(Québec) Le Québec se prive de quelque 5000 psychologues prêts à réduire l’attente pour obtenir des soins de santé mentale en raison d’« un simple obstacle bureaucratique » que la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, « s’obstine » à ne pas lever, dénonce l’Ordre des psychologues du Québec.

« C’est complètement incompréhensible », lance la présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, Christine Grou, rencontrée à Québec, en marge de l’étude détaillée du projet de loi 43 qui autorisera les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) en santé mentale à poser un diagnostic comme le fait un médecin.

« Les IPS sont compétentes. C’est excellent, mais en santé mentale, elles sont 50. Là, vous avez 5000 professionnels qui sont capables de faire la même chose, a expliqué Mme Grou. Si la visée [de la ministre McCann] est d’élargir l’accès aux soins, elle a une occasion en or pour les services de santé mentale. »

Appuyé par le Collège des médecins et les trois partis de l’opposition à Québec, l’Ordre réclame que l’on profite du projet de loi 43 pour donner également aux psychologues le pouvoir d’établir un diagnostic.

Pour l’heure, ils ne peuvent que soumettre une « évaluation ». Or, c’est d’un diagnostic qu’un patient a besoin pour avoir accès aux services en santé mentale.

« Il n’y a pas une énorme différence entre évaluation et diagnostic, mais le diagnostic, c’est ce dont on se sert pour les assurances automobile ou pour la CNESST », illustre le député libéral André Fortin. « C’est comme ça qu’on va justifier notre absence à notre employeur. Tout ce monde-là doit donc voir un médecin », ajoute-t-il.

Le Collège des médecins en accord

Le Collège des médecins lui-même est d’accord pour partager ce pouvoir avec d’autres professionnels de la santé. Il appelle le gouvernement Legault à faire preuve d’« ouverture » et de « cohérence » dans le dossier.

Outre les psychologues, on demande que les sexologues et les conseillers d’orientation, avec attestation de formation, puissent aussi poser des diagnostics pour des troubles mentaux et sexuels afin d’arriver à désengorger le système.

L’Ordre estime que le gouvernement pourrait « facilement » introduire des amendements à son projet de loi pour modifier le Code des professions afin que le terme « évaluation » soit remplacé par « diagnostic ».

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UQAM

Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec

D’un gouvernement qui se réclame de son efficacité, d’une ministre qui dit vouloir vraiment élargir l’accès aux soins et services de santé, et qui dit vouloir travailler [particulièrement sur l’accès en santé mentale], je ne comprends pas qu’elle ne se saisisse pas de cette opportunité qui est sur un plateau d’argent.

Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec

Agir « dans les règles de l’art »

La ministre Danielle McCann a rejeté les trois amendements allant dans le sens des recommandations de l’Ordre et du Collège, déposés mercredi par André Fortin en commission parlementaire, mais elle a assuré avoir transmis les « demandes contenues dans ces amendements » à sa collègue de la Justice, Sonia LeBel.

« J’ai parlé avec la ministre de la Justice, elle va recevoir notre demande là-dessus. Il y a des travaux à faire, des consultations, il y a beaucoup d’implications et je pense qu’il faut faire les choses dans les règles de l’art. Cette question-là est très importante », a expliqué Mme McCann aux parlementaires.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE 

Danielle McCann, ministre de la Santé et des Services sociaux

« Il y a de l’ouverture, mais il faut réfléchir comme il faut et s’assurer d’avoir un bon consensus », a indiqué son attaché de presse, Alexandre Lahaie, jeudi.

« On ne comprend pas qui la ministre a besoin de consulter davantage », a souligné M. Fortin à La Presse, rappelant que l’Ordre et le Collège avaient soumis leur point de vue lors des consultations particulières sur le projet de loi 43, en novembre dernier.

« Une occasion manquée »

« On s’explique mal pourquoi elle n’a pas saisi l’occasion, à partir du moment où on lui a signifié cette ouverture-là, et qu’on se retrouve trois mois plus tard à dire que ça serait long, que ça prendrait des consultations […]. On va se retrouver avec une occasion manquée », a déploré le député du Parti québécois Joël Arseneau.

Il croit que Mme McCann pourrait « jouer un rôle de leadership plus grand » et mettre « les bouchées doubles » avec sa collègue Sonia LeBel. Le député solidaire Sol Zanetti estime lui aussi qu’il y a « plusieurs moyens d’agir vite », comme suspendre l’étude détaillée pour tenir une courte consultation, par exemple.

« Considérant l’accès aux soins de santé mentale qui est dramatique, je pense qu’on doit tout faire pour faciliter l’accès et aider les médecins qui deviennent le goulot d’étranglement », a-t-il fait valoir en entrevue.

Le projet de loi 43 viendra modifier la Loi sur les infirmières et les infirmiers afin de favoriser l’accès aux services de santé.