(Montréal) Une alimentation riche en sodium et en sucres libres condamne les enfants canadiens à des maladies chroniques à l’âge adulte, mais il est encore temps d’adopter des initiatives de santé publique pour renverser cette tendance, préviennent deux documents publiés jeudi par la Société canadienne de pédiatrie (SCP).

« On demande des changements au niveau des politiques gouvernementales, on recommande de taxer les breuvages avec des sucres ajoutés, ainsi que de limiter la quantité de sodium qu’on retrouve dans les produits », a résumé la présidente du comité de nutrition et de gastroentérologie de la SCP, la docteure Catherine Pound.

Plus précisément, la SCP réclame un droit d’accise d’au moins 20 % sur les boissons contenant du sucre ajouté ; l’utilisation des revenus ainsi obtenus pour financer des programmes pour une vie saine et active et améliorer l’accès à des choix d’aliments sains ; des cibles obligatoires de réduction du sodium dans l’industrie alimentaire ; la réglementation de la commercialisation des aliments riches en sodium aux enfants et aux adolescents ; et l’application de normes nutritionnelles à l’égard des aliments servis aux enfants dans les établissements publics, tels que les milieux de garde et les hôpitaux, et des aliments vendus dans les écoles.

« Il y a beaucoup de problèmes au niveau de la société en ce qui a trait à la prise de poids et à l’obésité, a ajouté la docteure Pound. La quantité de sucre que les gens ingèrent, ainsi que le sodium, peuvent mener à des problèmes de poids, qui peuvent mener évidemment à beaucoup de problèmes de santé chroniques. C’est vraiment un gros problème au Canada en ce moment.

« Deux tiers des adultes ont du poids en surplus, et un tiers des enfants entre les âges de 5 à 17 ans, ce qui va [mener] à une quantité de maladies chroniques assez impressionnante au cours des prochaines années. »

Une trop grande quantité de sodium rend les enfants vulnérables à des troubles de santé chroniques qu’on voyait auparavant surtout chez les adultes, tels que l’hypertension, le diabète de type 2 et l’obésité, prévient la SCP. Les boissons contenant du sucre ajouté ont tendance à être très caloriques et peu nutritives, ajoute-t-on ; elles sont elles aussi liées au surpoids et à l’obésité, ce qui entraîne de plus forts taux de diabète de type 2, de maladie cardiaque et de certains cancers.

« Tout ça commence de plus en plus jeune et c’est lié directement à l’alimentation », a lancé la docteure Pound.

Manque d’information

Les sucres libres sont ajoutés aux aliments et aux boissons, en plus d’être naturellement présents dans le miel, les jus de fruits et les sirops. Plusieurs parents ne réalisent donc tout simplement pas ce que contiennent les aliments qu’ils fournissent à leurs enfants.

« Les gens ne sont pas au courant, a dit la docteure Pound. C’est très souvent une surprise quand je dis à mes patients que l’enfant qui consomme deux canettes de boisson gazeuse dans une journée a consommé beaucoup plus de sucre que ce qui est recommandé dans une journée complète. Et ça ne compte même pas encore les sucres qu’il a mangés. »

On pourrait aussi parler du sel qui se cache dans des céréales que les parents croyaient « santé » pour leur enfant, dit-elle. Des études ont pourtant montré, selon elle, qu’on pourrait réduire le sel de 40 % dans les pains et d’environ 70 % dans les viandes sans que les consommateurs ne s’en aperçoivent.

Pour que les enfants canadiens adoptent un régime alimentaire optimal, la SCP recommande que les cliniciens donnent des conseils aux familles et expliquent à tous ceux qui s’occupent d’enfants comment réduire leur apport quotidien en sodium et en sucres libres.

« Il y a une grosse composante d’éducation qui est importante. Les gens ne savent pas à quel point il y a un impact sur la santé. Ils sont souvent surpris d’apprendre qu’un surplus de poids peut mener non seulement à l’hypertension et à un diabète de type 2, mais au cancer et à l’arthrite… la liste est longue. Je pense que ce sont des choses que les gens ne réalisent pas vraiment. »

D’après les profils de consommation actuels, on peut s’attendre à plus de deux millions de nouveaux cas d’obésité et des milliers de cas de cancer, de diabète de type 2 et de maladie cardiaque d’ici 2041, selon la SCP.

Et même si l’emphase accordée à l’activité physique est « importante », poursuit la docteure Pound, cela ne suffira pas à régler le problème.

« On a besoin de remèdes qu’on va appliquer à la population, a-t-elle conclu. On a beau essayer de trouver des solutions individuelles, on sait qu’une solution appliquée au niveau de la population, ça fonctionne. Il y a plein de juridictions [qui ont adopté] des taxes sur les boissons sucrées, et ça a eu un impact direct sur la consommation.

« Ce qui est difficile, c’est de briser une habitude qu’on a depuis des dizaines d’années, d’où la nécessité d’avoir une solution qui vient chercher les gens au niveau de la population plutôt que d’avoir à faire des choix individuels. Si le choix est déjà fait pour eux, alors on n’a plus le choix. »