Des « absences imprévues » combinées à de nombreux départs dans les dernières semaines ont rendu inévitable la fermeture des urgences de l’hôpital de Gatineau vendredi soir, selon le CISSS de l’Outaouais. Des effectifs ont été transférés à l’hôpital de Hull dans l’intervalle, afin de continuer à offrir des services.

« C’est une décision majeure et je suis très consciente de l’impact pour la population », a affirmé d’emblée la PDG du CISSS, Josée Filion, en point de presse samedi matin.

Elle réagissait à la fermeture des urgences de l’hôpital de Gatineau, annoncée vendredi, qui restera en vigueur au moins jusqu’au 28 juin à 16 h. « On a eu plusieurs départs dans les dernières semaines. Ce sont des choix personnels. Et il y a eu des absences imprévues ajoutées à l’agenda [vendredi] soir qui ont fragilisé encore davantage notre situation d’urgence », a insisté Mme Filion.

Ça devenait insoutenable. Il nous manquait plus d’une vingtaine de présences pour passer à travers la fin de semaine, surtout des infirmières avec une expertise pour les secteurs de triage et de réanimation.

Josée Filion, PDG du CISSS de l’Outaouais

Au total, 14 personnes ont quitté la salle des urgences de Gatineau dans les deux dernières semaines. De ce nombre, trois ont quitté le CISSS « pour aller en Ontario ou ailleurs, à Montréal par exemple ». « Pour les autres, on parle vraiment de mouvements à l’interne, donc de gens qui ont obtenu des postes dans les programmes jeunesse, en soutien à domicile, au soutien à l’autonomie, etc. », a dit la PDG.

D’ici lundi, toutes les ambulances seront « détournées » vers les autres urgences de la région, principalement celles de Buckingham et de Hull. « Notre intention n’est pas de fragiliser les autres urgences », a promis Josée Filion, en reconnaissant que les taux d’occupation – frisant les 120 % à Hull – sont déjà importants. Le CISSS aura recours à des agences de placement au besoin, et pourrait demander à des professionnels d’autres secteurs de venir prêter main-forte.

Découragement, épuisement

Le Syndicat des professionnelles en soins de l’Outaouais (SPSO) avait proposé cette semaine de fermer les urgences la nuit jusqu’en septembre, ce que le CISSS avait refusé de faire. Mme Filion avait alors soutenu qu’il n’était pas question de fermer les urgences de l’hôpital de Gatineau.

« On a dit dès le début de la semaine à l’employeur qu’on allait foncer dans le mur. Le personnel était découragé et épuisé. Mais rien n'a vraiment été fait. En fin de compte, on a préféré vider un service plutôt que trouver une solution pour offrir un milieu de vie normal aux employés », fustige le représentant syndical, Louis Carpentier.

Pour lui, le cœur du problème est que le CISSS « fonctionne avec une approche de gestion des risques ». « Autrement dit, l’employeur met toujours le minimum de personnel en espérant qu’il ne se passera rien. Mais on est à l’urgence. La réalité est très différente. On ne peut pas se faire prendre les culottes baissées. Et la tolérance des employés a une limite aussi », fait-il valoir.

Il faut que la direction change sa philosophie. À court terme, il pourrait aussi y avoir une prime incitative aux heures supplémentaires. On aurait peut-être un peu plus de gens voulant contribuer.

Louis Carpentier, porte-parole du SPSO

Sortir des sentiers battus

Les problèmes de manque de personnel ne datent pas d’hier en Outaouais. En septembre dernier, le service des soins intensifs de l’hôpital de Gatineau avait dû se mettre sur pause, après que des infirmières eurent refusé de se présenter au travail pour protester contre ce manque de personnel.

Comme en avril dernier, le CISSS craint de devoir procéder à des activités de délestage dans les prochains jours pour pouvoir rouvrir les urgences. « On devra faire des choix difficiles », a illustré Mme Filion.

Pour la Dre Marie-Hélène Folot, cheffe du service des urgences de l’Outaouais, la situation illustre qu’il faut « changer nos façons de fonctionner ». « Les infirmières sont en pénurie partout, et on va certainement en recruter, mais ce qu’on veut, c’est aussi changer nos façons de fonctionner », a-t-elle expliqué samedi.

« On est en train de penser à intégrer des infirmières praticiennes spécialisées, des paramédics, bref, à sortir des sentiers battus. On est aussi en train d’intégrer un médecin au triage. [Vendredi] soir, c’est ce qu’on a fait à Gatineau. Le médecin ne se substitue pas alors à l’infirmière, mais il la suit. C’est quelque chose qui se fait beaucoup en Ontario », a souligné la Dre Folot. Elle précise que les médecins « qui peuvent travailler en salle d’urgence » ont été transférés à l’hôpital de Hull en bonne partie. Un médecin demeure toutefois à Gatineau « pour assurer la sécurité des patients encore [en observation]. »

Au cabinet du ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, on indique que « toutes les options ont été analysées avant d’en venir à cette conclusion, qui ne satisfait pas le ministre ». « Le mot d’ordre est clair : les urgences doivent rouvrir le plus rapidement possible, et les équipes y travaillent sans relâche. Entre-temps, aucun patient ne sera laissé pour compte », affirme l’attachée de presse de M. Dubé, Marjaurie Côté-Boileau.