, qui a démissionné lundi, le Dr Gaudreault plaide pour que la fonction de directeur national de santé publique puisse s’exercer « en toute indépendance » et « sans contrainte politique ». « Et ce n’est pas une critique du Dr Arruda. »
Si on veut que la population adhère aux avis que le directeur national va donner, il faut qu’il soit vu comme indépendant.
Le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec
Le Dr Gaudreault croit aussi que les avis du directeur national doivent être « écrits, clairs et clairement exprimés à la population ».
Nommé depuis quelques heures comme directeur national de santé publique par intérim, le Dr Boileau a assuré en conférence de presse mardi qu’il comptait assumer son rôle avec indépendance. « Moi, j’assume que cette fonction doit être indépendante. Dans l’exercice que je compte en faire, elle le sera », a-t-il dit.
La Dre Marie-Laure Hemery, présidente de l’Association des spécialistes en médecine préventive du Québec, croit que le départ du Dr Arruda, dont elle salue le travail, pourrait « être l’occasion de repenser le poste ». « Il faudra penser globalement le changement. […] Tout le monde est d’accord que ça prend une indépendance de la Santé publique, que les décisions soient prises en respect de la science », dit-elle.
La Dre Hemery indique que les médecins de santé publique du Québec seront présents pour épauler le prochain directeur national, que ce soit le Dr Boileau ou la personne qui sera nommée de façon permanente. « La Santé publique au Québec, ce n’est pas juste l’INESSS et l’INSPQ. Il y a aussi 17 directeurs régionaux », dit-elle.
Hommage au Dr Arruda
Nombre d’intervenants ont salué mardi le travail accompli par le Dr Arruda durant ses 12 années en poste. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec a indiqué que le Dr Arruda « a assumé de très lourdes et exigeantes responsabilités dans un contexte de crise inédit ». La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a offert ses remerciements sur Twitter.
La directrice régionale de santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, a également souligné sur Twitter « l’engagement sincère envers la santé de la population » du Dr Arruda et « son honorable détermination à vaincre le virus de la COVID-19 ».
Un peu plus tôt, en entrevue à Radio-Canada, la Dre Drouin a déclaré que si on lui proposait de remplacer le Dr Arruda, « ce serait une longue réflexion personnelle », a-t-elle dit avant d’ajouter : « c’est pas non ni oui non plus ».
D’autres noms circulent déjà quant à savoir qui pourrait prendre la place du Dr Arruda. Celui de l’ex-présidente de Médecins sans frontière, la pédiatre urgentiste Joanne Liu, est évoqué. La Dre Liu a notamment été impliquée dans la gestion de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014. La Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux prévoit cependant qu’un directeur national de santé publique « doit être un médecin titulaire d’un certificat de spécialiste en santé communautaire ».
Qui est Luc Boileau ?
Le Dr Boileau pourrait potentiellement être appelé à occuper de façon permanente le poste. Il a été président de l’Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie de 1993 à 2008. Il a ensuite été président de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de 2008 à 2015. Puis il a été président de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESS) de 2015 à maintenant.
Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, estime que le Dr Boileau est « un gestionnaire de haut niveau qui a de très grandes compétences en gestion des organisations de santé et en stratégie managériale ».
Pour Mme Da Silva, la « très grande connaissance de l’organisation et de l’analyse des services de santé » du Dr Boileau sera « très certainement un atout » dans la crise actuelle.
Le Dr Boileau a travaillé sous différents gouvernements. Il est notamment le père de Marjaurie Côté-Boileau, actuelle attachée de presse du ministre de la Santé, Christian Dubé.
Doyen de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Carl-Ardy Dubois estime que le Dr Boileau est « tout à fait compétent » pour remplir son nouveau rôle. « Il a occupé des fonctions importantes dans des environnements complexes. Il a géré de grosses équipes. Et il a à la fois une compréhension de la santé publique et du système de santé », dit-il, tout en ajoutant que le Dr Boileau sait « bien s’entourer de gens qui ont de l’expertise ». M. Dubois croit aussi que le Dr Boileau apportera « un nouveau souffle » sur le rôle de la Santé publique « pendant et après la pandémie ».