La pandémie de COVID-19 a braqué les projecteurs sur les soins dispensés aux aînés. Avec raison : d’ici 2030, le quart de la population du Québec aura plus de 65 ans, et au rythme où les services se développent, on se dirige « droit dans un mur », estiment plusieurs experts. Pour eux, le Québec, qui fait piètre figure en matière de soins à domicile, doit décupler les services dispensés aux aînés. On devra aussi aller bien au-delà des seules maisons pour aînés, qui seront loin de répondre à la demande. Une enquête de Katia Gagnon et d’Ariane Lacoursière.

« Les soins à domicile, une farce »

Pendant près de deux ans, la famille de Georges Vincent a cherché à obtenir des services à domicile afin de maintenir le vieil homme, atteint de la maladie d’Alzheimer, chez lui jusqu’à la fin. Georges Vincent ne les a jamais obtenus, ces services. Il est mort en 2017 des suites d’une chute, en attente d’une place en CHSLD. Il était hébergé dans une place « achetée » par le réseau public dans une résidence privée, qui ne convenait pas du tout à ses besoins.

Son cas, pathétique, illustre tout ce qui ne va pas en matière de soins à domicile au Québec. Et les données brutes montrent que si on n’agit pas rapidement, les cas comme le sien ne tarderont pas à se multiplier.

PHOTO JOHN TAGGART, BLOOMBERG

Le nombre d’aînés desservis par le réseau de la santé en soins à domicile n’atteint même pas les niveaux d’il y a huit ans.

Malgré l’augmentation de 234 millions de dollars, entre 2015 et 2019, des dépenses du principal programme qui s’adresse aux aînés en perte d’autonomie, le nombre d’aînés desservis par le volet soins à domicile du programme de Soutien aux aînés en perte d’autonomie (SAPA) n’atteint même pas le niveau de clientèle qu’on observait en 2012. En 2018-2019, les dernières données disponibles, on en était à 186 000 aînés desservis par ce programme, comparativement à 194 000 il y a huit ans. À l’échelle du Québec, toutes clientèles confondues, 13 000 personnes sont en attente de services pour des soins à domicile, dont plus de la moitié depuis plus de 90 jours, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le gouvernement Legault estime cependant avoir réinvesti dans ce secteur, et prévoit qu’en 2021, c’est 1,6 milliard de dollars qui seront consacrés aux soins à domiciles pour les aînés. Mais force est de constater que le Québec a du chemin à rattraper : en 2017, à 1,3 % du produit intérieur brut (PIB) investi dans les soins de longue durée, la province n’atteignait pas la moyenne des pays de l’OCDE (1,7 %). Sans parler des pays précurseurs, comme le Danemark, qui y investissaient 2,5 % de leur PIB en 2017.

Pourtant, la population des gens âgés de plus de 65 ans est en constante croissance au Québec, l’un des endroits dans le monde les plus touchés par le vieillissement de la population. En 2018, les aînés constituaient 15 % de la population. En 2030, ils représenteront près de 26 % de la population.

« Une armée manquante »

Les services à domicile constituent « une armée manquante au Québec » pour s’occuper de ces aînés, résumait le chercheur Guillaume Hébert, de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), dans une note rédigée en 2017. En utilisant les profils de soins des usagers partout au Québec, qui établissent le nombre d’heures de services requis, le chercheur a calculé que le Québec, en donnant 25 millions d’heures de services, ne répondait qu’à 7 % des 300 millions d’heures dont les usagers avaient besoin. Compte tenu que 26 % des aînés québécois ont une limitation légère ou modérée, et constitueraient donc la clientèle théorique des soins à domicile, 100 000 personnes âgées ne recevraient pas les soins auxquels elles auraient droit, estimait-il en 2017.

« Le soutien à domicile, c’est l’avenir du réseau de la santé, indique Élizabeth Lemay, porte-parole de la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, par courriel. Le gouvernement y croit fermement. C’est pourquoi nous sommes le gouvernement ayant investi le plus dans cette voie, avec un financement récurrent de plus de 380 millions de dollars depuis notre arrivée au pouvoir. » La ministre Blais a décliné notre demande d’entrevue. Au Ministère, on récuse vivement les chiffres de Guillaume Hébert, puisque ces possibles usagers peuvent ne pas avoir fait de demande de services au réseau de la santé, ou alors bénéficier de l’aide d’un proche aidant.

