(Québec) La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) songe à recourir à des moyens judiciaires pour faire annuler l’arrêté ministériel qui encadre le versement de primes de rétention de 15 000 $ par infirmière.

« À l’heure actuelle, avec la grogne qui monte et tout ce qui se passe, on va explorer toutes les voies possibles qui peuvent être considérées pour contester l’arrêté ministériel », a lancé la présidente par intérim de la FIQ, Nathalie Lévesque.

« Ça veut dire un recours. Est-ce qu’on demandera l’annulation [de l’arrêté] ? On ne l’exclut pas. […] On pense que le gouvernement devrait reculer, honnêtement », a-t-elle ajouté en entrevue à La Presse.

La FIQ ne digère pas les modalités d’attribution des primes d’attraction et de rétention des infirmières à temps complet. Les conditions ont été publiées dans le guide d’application du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), qui vise essentiellement à vulgariser l’arrêté ministériel.

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Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé

Le Devoir a d’abord révélé jeudi le contenu du guide qui provoque l’ire des syndicats. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a été forcé d’expliquer son arrêté et le MSSS a publié une « rectification » au sujet des primes. Le ministre a invité le MSSS et le syndicat à tenir une deuxième rencontre pour « clarifier les faits », alors qu’il y a eu, a-t-il dit, « une interprétation inexacte ».

Congés sans solde

Le point en litige est la question des congés sans solde. Dans le guide, on peut lire que « seules les journées sans solde font perdre l’admissibilité » à la prime de 15 000 $ offerte aux infirmières qui acceptent un poste à temps complet. Il est ensuite précisé « qu’une seule journée sans solde suffit à provoquer cet effet ».

Dans un communiqué, le MSSS a réitéré que « la seule circonstance où il y aura une perte d’admissibilité à ces montants [forfaitaires], qui entraînera une demande de remboursement, est en cas de congé sans solde ».

Mais, on a ajouté la précision suivante : « Par exemple, un travailleur de la santé qui ne rentre pas au travail sans un avis au préalable ni une raison valable n’aura pas sa prime. » Le MSSS dit vouloir encadrer « ce type de comportement ».

M. Dubé a martelé jeudi qu’il est « faux » de prétendre « qu’une infirmière pour une journée de retard, une journée d’absence, va perdre la prime de 15 000 $ ».

La prime de 15 000 $ par infirmière doit être payée en deux versements. Un premier à la signature de son engagement et le second, au terme des 12 mois obligatoires à temps complet. Cette deuxième portion de la somme sera payée au prorata du temps travaillé.

« Les absences maladie court ou long terme, les congés de maternité et les absences pour visite de grossesse n’affecteront pas l’admissibilité aux montants », écrit le Ministère. Sauf que ces absences n’étant pas du temps travaillé, elles ne seront pas comptabilisées dans les sommes versées après un an. Reste que l’employé aura droit quand même à la prime au prorata du temps travaillé.

« Il serait donc faux d’insinuer que ces absences entraîneront une révocation de la prime de 15 000 $, au même titre que quelqu’un qui arrive en retard au travail », ajoute-t-on.

Nul besoin d’un arrêté ministériel, dit la FIQ

Un éclaircissement qui est loin d’avoir calmé les inquiétudes de la FIQ, qui s’oppose à l’arrêté ministériel « dans son ensemble ». Le syndicat ne se dit pas contre le fait que le gouvernement verse des bonis aux infirmières, mais on dénonce « la façon dont cela a été fait ». Selon eux, il n’avait nul besoin d’un arrêté ministériel pour les mettre en œuvre.

« On parlait d’une passerelle avec ces incitatifs-là avant l’entrée en vigueur de notre convention collective », rappelle Mme Lévesque. Mais selon le syndicat, les mesures de l’arrêté viennent plutôt le « contraindre » dans les articles du nouveau contrat de travail, qui a été signé au début d’octobre. La FIQ dit ne pas avoir été consultée dans l’élaboration des conditions pour être admissible aux primes.

De son côté, le ministre a rappelé qu’un « changement de culture, c’est de mettre de côté ce climat de confrontation ». Il a dit que « le syndicat, comme le Ministère, doit faire un effort ».

Cela survient alors que le ministre publie sa mise à jour de ses efforts de recrutement dans le réseau de la santé. Au dernier bilan, 2164 infirmières (+ 408 par rapport à la semaine dernière) prêteront main-forte dans le réseau, dont 83 (+ 25) étaient à la retraite, 453 (+ 102) proviennent de l’externe et 1628 (+ 281) ont accepté un rehaussement de poste à temps complet. Par ailleurs, des discussions sont en cours avec les établissements pour le recrutement de 2800 candidats potentiels (+ 400).

Ils ont dit

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Marie Montpetit, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de santé

Le premier ministre nous parle de changement de culture, de meilleures conditions de pratique, mais met des conditions en place qui sont totalement inadmissibles.

Marie Montpetit, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de santé

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Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire

Qu’est-ce que c’est ça, cet État qui, d’une main, semble nous dire qu’il prend soin des femmes et de l’autre main, met des conditions qui, dans le fond, sont totalement inacceptables ?

Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire

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Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Il y a quelque chose qui ne tient pas, mais qui est surtout le mauvais signal alors qu’on tente de dire aux infirmières : revenez, vous allez voir, le milieu de travail a changé. Moi, je ne comprends pas cette décision-là.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois