(Québec) François Legault a confirmé mardi qu'une infirmière qui a tenu des propos racistes à l'égard d'une femme atikamekw, qui est depuis décédée à l'hôpital de Joliette, a été congédiée. Le premier ministre a également confirmé que le CISSS de Lanaudière menait une enquête, ce qui s'ajoute à l'enquête du coroner.

Les réactions se multiplient mardi au lendemain de la publication d’une vidéo choquante montrant Joyce Echaquan, une femme atikamekw, qui est victime de racisme par du personnel soignant depuis son lit d'hôpital. Tous les partis politiques à Québec ont unanimement dénoncé mardi les propos qui ont été tenus.

« Je pense qu'il y a du racisme au Québec [et qu'il] faut combattre ce racisme. L'infirmière, ce qu'elle a dit, c'est totalement inacceptable. C'est raciste, elle a été congédiée », a dit M. Legault en point de presse au parlement.

« Nous voulons savoir ce qui s’est produit. Une enquête est actuellement en cours afin de faire la lumière sur ce drame. (...) Quels que soient les résultats de cette enquête, les propos entendus sont inacceptables et intolérables », a également fait savoir la ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie d’Amours, dans une déclaration transmise à La Presse.

« C’est inacceptable qu’un être humain au Québec vive cette situation et meurt dans l’indifférence comme ça. Jamais je n’accepterai ça », a-t-elle ajouté lors de la période des questions.

« Venez me chercher »

Dans une vidéo publiée en direct sur Facebook lundi, peu avant sa mort, Mme Echaquan crie au désespoir et dit : « Venez me chercher. Quelqu’un… Venez me chercher ».

La mère de sept enfants s’est rendue à l’hôpital de Joliette jeudi dernier pour des douleurs à l’estomac. Elle est depuis décédée. Avant sa mort, elle s’est filmée, attachée à sa civière. Vers la fin de la vidéo de sept minutes, des infirmières ou des préposées viennent s’occuper d'elle. On peut les entendre proférer des propos insultants.

« Je pense que tu as de la misère à t’occuper de toi, on va le faire à ta place », dit une membre du personnel de soin.

« Esti d’épaisse de tabarnouche. […] Hey, t’es épaisse en câlisse », dit une autre.

« T’as fait des mauvais choix, ma belle. Qu’est-ce qui penseraient, tes enfants, de te voir comme ça ? […] C’est meilleur pour fourrer qu’autre chose », poursuit-elle en s’adressant à la patiente.

Dénonciations unanimes

Le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), Ghislain Picard, n'a pu passer sous silence « ces événements choquants et scandaleux », alors que l'APNQL présente mardi son propre plan d'action pour lutter contre le racisme.

« Impossible pour moi de ne pas référer à des événements choquants, scandaleux d'hier et je fais référence au décès de Joyce Echaquan, une jeune femme atikamekw de Manawan, qui est morte à l’hôpital de Joliette dans des circonstances troublantes », a dit Ghislain Picard.

« Je ne sais pas si elle a été victime de mauvais traitements, mais je sais qu’elle a été victime de racisme par rapport aux infirmières qui avaient à en prendre soin. Dans cette vidéo, on entend clairement les infirmières insulter Joyce parce qu’elle est Atikamekw, parce qu’elle est autochtone. On y reconnaît des préjugés crasses qui continuent d’exister aujourd’hui, comme celui que nous ne payons rien et que nous vivons au crochet du gouvernement », a-t-il ajouté dans son allocution d'ouverture.

« C’est un autre cas d’une trop longue série de drames que vivent les Autochtones dans les services publics. Le racisme est présent, il est partout dans les services publics, dans les hôpitaux, les services policiers, dans les centres jeunesse et même dans les écoles. Ce racisme institutionnel a été documenté, analysé et a fait l’objet de plusieurs rapports », a poursuivi le chef Picard.

Le conseil de bande de Manawan a également réagi par communiqué. « Nous en avons assez de vivre du racisme auprès des services publics. Personne ne devrait être traité ainsi. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour que ces gestes ne soient plus jamais commis. J’offre mes condoléances aux familles et aux proches de notre consœur partie trop tôt », a déclaré le chef Paul-Émile Ottawa, par voie de communiqué.

« Combien de victimes faut-il pour que le gouvernement de François Legault réagisse et reconnaisse que le racisme systémique existe au Québec ? », a-t-il dénoncé.

Enquête du coroner et vérifications internes

Les partis d'opposition à Québec ont tour à tour vivement dénoncé mardi les propos qui ont été tenus à l'égard de Joyce Echaquan avant sa mort.

« Des employés de cet hôpital se sont permis des propos dégradants à son égard parce qu'elle est autochtone », a affirmé le chef par intérim du Parti québécois, Pascal Bérubé.

« Elle ne méritait pas ça. Personne ne mérite ça. Mais il y a un facteur aggravant. Je suis convaincu que ces propos ont été tenus parce qu'elle est autochtone. Et je condamne fortement ce qui s'est dit », a-t-il dit.

« À titre de députée de Joliette, j’offre mes condoléances à la famille de Joyce Echaquan et à la communauté de Manawan, qui reçoit ma solidarité face à ces événements extrêmement graves qui enragent et arrachent le [coeur] », a écrit sur Twitter la députée péquiste Véronique Hivon.

« Je ne peux que condamner les propos que j'ai entendus [et ce] de manière non équivoque. (...) J'ai trouvé ça particulièrement choquant de voir et d'entendre ces propos », a pour sa part dénoncé la cheffe libérale Dominique Anglade.

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a exprimé « sa colère et son amertume » sur Facebook. « Personne ne devrait mourir comme ça », a-t-elle écrit. « Le racisme, c'est dangereux. Parfois, ça peut même tuer. Je suis de tout coeur avec la famille de Joyce et la communauté de Manawan », a ajouté Mme Massé.

L’enquête du coroner visera à déterminer les causes du décès et réaliser une analyse toxicologique. Selon des informations obtenues par Radio-Canada de proches de la victime, elle aurait fait une réaction allergique à la morphine.

« Les événements choquants entourant la mort tragique de Joyce Echaquan doivent faire l’objet d’une enquête approfondie et complète », a écrit de son côté le ministre des Services aux Autochtones Marc Miller sur Twitter.

Ces événements surviennent alors que l’on célèbre l’anniversaire du dépôt du rapport de la commission Viens qui a conclu que les Autochtones sont victimes de discriminations systémiques dans les services publics québécois.