« On s’en va droit dans un mur », rétorque l’ex-ministre de la Santé Réjean Hébert, qui avait créé le régime d’assurance autonomie, mort au feuilleton avec le déclenchement des élections de 2014. « C’est insoutenable de continuer comme on le fait actuellement. »

Ce mur, Georges Vincent l’a percuté de plein fouet. La quête de sa famille pour des soins à domicile a commencé à l’automne 2015. « Le souhait de ma mère, c’était de garder mon père chez lui le plus longtemps possible. Et tout le monde nous disait que c’était possible, qu’il y avait des ressources », raconte son fils, Roland Vincent.

Une évaluation est d’abord réalisée par le Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), car M. Vincent habite à Gatineau.

Un an plus tard, un travailleur social est chargé du dossier.

PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, LE DROIT

Roland Vincent

Pendant tout ce temps-là, mon père a continué à dépérir. Il dormait toute la journée et le soir, il se levait, il errait, il hurlait. Ma mère n’avait pour tout service, à ce moment-là, qu’un bain par semaine. Et une personne pour lui couper les ongles.

Roland Vincent

En janvier 2017, soit deux ans après l’évaluation de départ, M. Vincent obtient enfin un plan de services. Il aura droit à un suivi cinq matins et cinq soirs par semaine. La mère de M. Vincent aura également droit à six heures de gardiennage hebdomadaires. Une ergothérapeute se rend chez Georges Vincent. « Ils nous ont dit qu’ils allaient nous fournir les équipements. »

Le hic, c’est que ces promesses ne se sont jamais matérialisées. Jamais M. Vincent n’a obtenu les services à domicile auxquels il avait droit. « Les services à domicile, en Outaouais, ça sort au compte-gouttes, résume son fils. Le travailleur social nous a dit d’appeler. Plaignez-vous. Ce sont les gens qui jappent le plus fort qui ont des services. »

L’année 2017 avance, et Georges Vincent ne va pas mieux. Il commence à chuter. « Il fait des séjours à l’hôpital, il est retourné à la maison, même si tout le monde s’entend qu’il doit être placé puisqu’on n’est pas capables de lui fournir des soins à domicile. Tout ce qu’on nous dit, c’est : “Il est premier sur la liste d’attente.” »

PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, LE DROIT

Georges Vincent

En avril 2017, après une nouvelle hospitalisation, faute de place en CHSLD, Georges Vincent finit par être placé dans une place achetée, à la Résidence de l’Île. Les soins dont il a besoin sont assurés par l’agence OptiNursing, qui doit assurer une surveillance constante du vieil homme.

Quatre mois plus tard, il meurt. « L’investigation a permis d’établir que la Résidence de l’Île n’est pas adaptée pour un type de clientèle comme M. Vincent », statue la coroner Pascale Boulay, qui sera appelée à se pencher sur son décès. En plus du rapport de la coroner, Roland Vincent nous a fourni nombre d’échanges de courriels avec divers services du CISSSO qui démontrent la véracité de ses dires.

« S’il avait eu des services à domicile, mon père serait resté à la maison. Il est mort seul, dans un environnement supposément sécuritaire. C’est à n’y rien comprendre, déplore son fils. Les soins à domicile, ç’a été une farce d’un bout à l’autre. »

« Une job à temps plein »

À 87 ans, après avoir fait deux AVC, le père de Minh-Phuong Nguyen a perdu énormément de son autonomie. Il est désormais paralysé du côté gauche. Il a besoin d’aide pour manger, aller aux toilettes, s’habiller. La femme de 60 ans, fonctionnaire municipale à la retraite, occupe donc depuis deux ans un nouvel emploi très prenant : s’occuper de son père. « C’est une job à temps plein », résume-t-elle.

