Entre 2015 et 2018, le nombre de jeunes qui ont été vus aux urgences de l'Hôpital de Montréal pour enfants pour des gestes ou des idées suicidaires a augmenté de 55 %. Ces données font écho à une tendance alarmante qui est aussi observée chez les jeunes Américains et que vient de documenter le médecin montréalais Brett Burstein dans une étude qu'il cosigne ce mois-ci dans la revue JAMA Pediatrics. Entrevue.

Que sait-on de la situation aux États-Unis ?

Entre 2007 et 2015, le nombre d'enfants qui ont été vus aux urgences en raison de gestes ou de pensées suicidaires a doublé, passant de 580 000 à 1,12 million. Les Américains estiment qu'il s'agit là d'une situation de crise de santé mentale majeure. Au Canada, selon les données les plus récentes de Statistique Canada, le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15 à 34 ans et la troisième chez les 10 à 14 ans.

Les augmentations sont-elles importantes ici aussi ?

Notre étude a porté sur les Américains parce que les États-Unis, grâce aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC), disposent d'une base de données nous permettant de répertorier et de catégoriser toutes les visites aux urgences, ce que nous n'avons malheureusement pas pour le Canada. Mais la hausse de 55 % de visites pour gestes ou idées suicidaires qui a été enregistrée à l'Hôpital de Montréal pour enfants entre 2015 et 2018, c'est une augmentation énorme.

Qu'est-ce qui explique des hausses aussi importantes en une si courte période de temps ?

On se l'explique mal pour l'instant. Certains pensent que les réseaux sociaux y sont pour quelque chose, mais je doute qu'on puisse cibler une cause en particulier. C'est probablement multifactoriel. C'est ça, le problème : on en sait très peu sur les causes et très peu sur les solutions. Ce que l'on savait du phénomène il y a 15 ans ne s'applique plus nécessairement. On aurait vraiment besoin de davantage d'études et surtout de documenter les approches qui semblent vraiment fonctionner.

Pourquoi est-ce si important d'être attentif au risque suicidaire des jeunes ?

Parce qu'une première tentative de suicide est le premier de tous les facteurs de risque et ça vaut pour toute la vie. Il faut prendre très au sérieux tout drapeau rouge.

Les pensées ou gestes suicidaires sont sans doute très différents selon qu'il s'agit d'enfants ou d'adolescents.

Les adolescents que l'on voit sont plus nombreux à avoir des plans précis - à savoir par exemple à quelle heure précise passe le train, à avoir déjà écrit leur lettre d'adieu, etc. Les enfants disent que le monde irait mieux sans eux. Aussi, quand les enfants décident de passer à l'acte, les moyens qu'ils croient mortels le sont moins souvent.

Les enfants qui sont vus aux urgences sont-ils bien pris en charge ?

L'un des gros problèmes, c'est qu'aussi bien aux États-Unis qu'ici, 90 % des enfants sont vus dans des hôpitaux autres que pédiatriques. Bien sûr, s'il y a une blessure qui nécessite des soins rapidement, on se rend à l'hôpital le plus proche, mais un hôpital qui soigne essentiellement des adultes n'a pas les ressources pour faire une évaluation approfondie de ces jeunes et assurer un suivi optimal. De façon générale, il manque aussi cruellement de psychiatres et d'autres professionnels pour prendre rapidement en charge les enfants.

Si vous avez besoin d'écoute ou que vous avez des idées suicidaires, n'hésitez pas à communiquer avec Tel-Jeunes par téléphone au 1 800 263-2266 ou par texto au 514 600-1002. Vous pouvez aussi téléphoner au 1 866 APPELLE (1 866 277-3553)

Lisez l'article publié dans JAMA Pediatrics (en anglais).

PHOTO FOURNIE PAR LA FONDATION DU CENTRE UNIVERSITAIRE DE SANTÉ MCGILL

Le Dr Brett Burstein