Depuis cinq ans, le phénomène de l’achat de places et de services à domicile par le réseau de la santé dans les résidences privées pour aînés (RPA) ne cesse de s’accroître, montre une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).

Dans une étude réalisée par Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS, on démontre que les CIUSSS et les CISSS du Québec ont dépensé près de 200 millions de dollars au cours des cinq dernières années pour acheter des places et des services à domicile en RPA.

Dans certains établissements, l’accroissement des sommes consacrées à l’achat de places est très important. Une augmentation de 6000 % au CHUS de l’Estrie, de 288 % au CISSS de la Montérégie-Centre, de 206 % en Montérégie-Ouest, de 138 % au CISSS du Bas-Saint-Laurent. L’achat de services à domicile par le réseau de la santé aux mêmes RPA suit la même courbe. « C’est clairement une tendance en augmentation », dit Mme Plourde.

Manque de places

L’achat de places en RPA est directement lié au manque de places en CHSLD et dans les résidences intermédiaires. Des pratiques qui devaient au départ être réservées aux urgences, mais qui semblent s’étendre dans le réseau. « Une solution de dernier recours, qui semble de plus en plus normalisée dans les pratiques », résume la chercheuse dans son étude.

L’an dernier, une enquête de La Presse a démontré que le réseau de la santé achetait pas moins de 10 000 places en RPA pour des aînés auxquels on était incapables de fournir une place dans le réseau d’hébergement public. Les listes d’attente en CHSLD affichent 3000 noms à l’échelle du Québec. Des milliers de personnes sont également en attente pour une place en résidence intermédiaire.

L’achat de places a « explosé », convient le PDG du Regroupement des résidences privées pour aînés, Yves Desjardins. « Pendant des années, on n’a pas eu de construction [de CHSLD]. Il y a eu un retard incroyable qui s’est pris ! »

Soins à domicile

La recherche de Mme Plourde montre également que le réseau a aussi commencé, au cours des dernières années, à acheter des services de soins à domicile aux mêmes résidences privées pour aînés. La RPA fournit les services à domicile à ses résidants, payés par le réseau public.

Or, les résidants de RPA ont également droit à un crédit d’impôt pour les services dispensés par la résidence et une partie du loyer des résidants de RPA est admissible comme dépense dans ce calcul fiscal. La part de ce crédit d’impôt accordée à des résidants de RPA s’élève à près de 80 % du total de la mesure fiscale, soit plus de 500 millions de dollars par an.

Depuis la fin de 2020, le gouvernement Legault a bonifié à deux reprises les sommes accordées aux soins à domicile. Tout récemment, on a annoncé un réinvestissement de 750 millions sur cinq ans. En 2020, à l’échelle du Québec, pas moins de 13 000 personnes étaient en attente de services à domicile, toutes clientèles confondues. La moitié attendait depuis plus de trois mois.