Elle reçoit la visite d’une préposée matin et soir, qui fait une toilette rapide de son père et change la culotte d’incontinence qu’il porte la nuit. Une infirmière passe de temps en temps prendre sa tension artérielle et faire des prises de sang. Après un an d’attente, Mme Nguyen a finalement eu droit à des répits allant de trois à huit heures par semaine. Une entreprise d’économie sociale assure le ménage de son domicile. Et c’est tout.

Résultat : ses journées sont consacrées à prendre soin de son père. « Mon père ne peut rien faire seul. C’est sur moi que tout cela repose. »

Après que son père eut passé trois mois en réadaptation en 2018, on a demandé à la femme si elle souhaitait le placer en CHSLD. Sans hésiter, elle a répondu qu’elle l’accueillerait chez elle. « C’est une fois plongée dans l’eau chaude que j’ai réalisé dans quoi je m’étais embarquée. Tous les jours, je prie pour avoir l’énergie de continuer parce que parfois, je me sens épuisée, dit-elle, la voix tremblante. Mais pendant la pandémie, quand j’ai vu ce qui se passait dans les CHSLD, je me suis dit que j’avais pris la bonne décision. »

« Un foutoir total »

À l’autre bout du Québec, Julie et Maxime sont plongés dans ce qui reste encore, pour le commun des mortels, un véritable labyrinthe administratif. Julie et Maxime nous ont demandé de garder leur identité confidentielle, car Julie travaille dans le réseau de la santé et craint les représailles si elle raconte publiquement son histoire.

Il y a trois ans, le couple prend la décision de construire une maison bigénération avec une parente de 86 ans, qui vivait seule dans un condo. Trois mois après son arrivée dans sa nouvelle maison, la dame reçoit un diagnostic d’alzheimer. « Le but, c’était qu’elle reste avec nous le plus longtemps possible », explique Julie. « On vivait dans un monde de licornes, dit Maxime. Disons que notre bulle a pété ! »

« On a fait des demandes au CLSC pour avoir des services. Et c’est là que ça devient très complexe », déplore Maxime.

Il y a des gens du CLSC, des groupes communautaires et aussi des organismes privés qui dispensent des services, et ces services sont très inconstants. C’est un bordel aléatoire où vous devez sélectionner les services un à un. Ça fait trois ans qu’on est là-dedans, et on ne comprend pas encore comment ça marche. C’est un foutoir total !

Maxime

Dans un monde idéal, cette parente aurait la visite d’un préposé le matin, pour la lever et la laver, le midi, car elle a besoin de stimulation pour manger, et le soir, pour le coucher et la culotte d’incontinence. Et à quoi ont-il droit, dans la réalité ? À cinq visites par semaine le matin et à quatre soirs, du lundi au jeudi. « Et ils annulent une fois sur quatre », souligne Maxime. Le couple n’a eu droit qu’à deux services de répit en trois ans.

« À se débattre dans le système, on constate que c’est bien plus facile de la mettre en CHSLD, soupire Julie. On a d’ailleurs senti beaucoup de pression du système : mais pourquoi vous ne la placez pas ? Mais quand est-ce qu’on a décidé au Québec qu’un placement en CHSLD, c’était mieux que de rester chez soi ? »

Un portrait décourageant

Combien d’usagers ?

À l’échelle du Québec, en 2020, 369 000 personnes reçoivent des services à domicile du réseau de la santé. Ce chiffre a augmenté de 25 % depuis 15 ans. De ce nombre, 282 000 personnes bénéficient de soins de longue durée. Mais tous ces gens ne sont évidemment pas des aînés : on y retrouve notamment 84 000 patients atteints d’un handicap physique, de déficience intellectuelle ou d’autisme. Les experts estiment que les aînés qui reçoivent des soins de longue durée se retrouvent en règle générale dans le volet de soins à domicile du programme de Soutien à l’autonomie des personnes âgées. Là, le nombre d’usagers a atteint un sommet au Québec en 2012-2013, avec 194 000 aînés desservis chez eux. Ensuite, une glissade s’est amorcée : le nombre d’usagers a diminué jusqu’à 176 000 en 2015. Depuis, on rattrape tranquillement la chute. On est passé à 181 000 usagers desservis en 2017, puis à 186 000 l’an dernier. Il faut ajouter à ce chiffre les 70 000 usagers aînés desservis par les services d’entreprises d’économie sociale, qui assurent notamment de l’aide à la vie domestique, selon les chiffres du Réseau des entreprises d’économie sociale en aide à domicile. Mais comme les deux clientèles peuvent se recouper, on ne peut pas additionner ces deux chiffres.

