(Québec) Sommé de redresser la barre dans les CHSLD privés, le gouvernement Legault décide de payer une augmentation de salaire aux infirmières qui travaillent dans la quarantaine d’établissements de ce type. Cette mesure estimée à 7,3 millions est un pas vers une « harmonisation de la qualité des soins » dans l’ensemble des CHSLD, publics et privés, soutient-il.

Québec est sur la sellette cette semaine après le dépôt d’un rapport d’enquête commun de trois ordres professionnels qui vise en particulier les CHSLD privés non conventionnés comme le CHSLD Herron.

Le Collège des médecins du Québec (CMQ), l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) et l’Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec (OIIAQ) recommandent au gouvernement de se doter de leviers juridiques pour y assurer un contrôle de la qualité des services. Sinon, il doit retirer les permis à ces CHSLD privés et les intégrer dans le réseau des CHSLD privés conventionnés.

Dans une lettre ouverte publiée en même temps que leur rapport, ils incitent le gouvernement à « se donner les moyens nécessaires pour garantir le même niveau de qualité de soins à tous les aînés en CHSLD ». Les partis de l’opposition ont talonné le gouvernement sur le sujet cette semaine.

Première réponse à ce rapport, Québec crée un programme d’aide financière pour que les CHSLD privés offrent aux infirmières des taux horaires concurrentiels par rapport aux autres centres d’hébergement.

Pour bien comprendre le dossier, il faut savoir qu’il existe un écart entre le financement des CHSLD privés conventionnés (environ 80 000 $ par année par place), qui doivent offrir un niveau de services et de qualité semblable à celui du réseau public, et celui des CHSLD privés non conventionnés (environ 65 000 $), qui sont quant à eux plus autonomes. Les subventions ne sont pas les mêmes, et les salaires du personnel sont à l’avenant.

Avec l’annonce du gouvernement, le salaire horaire de base atteindra entre 23,07 $ et 28,98 $ pour une infirmière technicienne dans les CHSLD privés non conventionnés. Il se situera entre 21,65 $ et 25,55 $ pour une infirmière auxiliaire. Le taux est fixé en fonction du nombre d’années d’expérience reconnues. Cela exclut la « prime COVID » de 8 %, en vigueur dans l’ensemble des CHSLD pour la durée de la pandémie.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés

On veut moins de roulement de personnel. On veut beaucoup plus de stabilité. On veut que les CHSLD privés fassent moins affaire avec les agences de placement.

Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés, en entrevue

À l’heure actuelle, le salaire des 800 infirmières de ces 40 CHSLD varie d’un établissement à l’autre, et certaines gagnent déjà un taux horaire semblable à celui prévu dans le programme gouvernemental, selon elle. Québec calcule que la moitié de ces infirmières, soit 400, bénéficieront de la mesure. Un calcul simple permet de conclure qu’elles auront droit en moyenne à 18 250 $ supplémentaires. La mesure est rétroactive au 28 février.

Dans le réseau public, les infirmières gagnent entre 24 $ et 39 $ l’heure ; les infirmières auxiliaires, entre 22 $ et 30 $.

Conversion des CHSLD non conventionnés

Québec dit prendre des moyens pour s’assurer que l’aide financière finisse bien dans les poches des infirmières et non dans celles des propriétaires. Pour être admissible au programme, un CHSLD privé devra avoir une entente avec ses employés ou leurs représentants syndicaux, selon le cas.

C’est une « mesure transitoire », en vigueur jusqu’à ce qu’un CHSLD privé soit conventionné, précise la ministre Blais. Québec veut conventionner la moitié de ces établissements – donc environ 20 – d’ici deux ans.

Il faudra quelques années de plus pour que tous les établissements soient convertis ; certains ont des contrats avec le gouvernement d’une durée de 15 ans, ce qui complique l’opération.

Marguerite Blais signale que la reddition de comptes sera alors plus importante. D’ici là, qu’exigera-t-on de plus de ces CHSLD pour assurer la qualité des soins ? « Vous me posez une excellente question. Je ne peux pas vous répondre aujourd’hui », dit-elle. Elle rappelle tout de même qu’elle vient de modifier une loi afin que les commissaires aux plaintes des CISSS et des CIUSSS aient compétence dans les CHSLD privés.

Par ailleurs, Marguerite Blais signale que la prime hebdomadaire en vigueur pendant la pandémie pour les préposés aux bénéficiaires des CHSLD privés non conventionnés sera rehaussée, comme ç’a été le cas pour leurs homologues du réseau public. La prime passera de 100 $ à 139,75 $ par semaine. La mesure est rétroactive au 13 septembre.

Il faudra faire le suivi de cette annonce. En effet, en mars 2019, Québec avait annoncé une enveloppe de 30 millions de dollars pour rehausser le financement des CHSLD privés non conventionnés. Au moment où la pandémie a été déclarée, environ un an plus tard, seule « une partie » de cette somme avait réellement été versée, comme le reconnaît la ministre elle-même.