« Le modèle, c’était le CLSC comme porte d’entrée du système de soins à domicile. Or, ça ne fonctionne pas du tout. On est dans un contexte où c’est devenu un système de débrouille individuelle : on a laissé les vieux et leurs proches se débrouiller. C’est vrai que les budgets augmentent, mais pas assez pour répondre aux besoins. On est tellement en retard ! Et le domicile, c’est invisible, contrairement aux CHSLD… », dit Michèle Charpentier, professeure à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal, qui a mené de nombreuses études sur la population aînée du Québec.

Combien d’argent ?

Les dépenses dans le volet soins à domicile du programme de Soutien à l’autonomie des personnes âgées sont clairement à la hausse depuis 2010 : ils sont passés de 550 à 992 millions. En 2018-2019, les dépenses de soutien à domicile représentaient le quart du budget total de près de 4 milliards du SAPA, qui est aussi voué à l’hébergement, donc au financement des CHSLD. Le gouvernement prévoit que ce pourcentage grimpera à 33 % pour la prochaine année budgétaire. Le ministère de la Santé estime cependant qu’on retrouve aussi une partie de gens âgés dans les budgets consacrés aux soins à domicile en général, mais on est incapable d’isoler cette dépense. Le gouvernement caquiste dit avoir investi pas moins de 380 millions de plus dans les soins à domicile en général depuis son arrivée au pouvoir. Malgré la stagnation du nombre d’usagers de soins à domicile au sein du programme SAPA, on constate effectivement que le nombre d’interventions par usager et d’heures de service n’a jamais cessé de grimper : en 15 ans, elles ont pratiquement triplé. « Les usagers sont davantage évalués. Cela signifie qu’ils reçoivent des services mieux adaptés à leurs besoins, avec une intensité plus importante », indique Robert Maranda, porte-parole du ministère de la Santé.

« En 2013, j’ai augmenté le budget des soins à domicile de 110 millions. J’ai voulu voir l’impact sur les services. J’ai été en mesure, dans une région, en compilant des bases de données, de démontrer que les services n’avaient pas du tout augmenté. Au contraire, ils avaient diminué ! Cet argent, il est allé ailleurs, dit Réjean Hébert, ancien ministre de la Santé et père de l’assurance autonomie, morte au feuilleton en 2012. La formule de financement est viciée, les budgets vont au plus pressant, et c’est souvent l’hôpital. »

Comment se compare-t-on ?

En 2017, les pays de l’OCDE consacraient en moyenne 1,7 % de leur PIB aux soins de longue durée pour aînés. Les soins de longue durée, cela inclut les soins à domicile, mais aussi l’hébergement. La même année, le Canada se situait donc sous cette moyenne, avec 1,3 %. Et au Québec ? À 1,3 % du PIB, le Québec se situe exactement dans la moyenne canadienne, mais encore loin de la moyenne de l’OCDE, et encore plus loin des pays précurseurs en la matière, comme le Danemark, qui, en 2017, investissait pas moins de 2,5 % de son PIB dans les soins de longue durée. Les deux tiers de cette somme étaient consacrés aux soins à domicile. Au Québec, on consacre environ 25 % des sommes dévolues aux aînés aux soins à domicile, comparativement à 75 % pour l’hébergement.

« Au Canada, on est pingres sur la prise en charge des personnes âgées. On donne le minimum. Mais on ne va pas laisser un monsieur de 80 ans qui souffre de démence être dehors tout seul. Alors on construit des CHSLD. De plus en plus gros, où on a taylorisé le travail au maximum. Le résultat, c’est ce qu’on voit maintenant », dit Michel Clair, qui a présidé la Commission d’étude sur les services de santé, au début des années 2000.

Les ravages de la pandémie

Maureen Brennan a 72 ans. Depuis près de 10 ans, elle vit avec la sclérose en plaques. Elle se déplace à l’aide d’un déambulateur. Tout le côté gauche de son corps est très faible. Mme Brennan fait livrer son épicerie et se débrouille pour cuisiner seule. Mais depuis plusieurs années, elle reçoit l’aide d’une préposée de la Coopérative de soutien à domicile de Laval, qui fait son ménage et change ses draps, à raison de deux visites par mois.

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Maureen Brennan vit avec la sclérose en plaques depuis près de 10 ans.

Sauf pendant la première vague de la pandémie. Pendant quatre mois, de mars à juillet, Mme Brennan n’a eu personne pour faire son ménage et lui faire un lit avec des draps propres. Son trois pièces et demi était dans un état épouvantable, témoigne-t-elle.

« C’était terrible, ici, raconte-t-elle. La poussière s’accumulait, et en plus, j’ai un chat, alors il y avait des poils de chat partout… Ça a été très, très long pour moi, cette période. Quand ils ont rappelé pour dire qu’ils revenaient, j’ai remercié Dieu. »

Maureen Brennan a été l’un des milliers de clients des entreprises d’économie sociale qu’on a laissés tomber pendant les premiers mois de la pandémie. Faute d’être considérées comme des services essentiels, les entreprises d’économie sociale ont en effet dû mettre à pied pas moins de 4000 préposés aux bénéficiaires. La moitié du personnel.

Quand une personne âgée n’est pas capable de laver sa vaisselle ou de faire son ménage, c’est l’insalubrité qui guette. Ça a pris beaucoup de temps avant que le ministère de la Santé réalise ça. Et une fois qu’ils l’ont réalisé, il était trop tard : nos préposés étaient partis sur la Prestation canadienne d’urgence !

Benoît Caron, directeur général du Réseau des entreprises d’économie sociale d’aide à domicile

« Lorsque c’était essentiel et nécessaire pour le maintien à domicile de l’usager, les services étaient maintenus », dit Élizabeth Lemay, l’attachée de presse de la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais. Elle plaide que durant la première vague, le gouvernement faisait face à un virus qu’on connaissait mal et n’a pas voulu mettre en danger une population vulnérable.

« Ça nous a bouleversés de devoir laisser une partie de notre clientèle complètement seule pendant trois mois, alors que ce sont en majorité des femmes à faibles revenus. C’était inadmissible, réplique Benoît Caron. Quand j’y pense, je suis encore en colère. Les services à domicile au Québec, ça n’existe vraiment pas à la hauteur de ce que ça devrait être. »

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Le Dr Réjean Hébert, ex-ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre responsable des Aînés de 2012 à 2014, croit que rien ne changera pour les personnes âgées vulnérables laissées à elles-mêmes tant qu’on ne changera pas du tout au tout le mode de financement des soins à domicile.

Rupture de services majeure

Personne ne peut être plus en accord avec cela que Réjean Hébert, qui a milité toute sa vie pour la mise sur pied d’un régime d’assurance autonomie. Il estime lui aussi que la COVID-19 a causé une rupture de services majeure, et provoqué des ravages encore insoupçonnés. Avec d’autres experts et organisations, il a d’ailleurs créé la Coalition COVID-19 afin de donner une voix à ces personnes vulnérables, « abandonnées pendant la première vague ».

« Pendant la pandémie, ça a été une catastrophe. Les soins à domicile ont été stoppés par l’État et les organisations sans but lucratif ont en partie arrêté de fonctionner. Des centaines de nouvelles demandes n’ont pas pu être traitées. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’on va avoir encore plus de personnes qui vont devoir s’en aller en CHSLD parce qu’on ne leur a pas donné de soins. Bref, on a fabriqué des milliers de personnes qui vont s’en aller en hébergement faute de services pendant la pandémie », dit-il.

« En termes de détresse, ça a été aigu, acquiesce Michèle Charpentier, professeure à l’École de travail social de l’UQAM. Le CHSLD, c’est 3 % des aînés du Québec. Tous les autres, qui sont invisibles, c’est clair qu’on les a oubliés. »